Critique de Michel Onfray
Anthony Joris
Michel Onfray est un «philosophe» et essayiste français né le 1er janvier 1959 à Argentan. Athée et ardent défenseur de l'épicurisme, il défend et promeut l'idée d'une lecture du réel basée sur la volonté de puissance quand selon lui (et d'autres), la croyance repose sur la faiblesse intrinsèque de l'Homme, l'ayant conduit à s'inventer des Dieux ainsi qu'une vie après la mort.
Je me défais rapidement de la problématique générale et des avis que suscite la question pour remarquer dans un premier temps à quel point cet homme, dans ses idées remarquables apparaît comme original et marquant tant par sa manière d'aborder la thématique (déformer et biaiser les analyses théologiques) que de formuler son avis (en qualifiant littéralement ses quelques lecteurs croyants de "moutons").
Malgré son triste penchant consistant à effleurer les livres ou à les lire en diagonale, soulignons tout de même que les médias l'évoquent en tant que «philosophe» ce qui nous amène donc à nous interroger sur cette question qui traverse les siècles : qu'est-ce qu'un philosophe ?
Wikipedia nous apprend qu'un philosophe «est une personne dont les écrits ou la parole sont reconnus par des écoles, groupes, religions, ou académies… Il existe ainsi une dimension de reconnaissance entre le philosophe et le groupe qui le juge en tant que tel. »
Pour dépasser cette clarification, j'ouvre mon dictionnaire de vocabulaire technique et critique de la philosophie (aux éditions puf), on m'apprend alors que dans les quatre définitions proposées, celle considérée comme répondant le plus à la tradition rapportée par Cicéron notamment ou Diogène Laërce est la suivante : Un philosophe s'occupe de connaître les choses divines et humaines, les origines et les causes de tous les faits. Devant cette tâche colossale qui incombe aux philosophes, tout ce qui intéresse notre Onfray c'est de coucher à l'écrit ses pensées épicuriennes avec des titres très racoleurs comme "l'art de jouir" publié en 1991, ou encore "féérie anatomique" paru en 2003.
La dialectique socratique et la dialectique platonicienne nous enseignent les fondements de l'art de penser, qui n'est pas l'art de faire des fiches universitaires au sujet d'auteurs qu'il faut bien évidemment expliquer au public afin de contribuer à l'éducation de la masse. C'est ainsi qu'on en arrive à des ouvrages du type "crépuscule d'une idole" ou "la puissance d'exister : manifeste hédoniste", ne se contentant par là que de reprendre des pensées avec des "réajustements" contestables. Quant à son traité d'athéologie présenté comme l'ouvrage le plaçant au sommet de son art, il s'agit d'un livre de piètre facture dont la condition sine qua non a été l'existence de son maître à penser, Nietzsche, qu'il ne s'exclut pas de citer à propos de son ouvrage "Ecce homo, Pourquoi je suis un destin, § 8". C'est en somme un somptueux ramassis d'excréments textuels dans lesquels il se moque encore et toujours de ceux qui sont à la recherche d'une dimension spirituelle, pour ne citer qu'un passage dans la deuxième partie de sa préface au sujet du paradis " il connaîtra donc un jour ces délices ? Oui, j'espère... Je les lui souhaite sincèrement - gardant en mon for intérieur cette certitude qu'il se leurre, qu'on le trompe et qu'il n'en connaîtra malheureusement jamais rien..." Quel mépris, quelle arrogance et quelle suffisance chez un personnage qui se sent l'âme d'un Nietzsche, qu'il ne surpassera jamais ni dans la pensée, ni sous aucune forme de production intellectuelle. Là où le bât blesse, c'est qu'il tente manifestement de vivre selon les enseignements de Nietzsche sans avoir pratiqué le même travail de réflexion que lui afin de parvenir à ses conclusions.
La polarisation médiatique excessive à son égard et le succès de ses livres sont deux indicateurs, semblerait-il en ce triste siècle pour la pensée, permettant de désigner avec légèreté une personne au moyen de sa visibilité comme éminente dans le domaine de la philosophie.
La pierre d'achoppement devant la qualification que revêt Michel Onfray peut être représentée sous cette simple question : Michel Onfray laissera-t-il un seul enseignement philosophique derrière lui ?
La réponse est tristement évidente, il n'aura jamais laissé à la postérité qu'une illustration supplémentaire et même superfétatoire de la maxime que l'on impute injustement à Antoine Lavoiser « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »
Un philosophe tient compte des enseignements de ses prédécesseurs quand ceux-ci ont été assez lumineux pour que la pensée soit portée à un haut degré d'incandescence en les considérant. Michel Onfray est un obsédé de la référence et c'est même un professionnel de références livresques ostentatoires, quitte à en déprécier sa pensée originelle. Ce n'est pas un philosophe mais un philodoxe en puissance agitant de grandes problématiques déjà soulevées, comme un enfant pourrait s'amuser en remuant son hochet.