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My Martin
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Image de couverture (détail) par M. Pascal Audin, né à Poitiers en 1957 - voir son extraordinaire maison à Gençay (86 Vienne) - art brut
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Deux statues, Marie et Joseph
Elles ont jadis appartenu à des Religieuses qui les ont données à leur jardinier ; pour les mettre à l'abri ? Pendant les Guerres de Religion ? La Révolution ? ...
Elles sont longtemps restées chez le jardinier, dehors, contre une falaise, un peu protégées des intempéries par une avancée de la roche
Comme l'attente dans un abribus. Piqués debout, bras ballants, regard vague. Entre-deux, ni partis, ni arrivés
Des stars mondiales -toute la famille, comme dans la télé-réalité-, quelle dramatique chute d'audience
Puis les héritiers du jardinier ont donné les statues au musée de la ville ; de longs travaux de restauration ont été entrepris pour nettoyer, consolider la pierre. Le visage de Marie a été déposé puis refixé avec des goujons
Lorsque je pense à elles, je vois ces statues avec des parties manquantes, mutilées, des prothèses métalliques en étai, comme pour les grands blessés. Non, deux statues de pierre
Ces statues sont belles, réalisées par un grand artiste, à une époque de richesse de la ville
Marie est une jeune femme, au front bombé, aux yeux en amande, petite bouche. Elle dégrafe les nombreux boutons de son corsage, elle va allaiter Jésus, qu'elle porte sur son bras droit. Le sculpteur a représenté les fines étoffes de son corsage, à peine ouvert
Jésus érodé, informe, virtuel
Il émane de la statue, l'amour d'une mère
Joseph est en retrait. Il tient par la main un garçonnet, Jésus, tout grandi. Jésus tient un globe à bout de bras, comme une balle. Il lève la tête vers son père, il lui parle : "ce qu'il a appris à l'école, la cantine, la maîtresse, les copains dans la cour de récré. Les copines. Une copine est très jolie
Joseph porte une grande gerbe avec une colombe. Il est représenté avec soin, longues mèches de cheveux, belle barbe
Sa tête est tournée vers Jésus mais il ne le regarde pas
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Chapelle d'un lycée
Le retable occupe tout le fond de la chapelle, derrière une balustrade. Jadis la ville a été riche, des marchands prospères, des abbayes puissantes, des commandes prestigieuses. On se mariait entre soi, le pouvoir se transmettait entre gens de bonne compagnie, de père à fils, ou entre familles alliées
Poussière. Retable baroque, grande profusion, des statues en terre cuite, des placages en écaille de tortue qui se décollent, ébène, beau tableau du peintre flamand Finson, "La circoncision de Jésus"
Finson a travaillé avec le Caravage, il a possédé des tableaux de lui, d'ailleurs comme souvent les peintres à cette époque, il voyageait, achetait et vendait des tableaux, au gré des commandes
Le peintre s'est représenté dans la foule à gauche, tourné vers nous
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La collégiale
Jadis un riche seigneur a offert à la ville plusieurs tapisseries d'Aubusson, tendues à l'intérieur de la collégiale. Tissées spécialement, une tapisserie représente les anciens remparts de la ville
Une tapisserie a été tissée d'après un tableau de Rubens, "Le triomphe de l'Église" :
Le grand char avance, tiré par des chevaux blancs, les roues écrasent les démons et les mécréants, qui se débattent en vain. L'Église triomphante brandit un ostensoir vitré, survolé par la colombe du Saint-Esprit dans ses rayons de lumière
Je m'ennuyais pendant la messe. Nous nous mettions toujours à la même place, sur les mêmes chaises, si elles étaient libres
A un moment, suspens : il fallait serrer la main des fidèles autour de nous. Nous serrions la main des gens, s'ils nous la tendaient, mais ne tendions pas la main nous-mêmes : nous ne connaissions pas ces personnes, toutefois fréquemment croisées dans les commerces ou les rues de la ville
Je regardais la tapisserie
Le visage de l'Église avait un peu viré avec le temps, il était gris. L'Église était travaillée par de sombres désordres
De nombreux spectateurs entouraient le char, dont l'un, derrière le premier cheval attelé : la tête du personnage semblait posée sur le fort arrière-train du cheval
La tête, une grosse boule, deux pattes
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Odilon Redon, "L'Homme rouge"
Un petit tableau, un fonds de lumière
Une silhouette fine vient vers nous
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Gustave Moreau, "La Sirène et le Poète", carton de tapisserie
Une grotte sous-marine. La Sirène domine le poète, à ses pieds. De lourds bijoux, des algues, des lumières aquatiques, un encadrement fourmillant d'animaux
J'ai visité l'atelier de Gustave Moreau à Paris. Ambiance recueillie, des boiseries, plafonds hauts, un escalier métallique en colimaçon, de nombreux tiroirs où sont rangées les œuvres
Il travaillait entouré par ses dieux, déesses, têtes coupées aériennes ou sur un plateau, puis à l'heure dite, il allait déjeuner avec ses parents
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Église
Chapelle à gauche, un tableau au mur, vernis obscur. Aucun cartel. On devine un groupe, ils vont au-devant d'un personnage
Un Poussin, à ses débuts
Chapelle à droite, sur l'autel, une belle statue en marbre de la Vierge avec Jésus. Elle tient un sceptre de métal pas droit, sa couronne est sciée à demi
Le visage est juvénile, finement sculpté. Les plis de la robe tombent avec élégance. Un grand artiste. Jean Goujon, dit-on
Des fleurs dans des vases. Des veilleuses sont allumées sur un présentoir devant l'autel
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Chronique
Histoire de l'art, scènes religieuses, peinture d'histoire, marché de l'art, argent-roi, fin des avant-gardes, ready-made, ...
Dématérialisation
Alors l'artiste dit : l'œuvre ne se voit pas, elle n'est pas présentée sur le mur, elle est dans le mur
On casse le mur, le tableau apparaît
L'œuvre est dans la tête. Elle est pensée, elle est créée. Pourquoi lui donner forme ? Pour la vendre, investir, spéculer,
faire une plus-value, des musées,
pour la conserver à l'abri du fisc sous douane, dans un port franc ?
Venez, nous créerons dans nos têtes en même temps, nous créerons ensemble
Vôtre œuvre sera différente de la mienne. Nous sommes différents, uniques
Nous sommes Art, car nous aimons
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