De Deïteus Mythica, le Mythe des Demi-Dieux
Dominique Capo
Lorsque la Terre naît, au début, il s'agit d'un globe incandescent. Puis, peu à peu, sa chaleur se dissipe. La vapeur d'eau éparpillée à sa surface se met à se condenser. Parce que s'y trouvent concentrées de fortes pressions atmosphériques, des pluies intenses apparaissent bientôt. Des mares d'eau liquide se créent. Puis, ce sont des mers et des océans ; se rattachant les uns aux autres au bout de plusieurs centaines de millions d'années pour en former un seul : le Panthalassa.
C'est dans les fonds marins de ce dernier que naissent les premiers êtres unicellulaires simples. Ils commencent à s'y développer ; bien qu'ayant une durée de vie limitée à quelques heures. Ils se reproduisent en se divisant en deux. De génération en génération, ils se multiplient ; tandis que dans le même temps ils se nourrissent des nutriments qui les entourent. Ils finissent donc par proliférer ; à tel point que l'eau s'appauvrit de ses nutriments. Et nombre d'entre eux s'éteignent bientôt.
Pour faire face à cette pénurie, certains pourtant modifient leur façon de s'alimenter. Ils utilisent la chlorophylle dans laquelle ils baignent. En se servant du gaz carbonique dissous dans l'océan, puis des rayons solaires, ils réussissent à la synthétiser. Ce qu leur permet alors de fabriquer les sucres nécessaires à leur survie. La photosynthèse entre donc en action.
Commence dès lors l'Ère des bactéries et des algues bleues. Les premières disparaissent rapidement parce que dépourvues de chlorophylle. Les secondes, développant leurs mécanismes de symbiose, prennent peu à peu leur place. Elles acquièrent ensuite, au bout de quelques centaines de millions d'années, des ondes créatrices à processus multiples. Et, le résultat de ces équilibres instables, sans cesse renouvelés et remaniés, en est la première cellule à noyau.
A peine née, celle-ci engage aussitôt une vive compétition avec les autres bactéries. Leurs divisions et leurs multiplications plus rapides, risque de vite devenir extrêmement envahissantes. Elle doit donc s'adapter à son nouvel environnement. Elle se met donc à acquérir des gènes plus appropriées à la situation.
Dans un premier temps, les cellules à noyau se regroupent entre elles pour se défendre des agressions extérieures. Elles exposent leur surface à la lumière, s'intégrant ainsi à un organisme plus vaste dont chacune n'est qu'un élément distinct. C'est le plancton, la première forme d'être multicellulaire complexe. Puis, elles mettent en place un processus de reproduction plus évolué ; il s'agit de la sexualité. Deux noyaux appartenant à des souches voisines deviennent capables de fusionner pour donner naissance à un nouvel individu. Possédant en effet le même patrimoine génétique, quoique légèrement différencié par le jeu des mutations ; elles peuvent produire des individus qui ne sont jamais identiques à ses parents.
Le plancton végétal ne rencontre désormais plus aucun obstacle ; et il commence à émigrer. Il se laisse emporter par le courant des grandes marées. Mu par ses flagelles, ils déplace entre deux eaux. Il se fait guider par les vagues ; puis entre bientôt en contact avec des roches littorales ; où il est sans cesse projeté ; tandis que leurs aspérités les accrochent avec force. Au gré de divisions successives que celles-ci lui impose, il en devient finalement un tissu cohérent capable de s'ancrer parfaitement sur un support solide. Et c'est d'ailleurs ce qui lui permet de survivre aux chocs répétés que la fureur du ressac impose à sa frêle membrane.
A partir de ce moment là, son tissu prend les aspects les plus divers. Filamenteuses, ramifiées ou fiolacées, certaines de ses formes se mettent à se nourrir de matières organiques en décomposition. D'autres par contre, acquièrent la capacité de s'alimenter de la substance vitale de leurs congénères. Mais toutes, au fur et à mesure du temps, perdent un grand nombre d'organes ou d'organites devenus inutiles. Et elles continuent a se différencier les unes des autres, notamment en vivant aux dépends de plus faibles ou en perdant leur couleur verte. Un phénomène d'animalisation microscopique se met alors en place. Il se reproduit à de très nombreuses reprises. Plusieurs groupes d'algues planctoniques commencent à s'enraciner dans le monde animal. Puis, ensuite, il ne se passe plus rien. Pendant près d'un milliard d'années, la Vie marque un temps d'arrêt.
A l'issue de cette longue période pourtant, l'Évolution est de nouveau prise d'une frénésie créatrice. En quelques millions d'années, elle établit les principales architectures constituant toutes les formes de vie sur la planète. Une centaines d'organismes fondamentaux – les « Clams » - voient le jour. Mais la plupart s'éteignent rapidement. Et, au final, seule une trentaine subsiste.
Les Clams restant engendrent dès lors principalement les premières créatures à tissu mou comme la méduse. Au cours des 100 millions d'années suivantes, elles représentent les êtres les plus complexes sur Terre. Elles sèment la désolation au sein des micro-organismes ; et éliminent près de 96 % des espèces marines. C'est la plus grande extinction de l'Histoire depuis l'apparition de la Vie.
Pendant toute cette période, les Clams poursuivent leurs métamorphoses. Et, à l'issue de celle-ci, ils donnent naissance à de minuscules reptiles amphibiens ; les ancêtres de toutes les sortes de formes de vie qui vont exister sur le sol des centaines de millions d'années plus tard. Les bouleversements et les transformations des masses continentales, eux aussi, se succèdent. Et lorsque, momentanément, ils s'intensifient, ils ont des répercussions sur la Vie se développant au fond des océans. Un grands nombre d'espèces végétales ou animales en pleine mutation s'éteignent. Elles laissent la place à une nouvelle vague de création. Cela entraîne aussi le déplacement spectaculaire de communautés écologiques entières. Certaines espèces végétales et animales occupant des eaux peu profondes, se retrouvent à l'air libre.
Dès lors, les plantes subissent une oxydation et une érosion intenses ; elles deviennent beaucoup plus vulnérables qu'auparavant. Les animaux sont obligés de s'adapter à leur nouvel environnement pour ne pas disparaître ; ils doivent donc changer de régime alimentaire. Ceux-ci acquièrent des poumons, ce qui a pour effet de transformer leur morphologie en profondeur. De poissons, ils se changent en quadrupèdes terrestres. Une vive compétition s'engage entre eux parce que les territoires les plus propices à leur développement se limitent rapidement aux tropiques du fait de l'avancée des glaciers. Et, lorsque le premier déplacement significatif du globe vers le milieu de l'océan Indien apparaît, une faune et une flore inédite sont déjà éclos.
Évidemment, ce basculement subit provoque de nombreux remaniements de l'environnement. Les pôles glissent vers l'Équateur. L'atmosphère et les températures sont plus chaudes là où elles ne l'étaient pas avant. Certaines zones passent de l'état boréal à l'état tropical. Et les plantes qui s'y étaient autrefois différenciées à partir de leurs races originelles, se métamorphosent à leur tour. De nouvelles variétés apparaissent ; d'anciennes disparaissent ou migrent dans des endroits plus propices à leur développement. Des végétations luxuriantes croissent en des lieux qu'elles n'avaient pu jamais atteindre jusque là.
De fait, les espèces animales réagissent toutes à leur façon vis à vis des révolutions de la croûte terrestre. Des créatures aux allures étranges naissent. D'autres, ne pouvant lutter contre les barrières géographiques, s'éteignent. D'autres encore fuient les changements significatifs de températures et se mettent à migrer. D'ailleurs, généralement, ces dernières accompagnent les végétaux dont elles se nourrissent ; que ce soit en direction de l'Équateur ou des zones tropicales périphériques. Puis, lorsque de nouvelles centaines de millions d'années plus tard, la Terre se réchauffe, que des mers apparaissent entre les Continents, que les glaciers fondent, elles se retrouvent inévitablement séparées les unes des autres.
Paradoxalement, la dispersion de son habitat joue un rôle important dans l'Évolution de la Vie animale. Éparpillée, elle se multiplie dans des zones désormais très localisées géographiquement. Et en effet, dans les océans, les communautés vivent des transformations considérables : les anciennes espèces dominantes sont balayées. D'autres, plus adaptées à la situation, prennent leur place. Tandis que sur les Continents, les espèces, dites « Généralistes », commencent à explorer des milieux de plus en plus variés. Celles-ci s'étendent sur des territoires de plus en plus vastes. Elles donnent finalement naissance à deux variétés de créatures inédite : les dinosaures et les mammifères ; les premiers étendant bientôt leur suprématie des terres, les seconds restant minoritaires jusqu'à la disparition quasi-totale des reptiles géants.
Malgré la faible densité de leurs populations, les lézards vivent longtemps au détriment de leurs cousins. Leur taux de fécondité reste faible. Mais, en même temps, leur morphologie se transforme. Leur corps s'agrandit et se développe. Ils prospèrent donc vite. Et finissent par régner sans partage sur l'ensemble des terres pendant plus de 100 millions d'années.
Tout à coup, un nouveau changement radical se produit. Un astéroïde de dix kilomètres de diamètre entre en collision avec le globe. L'énergie dégagée lors de l'impact éjecte des milliards de tonnes de débris dans l'atmosphère. La face du Soleil est cachée et une nuit permanente est engendrée pour longtemps. La vie végétale subit une dévastation colossale, que ce soit sur les Continents ou dans les mers. La vie animale – qui dépend en grande partie des plantes, subit une extinction phénoménale. Des millions d'espèces issues de toutes les niches écologiques s'éteignent pour de bon. Parmi elles, pas un seul dinosaure quadrupède ne survit ; les trois-quart des mammifères meurent d'un seul coup.
Les rares races de mammifères qui subsistent ne pèsent qu'une vingtaine de kilos ; la plupart étant de petits animaux arboricoles qui n'ont désormais plus de prédateurs. Ceux-ci commencent à se reproduire de façon accélérée. Les oiseaux, qui sont les lointains descendants des dinosaures, en font de même. Leurs habitats se différencient, du fait de la nouvelle configuration des terres émergées ; ils se diversifient considérablement et rapidement. Ils augmentent en nombre. Leurs races primitives triplent, avant de se stabiliser, puis de régresser. Ce n'est que beaucoup plus tard que leur expansion recommence.
Parmi elles, une douzaine d'espèces de grands singes se mettent à prospérer dans de grandes forêts bien grasses. Au départ, leurs communautés ne sont pas très importantes. Elles manquent d'ailleurs de disparaître au cours des changements spectaculaires intervenant sur leur territoire.
En effet, au cours de cette période, les contraintes augmentent. Elles laissent apparaître des fissures un peu partout. Puis, d'importantes masses de magma remontent à la surface ; tandis qu'y naît un gonflement des terres. Quand les plaques finissent de s'éloigner, celui-ci met à jour des dômes continentaux inédits.
C'est là que la poignée de grands singes survivant à ces bouleversements se réfugient. Quant aux autres – ceux que le Cataclysme n'a pas chassé des épaisses forêts – ils conservent le mode de vie auquel ils se sont adaptés depuis longtemps. Dès lors, la division entre les deux communautés s'accentue.
La première souche est constituée de primates bipèdes au cerveau très peu développé. Elle n'évolue que très lentement. Et comme sa sœur, elle ne fait que s'adapter par rayonnement au milieu qu'elle découvre au gré de ses pérégrinations.
Puis, de légères variantes se discernent peu à peu. Certains membres commencent à fonder des groupes originaux. Ils forment un buisson touffu enraciné en un milieu spécifique. Ils deviennent bientôt totalement indépendants vis à vis des autres ; avant de redévelopper le même processus. En même temps, leur volume cérébral s'élargit. Ils s'adaptent aux endroits qu'ils rencontrent de façon nouvelle. Ils conçoivent des formes primitives de chasse et de cueillette. Au fur et à mesure, ils les perfectionnent. Progressivement, l'aptitude au langage parlé se met en place.
Jusqu'au jour ou, comme de nombreuses fois auparavant, la planète est une nouvelle fois confrontée à une baisse sensible des températures. Des calottes gelées se forment aux pôles ; elles s'étendent très rapidement sur tous les regroupements de Continents de l'hémisphère Nord D'un coté, les forêts subissent de terribles perturbations et se fragmentent. De l'autre, une bonne partie des masses terrestres deviennent prisonnières des glaces. Toutes leurs zones tropicales se modifient. Les mammifères – des éléphants aux simiesques - doivent s'adapter à leur nouvel environnement si ils ne veulent pas disparaître. Ce qui n'empêche pas un bon nombre d'entre eux de s'éteindre.
Une fois de plus, ce brusque changement provoque un sursaut inattendu. Les êtres simiesques migrent pour tenter de trouver des conditions plus favorables. Ils se heurtent bientôt à des barrières physiques infranchissables. Ils se retrouvent bloqués dans de petits havres qui ne sont plus protégés par un climat tropical. Ils sont désormais pris au piège et n'ont plus qu'à subir deux sortes de destins. Certains meurent ; les autres changent afin de s'accommoder aux circonstances.
En fonction des refuges où ils arrivent, ces derniers poursuivent leurs métamorphoses. Et en effet, sur une période relativement courte, ils accumulent des différences suffisantes pour survivre. Ceux qui restent longtemps au même endroit ont tendance à s'uniformiser. Ils s'apparentent et forment des communautés autonomes. Ceux qui reprennent la route sont capables d'aller d'un habitat à l'autre. Devenus très mobiles, ils se dispersent donc pour rechercher d'autres terres à exploiter.
Quelques uns émigrent en direction de la Lémurie, ce pont continental reliant les différentes terres entre elles. Ce sont eux qui vont donner naissance aux Gÿants, ou Membres de la Race Primordiale.
Les Gÿants sont de grande taille – entre quatre et cinq mètres de haut environ -, ont une face large, des mâchoires carrées et des orbites basses. Leur peau est marron, rugueuse. Leur poitrine est puissante tandis que leurs jambes sont longues et arquées. A ce moment là, ils sont encore plus proches des grands singes que de l'Homme. Et ils ressemblent encore beaucoup – autant physiquement qu'intellectuellement – à ceux qu'ils ont laissés derrières sur le Continent Africain.
Mais, bientôt, des nuances apparaissent entre les deux groupes. Puis, séparés l'un de l'autre, leurs mutations génétiques s'accélèrent. Leurs caractéristiques particulières se transforment à une allure frénétique. Elles abandonnent leur souche primitive ; et commencent à leur donner une forme plus « Humaine ». Ils deviennent donc plus rusés et plus obstinés que leurs congénères ; et cherchent comment ils peuvent changer les choses autour d'eux, afin que leur vie soit plus assurée et plus agréable. C'est donc le début d'un nouveau Cycle de l'Histoire de l'Évolution : celle des Membres de la Race Primordiale.