Cupboard's children (Extrait 0 )

jone-kenzo

                                                                   Chapitre I    
                                                             - Une nuit de rêve -

Jimmy était en train de broyer le troisième biscuits de son paquet premier prix. Sur la boite il y avait marqué «  chocolat au lait  ». Mais il était noir à vu d’œil ce fichue cacao. Elle regardait l’emballage en grinçant des dents. Il lui en manquait un paquet, mais le dentiste avait dit qu’elles étaient en trop. Le tintement du rideau de perles devant sa porte cingla pendant qu’elle lâchait des jurons sur le design qu’on réservait aux produits pour les pauvres. En guise d’accueil la jeune femme renversa sa nuque sur son vieux fauteuils années 60 en motifs velours vert passé. Des miettes dégringolèrent sur le faux parquet. Pendant qu’elle se raclait les dents avec la langue, elle refit pour la vingtième fois de la journée ce geste qui était un trait caractéristique ou un tic de sa personne: inspirer par le nez en passant négligemment son pouce dessus.

- « Je me donne la peine de te dire bonjour hypocritement ou tu préfères directe aller saluer mon frigo ?   mâchouillât  Jimmy, prise dans une bataille sans merci avec le plastique qui enserrait ce qu’elle appelait « les gâteaux pour chien  »

Une adolescente d’environ quinze ans, les cheveux colorés de bleu électrique, l’air sautillant se posta devant elle.

-  Ca dépend, si tu parles de tes plats préparés avec amours ou pas: du pain liquide à 7 degrès de houblon.  Ouah ! Gloussa-t-elle devant une fine cannette d’un acier noir et très lourd. T’as taxé de l’eau de feu dans une réserve visage pale ? Prononçant ces paroles elle finit par rire à sa propre blague et projeta un peu de salive au passage.

- Dis t’aurais pu me prévenir que depuis que je crèche ici on a pas enlevé la pancarte  «  fondation caritative pour enfant atteints de troubles psycho moteurs !  ». Et touche pas à ça ! C’est précieux ! Ca vaux un fric fou figure toi ! C’est le cadeau d’un vieil ami.

 - Bouh ! Qu’est-ce que t’es méchante avec moi ! Alors que moi je t’aime avec plein de cœur, cyan, magenta et …

- Et bleu et doré et rouge, et jaune comme comme le soleil qui emplis tes nuits et tes jours, c’est-à-dire par équation sous protocole certifié: moi … soupira-t-elle blasée

- Exactement ! S’écria la plus jeune en la serrant dans ses bras à lui en briser les côtes. A l’exception que j’ai déjà cité la couleur rouge qui est le magenta !

- Putain tu veux que je te fasse un dessin sur la différence entre les couleurs chromatiques et les teintes ?

- Non mais tu pourrais peut être me rappeler la formule pour calculer l’indice de réflexion sur une surface ? Répondit-elle pleine d’arrogance, un grand sourire aux lèvres.

- Non seulement je le pourrais, puisque je te rappelle que c’est au programme de secondaire, mais surtout tu ferais mieux d’arrêter de lire tes conneries de poètes anglais, ta répartie deviens mièvre comme l’exaltation d’une tombe où une jeune fille de vingt ans est morte !

- T’es bête! J’avais dis que je te lirai du Aragon ! Fit-elle la mine enfantine faussement déconfite.

Personne ne connaissait d’écrivain français en Amérique, sauf Eden. Elle avait été à bonne école, et son professeur s’en voulait.

- Ouais ben j’ préfère encore que tu lises ton emplois du temps scolaire. Tu connais déjà la suite de l’histoire des petits malins qui se croient trop intelligents ou trop « no futur  » pour manquer leurs foutue classes !  Du genre…

- Du genre alcoolique et aigrie comme toi … je sais, mais moi je t’aime bien comme ça, c’est cool ! Dit-elle avec un sourire, pensant une partie de ce qu’elle disait.

- J’suis plus alcoolique ! Et puis tu peux me dire ce que tu fais là à cette heure ci ? 22H30, j’crois que c’est l’heure d’aller au lit, avec un p’tit verre de lait. Demain tu te diriges vers la cour de récré il me semble, et ça serait bien que tu trouve les salles de cours qui vont avec !

Jimmy posa sa main sur l’accoudoir en bois de chêne au vernis écaillé comme si elle tenait un verre. Réflexe. Pour pallier elle s’alluma une cigarette. Elle voyait du coin de l’œil des collant rayés, une mini jupe et un t-shirt trop large déchiré à l’effigie d’un groupe de rock.  L’affection n’avait jamais été son fort. Aussi se contenta-t-elle l’air exaspéré d’ébouriffer encore un peu plus le chaos qui servait de coiffure à son invité surprise. Surprise pas tant que ça. Quoique ça faisait un moment qu’elle n’était pas venue la voir. Une moue imperceptible se dessina sur son visage déjà maussade, auquel ses cernes et son visage émacié n’arrangeait rien. Quand elle voyait cette petite débarquer comme ça, l’air de rien, à des heures incongrues, elle se doutait que c’était par solitude. Mais elle n’y pouvait rien, elle était rude et personne ne lui avait appris à prendre un gosse dans ses bras.

J’ai écris un nouveau texte si tu veux. Personne ne le lira mais tu pourras l’avoir en exclusivité… si ça te dis.

Comme une lumière de boite de nuit, Eden se mit à sautiller en faisant un bruit fracassant, ses chaussures à tallons compensés martelant le sol.

- Oui ! Oui ! Vas-y je veux lire, montre le moi !

C’était une histoire un peu absurde sur une personne qui voulait se persuader qu’on pouvait faire de n’importe quel objet un bien de remplacement d’un autre objet désiré. Ici il s’agissait d’un radiateur.
Situation totalement incongrue, d’ailleurs son auteur ignorait totalement pourquoi elle écrivait des choses aussi absurdes. Dans sa bibliothèque et sur son bureau trainaient des écritures en pagailles à la main ou dactylographiées.  C’était son seul passe temps. Ca et regarder les match de baseball, une bouteille de bière à la main. En dehors de ça, elle vivait plus ou moins de deux boulot qui n’en étaient pas vraiment: aider son oncle à son garage / pompe à essence, et aider au restaurant familial. Une sorte de bar café. Probablement l’un des seuls à 50 kilomètres à la ronde.

- Tu veux pas faire des dessins de toute les couleurs hyper moches que j’accrocherait sur le frigo, ou des poules en pâte à sel, qui me pèterons une phalange à chaque fois que je prendrait un marteau sur une chaise bancale pour les accrocher au mur ? Ce serait plus simple …

Passant une main sur son visage, comme si elle sortait de l’eau d’un marécage, elle se ralluma une blonde. Avec dépit elle partait dans ses pensées, se demandant si c’était ce genre de gosses l’avenir du pays, et si elle-même n’en faisait pas encore partie. Pendant qu’elle entretenait un débat sur les responsabilités au sujet du nucléaire et de la production de bougie qui se cassait la gueule en Ukraine, elle commençait à avoir besoin de ses somnifères. Au mieux, dans deux heure elle trouverait peut être les programme télé tellement merdique qu’elle s’endormirait habillée, comme tout les soirs, sur son fauteuil.

Eden, je vais te raccompagner. J’voudrais que tu essaies de faire ce que j’tai dis. C’est pas normal d’aller et venir à des heures pareille. J’suis p’tête pas un modèle, mais à quinze ans je peut te dire que j’avais pas intérêt à ce qu’on me voit dehors à cette heure là !

- Et donc tu obéissais gentiment, en lisant un peu de Nietzche pour faire de beau rêve et espérer que demain tout les perdants mourraient ? Riait-elle encore à gorge déployée.

- Non, mais à ton âge j’avais des tas de rêves, et quand je sortais en douce je faisais rien de méchant. On se cotisait juste avec quelques potes pour une ou deux cannettes de soda, et on écoutait les dernières cassettes ou on avait enregistré nos chansons radio préférées.

- Ouah ! Palpitant ! Et tes rêves c’était quoi ?

- Plein de chose. Dit-elle en inspirant une autre bouffée de nicotine. Dis-moi, tu sais ce que c’est l’origine de ce que tu as comme genre de groupe sur ton T shirt ?
- La drogue ?

-Non. Tout faux. HUUUN HUUUN ! Elle imita le son d’un biper de jeu télévisé. Le Skiffle ma grande. Je sais ça sonne comme le nom d’une spécialité de tarte allemande genre strudel. Tu vois, ce logo là, sur toi, pour en arriver la, ça a été tout un foutue ramdam.  A l’époque John Lenon avait un groupe, les «  quarry boys  » ou un truc du genre. Et je peux te dire que c’était pas au goût de tout le monde !

- comme les végétariens ?

- Ou les clubs échangistes pour les sexagénaires ? Ferme là quand je prends le temps de t’expliquer avec quoi tu te ballades sur le dos. Tu portes des symboles parce que ça fait jolie ? Si tu veux j’connais un super magasin de pins !

- Non, continues, mais arrête de grogner, tu va te transformer en sanglier, et c’est pas mignon un sanglier, c’est gros et c’est marron  et c’est tellement moche qu’on doit les tuer et les manger pour faire disparaitre les preuves…

- Bon, t’as finis ?! Si ça continue j’te cherche un apprentissage d’onglerie, ces discutions de bonne femme me foute la gerbe ! J’te disais… Grace à des gens comme Mona Best, que ce genre de groupes ont put jouer. C’était une mère de famille et elle a eut plus de couille qu’un idiot de volontaire pour la guerre du Vietnam. Elle a fait de sa cave le «  casbah coffee  ». Ce n’est que bien plus tard que les Beatles ont été formés  et produit par un gars qui a l’époque était totalement inconnus «  Giorgio Gomelsky  » . Y’a des types qui ont du flaire, tu les mets à la douane, t’économise sur les clébards.

Y’avait des tas de groupes, l’un des plus connus avec les Stones étaient «  the animals ». Le rock c’est ce putain de truc qui a commencé à faire germer une graine d’arbre fou. Les lianes de la jungle. Les gonzes de cette époques se sont dit «  merde pourquoi j’irais buter un gars, pour revenir allégé de mes deux jambes, alors que j’pourrais m’en servir pour danser ! Tu te rappelles de cette chanson «  Don’t let me be missunderstood  ». Elle date de cette époque, c’était eux! Y’avait encore «  Jerry and the pacemakers «  I like it ».  Et là j’peux pas être moins vulgaire en te disant que Peace and love c’était ça.

Je suis sure que le nom de «  Howlin Wolf  » ne te dis rien. C’était un black. De la musique de «  nègre  ». Et à l’époque, c’était ni une insulte, ni un mot familier. Dis toi que la BBC n’autorisait que 30 minutes, le mardi soir pour le blues. Mais il y avait des visionnaires comme Brian Jones…

- Qui ?

- Le fondateur des Rolling stones tête de tarte au cake ! Putain, quand je me ballade dehors, je vois ces gars qui savent pas utiliser un mouchoirs pour s’essuyer la morve, des saloperies de graphitis que j’comprend pas mais que j’ai appris à reconnaitre. Cette mode des Néonazis, à compter qu’ils aient disparus un jour. Bientôt ils vont nous refoutre la cagoule cousue au bonnet d’âne. Et ces branleurs écoutent de la musique de nègre et s’envoie de la colombienne. Qu’est-ce t’en penses de ça hein ? J’sais pas si c’est la saison estivale, mais j’trouve que beaucoup de tes potes ont une calvitie précoce !

- Faut pas faire attention, sourit Eden. C’est juste des gars paumés, un jour ils sont communistes, le lendemain ils se font une croix gammée avec le mascara de leur mère. Je le sais, un jour y’en a un qui s’est lavé les mains, il est revenu sans son tatouage. Ils devraient en mettre  dans les chewing-gums, ça économiserait le maquillage.  

-Enfin, pour répondre à ta première question: j’hésitais entre marchand de glace serial killer et chasseur de prime. Pour te répondre

- Hahaha ! C’Est-ce que tu as dis au conseiller d’orientation ? J’donnerais chère pour voir sa tronche quand tu lui as sortis ça !

- Pff, tu sais pas ce que tu dis. Puis oublies ça, j’ai jamais dis ça. La paire de baffe que je me serait prise sinon. « Un aller retour  » comme aurait dit ma grand-mère. D’ailleurs mon père m’avait même proposé un voyage gratuit jusqu’à la côte opposé ! Un sourire éclaira son visage taciturne. Elle se rappelait de ces expressions qu’elle adorait, qui l’avait fait trembler comme de la jelly à l’anglaise dix ans plus tôt. J’avais pas intérêt à la ramener, tu sais à l’époque je me croyais plus adulte que  ma famille. Mais sur beaucoup de points, je trouve aujourd’hui qu’ils avaient tout compris.

Jimmy eut un regard bienveillant qu’on lui connaissait peu. On voyait quelques unes de ses dents dépasser de ses lèvres. Un genre de sourire grimace qui lui était caractéristique. Un peu de regret, un peu de nostalgie. Pourtant on lui avait souvent répété qu’elle parlait comme si elle avait déjà passé l’âge d’accéder à la pitié pour seniors. L’espace d’un instant, l’idée rocambolesque de se présenter dans un bus en demandant un p’tit geste, un tarif pour les vioc la traversa. Elle émit un rire court en se tapant la jambe.

- Pourquoi tu rigoles ?

- Pour rien, répondit-elle en essayant de regagner son sérieux. Je me disait qu’ Aragon écrivait un sacré paquet de pleurnicherie pour nettoyer le parquet le lino des chaumières à l’iode.  Bon je te ramène, petite conne va.


Dehors l’air était chaud. Heureusement un vent de sud venait en rajouter, des fois que les grenouilles chopent un mal de gorge et se taisent. Pendant ce temps Jimmy faisait la check list de son artillerie, prête à prendre d’assaut un boomker ou à en faire sa résidence. Manquait les boites de conserves. Quoiqu’elle avait son légume préféré sur elle: le tabac.

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