Crise d'angoisse
houria
Je me réveillai en sursaut, en sueur et tout agité. Toujours la même scène ensanglantée, qui revenait, hantait mes rêves et occupait mes pensées. Mes yeux se plissèrent sous la lumière du jour qui m’extirpa de ma torpeur et dissipa quelque peu mes soucis.
Il était onze heures du matin.
Je me retrouvai en compagnie de cinq passagers, cahotés dans un taxi roulant à plein régime au milieu d’un désert nu. La route sans vie que nous suivions s’étirait loin devant et se perdait dans la ligne bleuâtre de l’horizon ; tandis que tout autour, des mirages fuyants miroitaient sous les dards enflammés d’un soleil de plomb. L’immensité du paysage me procura calme et soulagement, mais son ardeur me laissa perplexe. Encore une fois, un frisson ébranla mes certitudes et le doute m’envahit. Je venais d’échapper à la fureur des hommes et voilà que la colère silencieuse des vastes solitudes me surprit. Tel un paranoïaque persécuté, errant de peine en peine, je m’enlisais de plus en plus dans le cercle de la peur. Pourtant, la solution de m’en sortir existait bel et bien dans la vertu de la parole, elle aiderait quiconque dans ma situation à se défaire des effluves de l’angoisse. Aussi, l’envie de parler à l’un de mes compagnons d’infortune me démangeait, mais je constatai que tous les cinq somnolaient. Depuis notre départ, ils économisaient leurs souffles, regrettant le peu de bonheur dont ils jouissaient avant que le désastre ne fût abattu sur la cité. Seul Souleymane, notre chauffeur, du haut de sa mine de sexagénaire regardait droit devant, le pied collé sur l’accélérateur et la main posée sur le volant. Vêtu d’une salopette bleu marine et d’une casquette noire, il avait la physionomie du routier qui ne se reposait que rarement, juste le temps de décharger des marchandises ou d’en prendre de nouvelles. Il ne mesurait donc pas les conséquences de la fatigue sur son corps ni se souciait de la sécurité de ses passagers, seul le gain l’intéressait. Du reste, son taxi bringuebalant ressemblait à un corbillard ambulant qui menaçait de tomber en ruine à tout moment. D’ailleurs, c’était grâce à El Mahdi, ce rustre septuagénaire assis à l’avant, que nous avions pu prendre ce moyen de transport pour fuir l’enfer de la cité. Avec sa stature de géant et sa barbe hirsute qui lui donnait les airs d’un émir du maquis, il avait dissuadé une foule de gens surexcités qui voulaient tous embarquer en même temps que nous. À présent, les yeux mi-clos, il marmonnait des paroles à l’attention du chauffeur, l’incitant par là à tirer le maximum de ce que pourrait fournir son vieux tacot. Je ne comprenais toujours pas son engouement pour la vitesse, d’autant plus qu’il n’avait rien à craindre de la cruauté des terroristes. Son physique plaidait en sa faveur au cas où ses frères surgiraient du néant. À moins qu’il fût pressé de semer les germes de ses idées noires à Médina : la ville où nous avions tous décidé d’y aller. Il se prenait sûrement pour un guide éclairé de la cité que nous venions de quitter, quand, haranguant une masse de crédules tout acquise à sa cause, il se croyait parvenu au firmament des cieux. C'est que chez ces gens-là, on se fiait aux miracles, lorsque, adulés par une foule en délire, ils se prenaient pour des messies. Depuis notre départ, il ne cessait d’égrener son chapelet tout en remuant ses lèvres cachées de poils drus. Sûr qu’il récitait une prière sans conviction, juste par souci de paraître. J’eus alors l’envie de lui balancer un chaudron d’injures, mais je me retins au dernier moment, réprimant mes pensées comme toujours. Quant à Souleymane avec son air de parrain, se croyant au-dessus de tout, il ne m'inspirait que du dégoût. Devant tant de monstruosités, je n’osais ni afficher mes idées ni élever le ton, gardant constamment le silence et étouffant ma colère. Devenu pusillanime par la force des évènements, je restais muet tel l’esclave d’un navire qui, aux moments forts d’une tempête, ramait à la dérive, exécutant les ordres du capitaine et de ses matelots qui le menaient droit aux récifs.
J’allais s’ombrer de nouveau dans l’angoisse, quand Souleymane accosta un dangereux virage et faillit nous écraser contre un véhicule venant en sens inverse. Surpris, je m’accrochais à mon siège, tandis qu’El Yatima, la vieille dame, qui s’est réveillée au même moment, poussa un cri d’affolement, rompant ainsi le silence qui durait depuis notre départ.
— Voyons ! Il faut être fou pour imprimer une telle vitesse à cette voiture qui se dévisse de partout, hurla-t-elle contre le chauffeur. Nous n’avons pas fui les affres de la violence pour subir les vertiges de vos excès ! Alors, tempérez vos ardeurs de chauffard et évitez-nous les heurts d’un carambolage !
— Je suis chauffeur attitré pour vous servir, Madame, lui rétorqua-t-il sur un ton persifleur ! Dans toute la contrée, il n'y a pas un seul pilote qui m'arrive à la cheville, ni ne connaît autant que moi cette route que j’ai maintes fois parcourue ! Même, la plus petite de ses bosselures ne m’est pas inconnue ! Quant à ma voiture qui vous paraît démodée et dans un piteux état, sachez qu’elle ne m’a jamais abandonné ! Et ce n'est pas fortuit non plus si je porte ce nom prestigieux de Souleymane, ça rime avec solution à la clé de tous vos problèmes ! Pour conclure, Madame, le prix fort que vous avez consenti pour ce voyage a scellé définitivement notre contrat. J’honorerai donc mes engagements de chauffeur en vous conduisant jusqu’à Médina dont je suis au demeurant le seul à connaître l’endroit. Pour toutes ces raisons, je m’efforce d’aller vite pour vous éviter, du mieux que je peux, les nombreux écueils et surprises que recèle cette route. D'ailleurs, Monsieur El Mahdi me semble bien informé sur les risques que nous encourons. Il pourrait bien vous en dire davantage si vous daignez lui prêter l’oreille, conclut-il d’un ton toujours railleur et empreint de menaces.
Il y a de ces propos qui ne nous laissent pas indifférents. S’ils n’émeuvent pas, ils sèment le doute dans l’esprit. C’était justement le cas, lorsque le chauffeur, échangeant des regards complices avec El Mahdi, avait parlé de probables embûches dressées au travers de notre chemin. Ses insinuations m’avaient fort perturbé, si bien que de vagues réminiscences avaient surgis de ma mémoire tourmentée, et qu’une série d’images avait défilé rapidement dans ma tête. Je revis alors le film de mon cauchemar, celui qui n’avait cessé de me harceler, me persécuter même, au point que ma bonhomie et ma joie de vivre s’étaient depuis transformées en circonspection et tristesse. À l’époque, bien avant la survenance des évènements sanglants, J’avais pris l’habitude de tarder à ma fenêtre, observant tantôt la voûte étoilée du ciel tantôt les noctambules de la place. Je passais ainsi d’agréables moments de détente et de béatitude que rien n’altérait, mais le tumulte, qu’avait provoqué en cette nuit l’arrivée d’une foule déchaînée, avait corrompu mon bonheur et m’avait fait perdre le fil de ma pensée. Comment garder ma sérénité, quand des hommes armés de sabres et de fusils avaient afflué des rues avoisinantes et pris d’assaut l’esplanade et les allées ? A fortiori, ce n’était ni des soldats ni des policiers, puisque le temps d’un éclair, j’avais compris à la vue de leur accoutrement qu’il s’agissait de terroristes. Une sueur froide avait parcouru mon dos, lorsqu’ils s’étaient rués sur les flâneurs et les clients attablés aux terrasses des cafés. Frappé de stupeur, j’avais assisté en témoin médusé à la première tuerie de la cité où la place des martyrs s’était transformée en arène jonchée de cadavres et de sang. Une boucherie indescriptible, sauvage, inhumaine, où la barbarie avait triomphé de la raison. Glacé d’effroi, j’avais suivi des yeux le massacre de paisibles citoyens dont les cris et les lamentations se perdaient au milieu du fracas des armes et des jubilations des assassins. J’étais ankylosé, momifié, fasciné, sans voix, mais l’horrible scène s’était mémorisée à jamais dans mon esprit. Je serais resté ainsi des heures si ce n’était Houria qui, réveillée par les tirs et les cris d’horreur, s’était accouru à la fenêtre. Affolée, me croyant mort ou blessé, elle m’avait traîné jusqu’au salon, fouillé mon corps, examiné ma tête, interrogé mes yeux... Voyant que j’étais en vie, elle m’avait crié au visage pour me tirer de ma terreur. J’avais lu sur son regard toute l’affection d’une mère et senti la déception qu’elle éprouva en découvrant ma lâcheté. Elle ne s’attendait sûrement pas à me voir dans la peau d’un couard ni d’un téméraire écervelé, mais juste le fils digne du père qu’elle avait chéri. Je ne m’étais repris que tard, au moment même où les terroristes avaient investi notre immeuble et que j’ai perçu le bruit de leurs voix tonnantes qui montaient l’escalier. Les sanguinaires voulaient sans doute marquer leur passage en tuant le maximum de gens. L’instinct de survie, lui seul avait fait naître cette impulsion dans mon cœur pour que le sang ait pu refluer dans mes veines et que je me ressaisisse, pendant que Houria, qui avait pressenti la même menace, s’était emparé du pistolet à barillet que mon défunt père nous avait légué. Sans hésiter ni frémir, tandis que je tremblotais à côté d’elle, elle avait pointé l’arme sur la porte d’entrée, prête à tirer sur quiconque aurait tenté de la traverser. Pendant un moment qui m’a paru une éternité, je n’entendais que les râles et les hurlements des voisins de l’appartement du dessous que les terroristes massacraient un à un. Le plus cruel animal n’aurait pas fait autant de carnage ni horrifié autant sa proie. Longtemps après, les cris de détresse des victimes bourdonnaient dans ma tête au point que je ne m’étais même pas rendu compte du départ précipité des tueurs ni de l’arrivée des secours. L’incessant ballet d’ambulances et les ululements de leurs sirènes m’avaient laissé éveiller jusqu’au petit matin, les yeux rivés sur la porte d’entrée. Houria, quant à elle, le visage livide et les traits tirés, implorait le salut d’Allah.
Le lendemain matin, une odeur fétide, mélange de brûlé et de chair putréfiée, planait sur la place inhabituellement déserte à cette heure de la journée. Les riverains, terrorisés par les évènements de la nuit, hésitaient toujours à se hasarder dans la rue. Même, les magasins et les cafés gardaient leurs portes hermétiquement fermées. Seuls quatre pompiers et deux employés de la commune s’affairaient au nettoyage des flaques de sang coagulé.
Une centaine de citoyens auraient trouvé la mort lors de cette incursion. L’information, rapportée en exclusivité par les chaînes étrangères, n’a été reprise que tard, distillée parcimonieusement par l’unique télévision de l’État. Notre cité, la petite ville du pays profond, venait ainsi de se faire connaître du monde entier, comme les autres bourgs qui avaient subi le même genre de massacre. Un calcul macabre m’avait indiqué que pour la seule nuit d’hier et à divers endroits, trois cents personnes avaient péri des mains de la horde des intégristes. La barbarie connaissait alors son apogée en ce milieu de l’avant dernière décennie du vingtième siècle.
Le téléphone n’avait pas cessé de sonner de toute la matinée : du bureau où mon absence inquiétait les collègues, et des amis et des proches qui s’enquéraient de mes nouvelles sans en venir à l’essentiel ni d’évoquer le drame de la nuit passée. Même au bout du fil, les gens évitaient d’en parler. Désormais, notre cité faisait partie de ces villes maudites que l’on n’oserait fréquenter et encore moins en parler. Pour la première fois, l’idée de la quitter avait trotté dans mon esprit, mais, au vu des circonstances, il était inconvenant de demander l’avis à ma mère. Elle était à ce moment-là à la fenêtre, au même endroit où je me tenais la veille. Un grand remue-ménage attirait son attention. Là, le long de la devanture du poste de police, au ras des bordures du trottoir, des maçons érigeaient à la hâte une clôture, tandis que d’autres bloquaient la route d’accès de blocs de béton peints en rouge et blanc.
Sentant ma présence à ses côtés, elle m’avait dit d’une voix triste et émue.
— Voici venu le temps des barricades, mon fils ! Désormais, nous ne devons compter que sur nous-mêmes et réfléchir à la solution de nous en sortir de ce guêpier.
Elle n’avait pas tort, ma mère. Tous ses dires avaient un sens profond, abondant en clairvoyance et sagacité, comme d’ailleurs ses longs mutismes qui ne manquaient ni de subtilité ni de sagesse. C’était justement le cas de son message en parlant du rempart que les policiers édifiaient. Que penserait alors le simple citoyen de ces fortifications, m’aurait-elle dit ? Qu’elles seraient les conséquences d’une telle action sur son mental ? Comprendrait-il que cette vague de folie avait surpris les plus avertis pour qu’ils parassent au plus pressé en prenant cette mesure ou, au contraire, se sentirait-il abandonné et à la merci des monstres qu’il avait élus ? Car l’arrêt du processus électoral n’avait pas départagé les voix ; bien au contraire, il avait creusé un gouffre entre deux tendances radicalement opposées. Il y avait les citoyens qui criaient haro sur l’hydre avant qu’elle ne s’emparât des libertés, et d’autres qui la portaient à bout de bras. Avec ou sans conviction, ces derniers voulaient s’allier au diable juste pour prendre leur revanche sur un système qui les a toujours marginalisés et réduits au silence.
Livrée à la violence et à l'anarchie, notre petite cité tremblait d'effroi. Chaque jour, la mort fauchait de simples citoyens, des gardiens de la paix ou de jeunes conscrits que les proches et les amis accompagnaient silencieusement au cimetière dans de longues processions. Une peur collective s'était emparée alors des habitants qui, dès la tombée de la nuit, courraient s’enfermer chez eux. La terreur s’amplifiait, prenait l’allure d’une sale guerre, surtout par ces têtes humaines que l’on jetait aux abords de la cité ou encore ces corps mutilés que l’on exposait aux croisements des rues de compagne. Depuis, l’angoisse aux tripes, je ne pensais qu’à fuir la ville et ses macabres nouvelles. Je n’étais pas le seul dans cet état d’esprit, d'autres, épris de paix et de liberté, le vivaient aussi. L’occasion s’était présentée lorsqu’une rumeur persistante relayée par les tenants de l’obscurantisme avait fait le tour des chaumières. Il paraît que les terroristes détiennent une liste de personnes qu'ils voulaient éliminer à tout prix. Des gens simples, de diverses conditions, que seul réunissait leur rejet de l’intégrisme, se trouvaient ainsi sous la menace d’une mort qui ne saurait tarder. Naturellement, les opposants en vue se sentirent les plus visés et limitèrent donc de leurs déplacements. En dépit de ces mesures, deux activistes de gauche tombèrent en plein jour sous les balles assassines. La peur avait ébranlé alors les plus tenaces des militants, certains s’exilèrent et d’autres rentrèrent dans la clandestinité. Ce n’était pas la mort en elle-même qui les inquiétait, mais plutôt son attente qui leur était la plus pénible à supporter. Pour ma part, quoique je ne fisse partie d'aucune obédience politique, je m'entourais de prudence chaque fois que je m'aventurais dans la rue. Car je savais que les assassins agissaient sans discernement et pourraient bien me tuer pour mes accointances avec les milieux gauchistes. Je limitais donc mes sorties aux seules heures de travail, changeant chaque jour d’itinéraire afin de déjouer d’éventuels traquenards.
Houria, qui était au fait de mes tourments, est venu me parler un soir de Médina, me conseillant de rejoindre cette cité sans tarder.
— C’est le moment de te parler de Médina, commença-t-elle par me dire d’un ton solennel et énigmatique. C’est une ville où il fait bon vivre et où tous les citoyens sont égaux en devoirs et en droits. Apparue à l’aube de notre indépendance, elle grouille de monde venu des quatre coins du pays. Il paraît que la justice y règne et les hommes chargés de la faire respecter tournent les pouces, tellement les gens sont respectueux des lois. Animés par la même volonté de servir et d’évoluer, les citoyens se prévalent de qualités humaines, les meilleures de tout ce que l'on peut trouver ailleurs. Il parait aussi, voilà bientôt trente ans, que toutes les prisons ont fermé leurs portes à la sortie du dernier détenu. On y enseigne maintenant le civisme aux enfants nouvellement débarqués, quant à leurs parents, on les accompagne dans la recherche d’un gîte et d’un emploi. Là-bas, les gens rejoignent tôt leur travail, s’adonnent à l'ouvrage avec passion, génèrent des richesses et rendent un service public de qualité, le meilleur de tout le continent. Souriants et courtois, ils cèdent toujours le passage aux dames, aux vieux et aux petits. En sortant de chez eux, certains que personne ne viendra dérober leurs biens, ils ne ferment pas à clé et laissent leurs fenêtres entrouvertes. Les constructions ne sont barricadées ni de fer forgé ni de murs opaques, mais respirent la lavande pendant le jour et le jasmin la nuit. Il fait si bon se promener par un week-end à Médina où l’on ne voit pas l’ombre d’un détritus emporté par la brise parfumée qui parcourt ses grandes artères propres et fleuries. On y trouve de tout, de la restauration saine et à bon marché jusqu'à la salle de cinéma projetant un film en continu où le metteur en scène vient défendre son œuvre devant un public intéressé. Si on sort le matin, on est sûr de ne rentrer que tard, ravi et comblé, la poche toujours pleine. Dans cette cité-là, la jupe côtoie la gandoura, le costume le hidjab et tous se respectent mutuellement, seules les idées prévalent par leur apport de progrès. Et lorsque l'une émerge d'un individu ou d'un groupe, les autres l'écoutent, la critiquent et l'enrichissent pour le bien de la collectivité. On n’improvise pas, on n’impose rien, mais on débat ; et la lumière jaillit, se répandant en bienfaits sur l’ensemble des citoyens de la cité. Quant au maire de cette cité-là, il est au-dessus de tout, par sa gentillesse, sa droiture, sa vision et sa disponibilité. On le voit souvent, seul ou suivi de son secrétaire, arpentant les rues, discutant avec les uns et saluant les autres. Simplement, sans fanfare ni garde rapprochée, au quotidien, il veille sur la quiétude de ses administrés. Il est si populaire et estimé autant que ses prédécesseurs que la municipalité compte lui faire un grand gala à la fin de son mandat. Et quand il mourra, tard ou à la force de l’âge, on l’enterrera au panthéon à côté d’illustres noms d’hommes et de femmes de culture, des savants, des politologues et des héros qui font la fierté de toute une nation.
Je l’avais écoutée sans mot dire, parler d’une ville mythique dont je ne connaissais ni l’existence ni la légende. J’avais même cru qu’elle divaguait, et que le climat d’insécurité en était la cause probable de ses délires, mais l’intensité de son regard et la teneur de ses propos avaient ébranlé toutes les deux mes certitudes. Captivé, charmé même par les dires de ma mère, j’ai commencé à croire en la réalité d’une telle cité, bien qu’en passant successivement en revue celles de la contrée je n’en ai trouvé aucune de pareille. Certaine qu’elle m’avait convaincu, et qu’au lever du jour je serais sur la route de Médina, Houria s’en est allée sur la pointe des pieds, non sans éteindre la lumière et me souhaiter bonne nuit. Le plus heureux de mes concitoyens, s’il en avait eu vent, aurait rallié sur-le-champ ce havre de paix et de quiétude ; mais dans mon cas, j’ai sombré tout de suite dans le sommeil, bercé par un beau rêve aux multiples facettes de Médina.
Six voyageurs fuient leur cité infestée de terroristes. Ils se dirigent tous vers Médina, une ville mythique