Dans la cave

plumedesang

Image tirée du film Evil Dead de Sam Raimi.


Les adultes refusent toujours de croire au surnaturel et se raccrochent à leur logique implacable, mettant nos histoires sur le compte de notre imagination débordante. Or, tout le monde le sait : la vérité sort de la bouche des enfants. 

Mes parents n'echappaient pas aux règles de la sacro sainte raison. Chaque fois que je leur racontais un fait trop rocambolesque pour leur ouverture d'esprit étriquée, ils m'ignoraient royalement, me congediant d'un simple: " oui c'est bien Pierre et maintenant fais tes devoirs". Si parfois il est vrai que j'en faisais un peu trop, je n'ai jamais menti au sujet de la nouvelle maison. Non pas que la bâtisse soit mauvaise en soi, mais ce qui me couvrait d'effroi lorsqu'on y a emménagé c'est ce qui s'y tapissait dans l'ombre, à la cave.


Maman et papa ont bien essayé de me rassurer à ce sujet. "Les monstres, ça n'existe pas Pierre, c'est encore ton imagination qui te joue des tours, on va te préparer un bon chocolat chaud et après tu iras au lit !" Mais moi, je savais. Chaque nuit j'entendais la chose gratter avec ses griffes que j'imaginais immenses et ses plaintes à me glacer le sang. J'avais beau en parler à mes parents, rien n'y faisait, ils ne me prenaient jamais au sérieux. Jusqu'à cette fameuse nuit.


Ça s'est passé lors d'une froide soirée de décembre. Nous étions en plein préparatifs de Noël. Papa et maman avaient acheté un énorme sapin et m'avaient demandé d'aller chercher le carton de boules et de guirlandes afin de décorer l'arbre. Jusque là, quoi de plus normal ? Seulement, l'ombre au tableau et non des moindres : ledit carton se trouvait dans l'antre du fruit de mes plus grandes terreurs, dans la cave. La mort dans l'âme, je m'y rendis.


L'on accédait à la pièce du sous sol par un escalier en bois. Chaque pas faisait grincer les marches, un vacarme de tous les diables à réveiller un mort. Si il y avait vraiment une abomination tapie dans ces ténèbres, elle était avertie de ma présence depuis un bon moment. Je continuais ma descente quand, soudain, je les vis : deux yeux jaunes, me fixant, une lueur d'appétit féroce dans le regard. Je fis demi tour et remontai l'escalier en vitesse.


La fessée ne se fit pas prier. Après un sermon d'une demi heure sur les méfaits de regarder les Contes de la Crypte et de lire Doggybags et autres cochonneries non convenables pour un garçon de mon âge, je fus prié de retourner chercher ce maudit carton à mes risques et périls. C'est donc fulminant de rage et la peur au ventre que je retournais vers une mort certaine.

Trois quarts d'heure étaient déjà passés et Pierre n'était toujours pas revenu de son excursion à la cave. Marie et Jean, ses parents, commençaient à s'inquiéter. Que faisait-t-il? Trouver un carton de décorations de Noël n'était pourtant pas bien compliqué. À moins qu'il n'ait trouvé quelque chose digne d'un meilleur intérêt. Et si il avait glissé dans l'escalier et était tombé ? Après tout, il faisait noir dans la cave et les marches étaient en piteux état. Tout à leurs interrogations et inquiétude, Marie et Jean s'apprêtaient à descendre au sous sol quand un évènement les conforta dans leur décision : un cri strident retentit des profondeurs obscures de la maison. Ni une, ni deux ils se précipitèrent dans l'escalier menant à la cave. Ce qu'ils découvrirent en bas était au delà de toute l'horreur que peut concevoir l'esprit humain : là, dans les ténèbres absolues seulement trouées par les lueurs de leurs lampes torches, se trouvait une créature immonde dotée d'innombrables tentacules visqueuses terminées par des griffes recourbées et d'une gueule  béante garnie de trois rangées de dents tranchantes comme des lames de rasoir. Comble de l'horreur, elle devorait ce qui avait jadis été leur fils Pierre jusqu'à la moelle dans d'interminables bruits de succion.


Tout le monde le sait : la vérité sort de la bouche des enfants.


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