DANY TIBERLEY ET LE TEMPLE DE SEGAYOV
Jean Marc Houze
VOLUME 2 (sortie prévue pour 2014)
DANY TIBERLEY ET LE TEMPLE DE SEGAYOV
DEBUT DE LA DEUXIEME JOURNEE
Pierrot déambulait rapidement en faisant très attention à ne pas faire de bruit, car un animal étrange et peu convivial était à sa poursuite. Il ne savait pas ce qu'il faisait là, ni même depuis combien de temps il se trouvait dans cet endroit, mais il avait parfaitement compris qu'il devait fuir devant cette bête qui voyait en lui, un succulent repas.
Il était dans une grotte où les chemins se croisaient, montant ou descendant dans les entrailles de la Terre et parfois même, l'érosion de la roche était si importante qu'elle se creusait vers le bas en formant de vertigineuses pentes plongeant dans une obscurité inquiétante..
Le moindre chuchotement s'amplifiait considérablement et de formidables échos se créaient sous cette voute parsemée de stalactites. Cela ne rassurait guère Pierrot qui faisait de son mieux pour rester discret, d'autant plus qu'il ne lui était pas facile de s'orienter dans cet univers inconnu. Il lui fallait trouver à tout prix une issue de secours s'il voulait s'en sortir vivant. Cette grotte qui regorgeait de pièges devait être l'antre du monstre qu'il avait à ses trousses, mais le pire c'est qu'il ne savait pas si d'autres créatures de ce genre avaient également élu domicile ici.
Tout en continuant son exploration forcée, il arriva à un embranchement donnant sur un grand espace et pensa qu'il était beaucoup plus prudent de se plaquer contre la paroi glaciale, l'œil furtif et l'oreille attentive avant de s'aventurer plus loin dans la pénombre. Une autre bête pouvait très bien surgir de n'importe quel recoin alors qu'il allait se retrouver en terrain découvert. Bien qu'inerte en cet instant, cet espace pouvait vite devenir son pire cauchemar si quelque chose venait à surgir sans crier gare.
Il avait réussi à échapper à l'animal sanguinaire en s'introduisant dans un petit interstice creusé dans la roche et, après de longues minutes de stress, lorsque le danger fut éloigné, il découvrit une autre galerie rocheuse, creusée par des centaines d'années d'infiltrations d'eau. Dame nature avait formidablement bien travaillé durant ces décennies et s'il n'avait pas eu un monstre derrière lui, il fut très probable que Pierrot aurait aimé jouer les explorateurs dans ce lieu fantastique.
Pour Pierrot, ce monstre ne lui était pas si inconnu que ça pour l'avoir étudié en cours de biologie, mais de là où il venait, il ne dépassait pas plus d'un centimètre. Autrement dit, ce n'était qu'un simple insecte qu'il pouvait écraser sans même s'en rendre compte. La différence avec celui vivant dans cette grotte était sa taille. Elle était disproportionnée. En effet, elle mesurait plus de deux mètres de long pour une hauteur de quatre-vingts centimètres. Sa carapace luisante et volumineuse était maintenue par de gigantesques pattes armées de grosses griffes qui ne laissaient aucun doute sur leur utilité. Ce n'était qu'un vulgaire pince-oreille aux dimensions particulières. Sur sa bouche, deux crochés s'entrechoquaient avec un claquement sec à la recherche d'une nourriture à se mettre sous la dent. Dans ses yeux noirs globuleux, on pouvait y lire sa détermination et ses deux longues antennes sur le sommet du crâne paraissaient être dans un mouvement perpétuel de va-et-vient. Un radar redoutable pour ses proies. Mais le plus impressionnant était encore sa queue munie de deux effroyables griffes articulées. Une arme redoutable que Pierrot avait réussi à esquiver de justesse lors d'une première attaque.
Ce petit trou dans la roche lui avait sauvé la vie, mais pour combien de temps encore ? L'animal était furieux et poussait des grognements à faire frémir les plus vaillants. Lançant sa redoutable queue par-dessus sa tête, tel un scorpion, il frappait la roche avec violence. Celle-ci s'effritait sous le choc puis à l'aide de sa pince, il déblayait le passage pour pouvoir y entrer à son tour et continuer à poursuivre son repas qui n'était autre que Pierrot. Ce dernier avait pris une bonne avance sur son prédateur, mais avant de vaguer plus loin, il devait s'assurer que l'endroit n'était pas infesté par d'autres créatures. Il devait redoubler de prudence s'il ne voulait pas finir dans le ventre de la bête qui semblait acharnée, affamée et surtout déterminée.
Pierrot était affublé de manière assez originale, mais il n'avait pas eu le temps de se poser des questions sur sa tenue vestimentaire, car sa préoccupation première était de se mettre en sécurité. Il avait à ses pieds des chaussures en peau de bête, reliées par des cordelettes en cuir et nouées au-dessus des chevilles. Autour de sa taille, une autre cordelette plus large retenait deux morceaux de peau en fourrure, comme le faisait Tarzan ou Mooglie dans le livre de la jungle. Cette apparence ne faisait pas partie de ses vêtements habituels, mais Pierrot avait bien d'autres soucis plus importants à gérer pour le moment, que de savoir pourquoi il était accoutré de la sorte.
Malgré qu'il était dans une grotte, il ne faisait pas extrêmement noir, car certaines parcelles de granite, tel que le mica, absorbaient une lumière venue d'on ne sait où et la reflétaient grâce à son minéral brillant et feuilleté à divers endroit dans l'espace. On aurait dit que les parois étaient parsemées de minuscules étoiles et qu'elles se renvoyaient à tour de rôle des petits jets de rayons lumineux dans un ballet incessant et silencieux. Cette faible luminosité n'était pourtant pas assez suffisante pour se diriger sans risquer de se heurter contre un rocher ou pour apercevoir un puits avant de tomber dedans. Les yeux de Pierrot s'étant habitués à la pénombre, il put discerner sans mal les contours de cette caverne. L'endroit était immense et il remarqua avec surprise que plusieurs galeries débouchaient en ce lieu. Probablement que l'une d'elles devait donner sur la sortie, mais il n'y avait aucun panneau indiquant la direction à suivre. Il y avait trois possibilités et Pierrot se focalisa sur celle du centre, peut-être parce qu'elle était plus large et plus haute que les autres. Il ne savait pas si cela était un bon choix, mais ce n'était pas en restant prostré derrière son rocher qu'il allait se retrouver à l'air libre. Après avoir scruté scrupuleusement chaque recoin et s'être assuré qu'il était bien seul, il se redressa lentement, prêt à fuir à la moindre alerte. À part les grognements et les coups de boutoir qu'on entendait au loin et venant de la galerie se trouvant derrière lui, l'endroit paraissait calme et sans vie. Doucement et à pas de loup, il se mut en prenant la direction de la galerie centrale, celle qu'il avait choisie au hasard, tout en espérant que ce fut la bonne voie.
Précautionneusement, il plaça un pied devant l'autre en observant le sol afin de ne pas se cogner contre un caillou. Il était certain que le moindre choc dans cet espace vide allait résonner en s'amplifiant considérablement et le mettre irrémédiablement dans une position délicate. Certains coins étaient dans le noir total et rien ne pouvait prédire si oui ou non il y avait un prédateur en sommeil. Il avait déjà parcouru plus de la moitié du chemin lorsque soudain, il entendit un bruit suspect. Il se figea sur place et tendit l'oreille en écarquillant les yeux. Il vit alors une petite pierre rouler le long d'une pente et venir terminer sa course juste à ses pieds. Il savait qu'elle n'était pas tombée toute seule et pour mieux visualiser son entourage, il plissa des yeux pour affiner sa vision. Il leva doucement la tête pour regarder dans la direction d'où elle venait puis, ce qu'il vit lui fit hérisser les cheveux. A une dizaine de mètres de hauteur, accroché à la paroi de la roche, un autre pince-oreille. Celui-ci sentant l'odeur alléchante de Pierrot, venait de tourner la tête vers lui et ses longues antennes se mirent à frémir en balayant l'air comme si elles voulaient le localiser. Sans attendre une seconde de plus et le cœur battant à rompre, Pierrot détala comme un lapin en direction du tunnel pour se mettre à l'abri, mais la bestiole était rusée et agile. Au lieu de redescendre normalement de son perchoir, elle se laissa tomber sur le sol en faisant un bruit sourd et en remuant un gros amas de poussière ancestral. La distance à parcourir pour Pierrot était encore importante et il n'était vraiment pas certain de pouvoir échapper à son triste sort. C'est alors qu'il commençait à puiser dans ses dernières ressources qu'il vit un petit renfoncement. Sans chercher plus loin, il fila aussi vite qu'il put et plongea littéralement dans ce minuscule trou. Par chance, il était libre de tout occupant, mais malheureusement pas très profond. L'animal se colla à l'entrée, mais il était bien trop gros pour s'y engouffrer. Seules les antennes furetèrent à l'intérieur en frôlant Pierrot qui se mit à crier de terreur tout en cognant de toutes ses forces ses pieds contre ces organes en espérant le faire reculer. Cela n'eut pas beaucoup d'effet sur la bête qui continua de plus belle en poussant des grognements de mécontentement. Alors qu'une des antennes passa sous son bras gauche, il l'attrapa à deux mains, la porta jusqu'à sa bouche et mordit à pleines dents. Il blessa l'animal en lui cisaillant le bout. Cette fois, la bête recula vivement en poussant un cri effroyable, ce qui permit à Pierrot de se replacer dans le fond de son abri avant une nouvelle tentative désespérée du pince-oreille qui n'avait qu'une pensée en tête ; casser une petite croute.
Il est vrai que pour lui, ce met de choix devait ne pas être une chose courante dans cette caverne, mais Pierrot n'était pas encore prêt à se laisser décortiquer aussi facilement. Recroquevillé dans le fond de son trou, il regarda avec effarement le morceau de l'antenne qu'il venait de sectionner. Un liquide blanchâtre s'écoulait à l'extrémité, laissant sur le sol des taches phosphorescentes, lui faisant penser à un moment aussi critique à sa chambre. En effet, son père avait retapissé celle-ci avec un papier peint bleu marine sur lequel étaient dessinées des étoiles et des lunes qui, une fois la nuit tombée, s'illuminaient. Cela lui donnait l'impression de dormir à la belle étoile, mais ce qui était intéressant dans le cas présent, c'est que cette faible lueur, aussi éphémère soit-elle, allait l'aider considérablement dans son ascension vers la liberté. Grâce à elle, il allait enfin pouvoir discerner son entourage et se diriger avec plus d'aisance pour trouver une sortie. Le bout de l'antenne d'une couleur rouge pourpre bougeait doucement en se tortillant toujours dans le même sens, probablement à cause d'un tendon ou un nerf coupé par les dents acérées du jeune Pierrot. Celui-ci attendit qu'il prenne une forme immobile puis, lorsqu'il ne donna plus signe de vie, il osa tendre la main vers cette chose inerte. Il le toucha du bout de l'index, mais cet appendice ne gesticulait plus, laissant seulement échapper ce fluide gluant et lumineux qui se répandait sur le sol. Se sentant rassuré, il la prit en pleine main pensant s'en servir comme lampe de poche occasionnelle, si toutefois ce pince-oreille voulait bien le laisser tranquille.