De Deiteus Mythica, le Mythe des Demi-Dieux, pages 189 à 192 / 1803
Dominique Capo
Vers 2450 avant J.C. la Cité-Etat autonome d'Ebla est fondée. Elle s'établit sur les ruines d'un établissement beaucoup plus ancien. Elle commence à commercer régulièrement avec les colonies sumériennes proches. Elle développe une société riche et structurée ; et devient vite un grand foyer de culture. Les Mages qui s'y fixent créent des Bibliothèques dans lesquelles ils rangent leurs Secrets Initiatiques. Mais surtout, ceux-ci font en sorte que la Religion prenne une importance considérable dans la vie quotidienne des habitants de la ville.
En effet, rapidement, et grâce à leurs actions, Ebla vénère plus de 100 divinités. Elle se met à adorer Nidakul – qui est aussi Baal et Marduk -. Elle fait jouer un rôle important à Kura. Elle glorifie le dieu de la Guerre et de la Peste Rashap, la déesse de la santé qui rend parfois la vie aux morts Gula, le dieu des Médecins Nashku, le dieu de la Fertilité et de l'accroissement du bétail Gibil, le dieu des Belles Lettres Nahu, la déesse mi-femme mi-poisson Atargartis, le dieu des Tempêtes Ada, le maître de la Terre Iktar, ou le dieu dont la face est celle de deux Démons Tiamat.
Ebla accueille également des Mages qui utilisent souvent des conjurations afin de se protéger des serpents, des scorpions ou du mauvais œil. En outre, ces derniers usent le plus souvent possible de sortilèges de soutien. Ils considèrent tous les événements auxquels ils sont confrontés comme des paroles divines. Ils présentent donc le Monde comme un discours dont il suffit d'avoir la clef. Et ils pratiquent régulièrement le culte des Ancêtres Royaux en les ensevelissant dans des cryptes situées sous les édifices les plus importants de la cité.
Ebla acquiert ainsi en peu d'années une influence primordiale sur toute la Syrie du Nord. Elle domine Ougarit, Laodicée et Militène. Ses habitants fondent non loin d'elle le bourg de Byblos – lequel se transforme alors en centre majeur pour le travail du bronze -. Ils érigent un Temple dédié à Baal à sa périphérie. Leurs échanges s'intensifient avec l'Empire des Pharaons ; tandis que leur territoire acquiert même le titre de Province Egyptienne gouvernée par un dynaste local. Et la cité est considérée comme « la Porte de la Terre des Dieux » par les occupants de la vallée du Nil. Un épisode du Mythe d'Osiris lui est d'ailleurs consacré :
« Après son assassinat, le corps d'Osiris est caché dans un tronc constituant l'une des colonnes du palais de Byblos. Et c'est Isis, grâce à son intuition divine, qui parvient à le découvrir, puis à le ramener dans sa patrie. ».
En outre, les Egyptiens appellent Hathor « Dame de Byblos » ; Ra a pour titre « Homme des Terres Etrangères » ; et Khaitau demeure, pour eux, à Negan – ou « Byblos ».
Mais, surtout, les Mages d'Ebla et de Byblos réinventent les origines du Monde en y intégrant les dieux de leurs cités et les Récits Esotériques enterrés dans leurs Bibliothèques privées. Et ils expliquent :
« A l'Aube des Ages, c'est le Néant ; toutes les choses qui n'ont pas de nom sont mélangées. Ciel et Terre sont – entre autres – unis dans un embrassement total. Puis, un jour, deux principes humides s'échappent de ce Chaos. L'un d'eux, mâle, s'appelle Apsu, et est poussé vers le haut ; le second, femelle, se nomme Tiamat, et est tiré vers le bas. Apsu engendre bientôt l'Océan aux eaux douces ; tandis que Tiamat donne naissance à la Mer salée Tumultueuse. Puis qu'en même temps, un troisième principe – le seigneur des Vents, le pontife suprême des Grands Dieux, Enlil – se sépare des deux premiers. C'est donc de ce morcellement que sont ensuite issus Moummou, Namou, le Serpent à deux tètes, ainsi que tous les autres Dieux Primordiaux de la Création.
Puis, le Serpent à deux tètes s'enlace sur lui même. Il accouche d'Anshar, l'Univers Céleste, et de Kishar, l'Univers Terrestre. Sortent encore de lui Anu, Marduk et Ea. Ea devient aussitôt le roi des Dieux ; Marduk est considéré comme le roi du Ciel ; et Anu comme celui de la Terre.
Pourtant, pour Tiamat, l'existence de ces dieux lui est vite insupportable. Ne parvenant pas à les faire plier à sa volonté, elle s'en prend à eux. Elle commet toutes sortes de crimes afin de leur porter préjudice. Elle se prépare à livrer une guerre contre eux en faisant surgir de son ventre de nouvelle créatures : Lahnou, « l'œil du Ciel » ; les « Usumyallu » protégés par sa splendeur divine ; les « Lamashus » fils des Ténèbres ; et Kingu, qu'elle choisit en tant qu'époux et que général de cette armée de monstres terribles. Elle leur commande alors de chasser les autres divinités de l'Univers.
Malgré tout, les préparatifs de Tiamat n'échappent pas à la vigilance d'Apsu. Et celui-ci parle avec Anshar pour mettre une riposte au point. Puis, ils chargent Marduk d'aller combattre Tiamat et ses Démons.
Marduk affronte les Serviteurs de Tiamat, les vainc après avoir été blessé plusieurs fois par eux. Il leur assigne le rôle de Gardiens des Espaces Sacrés en les transformant en onze Dragons Mystérieux. Il s'allie ensuite avec sept Vents Batailleurs, fabrique un char dont les destriers se nomment « Meurtrier », « Implacable », « Piétinneur » et « Véloce ». Il lutte avec Tiamat en enfournant ses alliés à l'intérieur du thorax de cette dernière. Il parvient finalement à la tuer. Il la découpe en deux morceaux. Il métamorphose l'un de ceux-ci en demeure d'Apsu, et l'autre en demeure d'Ea. Il change ses seins en montagnes. Avec sa salive, il conçoit des nuages. Et de ses yeux, il fait couler le Tigre et l'Euphrate.
Marduk attribue alors une place particulière à Apsu et à Anshar. Il fixe en effet leurs stations et leurs phases à l'Aube, au Crépuscule, ainsi qu'aux Etoiles qui les désignent le mieux. Il crée peu après sept nouveaux groupes de dieux pour les seconder. Il rattache le premier d'entre eux à Anu, le second à Enlil, le troisième à Ea, le quatrième à lui même, le cinquième à Kingu – qui prend alors le nom de Nergal et fuit avec lui à l'intérieur des Abysses -, le sixième à la déesse de la Lune Innana, et le dernier au dieu du Soleil Adad. Il répartit ces nouveaux groupes au sein du Cosmos. Il noue la queue de Tiamat afin de permettre à la voûte Céleste de ne pas déborder sur la Terre. Il fait en sorte qu'Apsu, Ea, Anu et lui restent solidaires les uns des autres. Et, enfin, il est acclamé par ceux-ci comme souverain Divin.
Marduk sait malgré tout que sa tâche n'est pas terminée. Et c'est pour cette raison que sur Terre, il crée la ville de Sumer. Il donne à la ville le titre de « Cité des Grands Dieux ». Au cœur de celle-ci, il conçoit une habitation lui permettant d'établir son autorité sur le Monde. Et il érige le monument afin qu'il puisse servir de lieu de culte, ainsi que de reposoir pour ses Frères lorsqu'ils se rendent à l'Assemblée des Dieux ; avant de façonner les premiers Etres Humains.
Pour cela, Marduk va chercher de l'argile dans la cave de l'Univers. Il en empoigne un peu. Il la mélange avec le sang de l'une des blessures qu'il a reçu lors de son combat avec Tiamat. Il modèle une vingtaine d'hommes et de femmes, leur insuffle la Vie. Il leur apprend à construire et à entretenir le Temple de Sumer. Il leur enseigne la meilleure manière de servir les dieux. Il se rend compte que les hommes s'attachent automatiquement aux femmes – tel Enkidu qui, après qu'il se soit marié, devient l'ami de Gilgamesh -. Et il les abandonne à leur sort pour s'installer au sommet de son Sanctuaire. ».
Au travers de ce texte, les Mages d'Ebla et de Byblos démontrent ainsi aux habitants des deux cités que ceux-ci doivent croire que la naissance d'Apsu et de Tiamat inaugure l'Ere des Dieux. Ils leur font comprendre que ces derniers règnent sur eux ; que Tiamat est la Force Chaotique de l'Univers ; que sa défaite signifie la fin du Monde Ancien, mais aussi l'apparition du leur. Ils leur expliquent que puisque les Démons liés à Tiamat ont été transformés en Dragons par Marduk, ils doivent adopter ce symbole pour représenter cette déesse.
Et ils leur déclarent que lorsqu'ils sculpteront son effigie sur les parois de leurs futurs Temples, ils devront la figurer conduisant une farouche armée comprenant des serpents et des dragons ceints de couronnes enflammées ; qu'ils devront la dépeindre attaquant Marduk et les autres dieux défendant l'Ordre du Monde ; et qu'ils devront montrer Marduk sous la forme de Seigneur Céleste achevant le Cycle des Dieux pour le remplacer par celui de l'Humanité.
Cependant, les Mages leur spécifient bien qu'au Ciel, Tiamat reste une déesse – la plus puissante -, et que sur Terre, elle est le Dragon scrutant le Destin des Hommes. Ils soulignent en outre que, dans le Cosmos, Anu est toujours le maître le plus haut du Ciel, Enlil a acquis le statut de seigneur de la Terre et des Airs, Ea, celui des Eaux Profondes, Marduk, celui des Vents et des Travaux des Champs, et Nergal, celui des Enfers.
Ils leur content d'ailleurs dans un autre Mythe, de quelle manière Nergal a, à un moment donné, été dépossédé de son autorité sur une partie de son royaume souterrain :
« Ereskigal s'est taillée aux Enfers un Empire indépendant et redoutable. Innanu-Ishtarat est depuis longtemps sa prisonnière. Celle-ci ne participe donc qu'aux banquets infernaux présidés par Nergal que si ce dernier envoie un messager la conviant auprès d'Ereskigal. Or, un jour, la déesse s'en irrite. Nergal doit lui faire des excuses.
Mais il s'en acquitte de curieuse façon : il séduit Ereskigal, puis l'abandonne. La divinité dépêche alors une ambassade auprès d'Anu, à qui elle fait entendre sa terrible colère. Nergal est encore une fois obligé de s'amender, et de reprendre le chemin des Abysses sans espoir de retour ; bien que désormais, il entende y régner en maître. ».
Vers 2380 avant J.C., la cité d'Ebla renaît de ses cendres. Mais elle ne retrouve pas son rôle de capitale de la Syrie du Nord. Elle devient l'un de ses principaux centres de commerce ; au même titre qu'Alep, Ourchou ou Alalah.
Vers 2325 avant J.C., Arimma en Anatolie est elle aussi brutalement anéantie par une vague d'Amorrites – des tribus Lourrites venues des Carpates et des steppes de Russie méridionale – détruisant tout sur son passage. Puis, elle est bientôt reconstruite par les nouveaux arrivants. Ceux-ci en font même l'une de leurs principales métropoles, avant d'envahir le reste du territoire anatolien. Ils s'en prennent ensuite à Troie ; qu'ils incendient. Ils conquièrent Azawa, Mari, Kanesh et Ebla. Certains d'entre eux poursuivent leur route vers l'Asie et le Golfe du Bengale ; tandis que d'autres s'y implantent définitivement ; les uns se faisant donc désormais appeler « Lawites », et les autres « Hittites ».
Les Hittites s'imprègnent immédiatement de la Religion anatolienne, bien qu'ils lui apportent quelques modifications. Ils y intègrent en effet le Taureau en tant que plus important Symbole de leur divinité atmosphérique ; ils l'associent d'ailleurs au Créateur de l'Univers anatolien. Ils désignent le Léopard comme attribut de la déesse Solaire Wourousemou. Ils unissent le cerf à la figure bénéfique du dieu de la Chasse, l'Ane au dieu Pirua, et l'Oiseau à la déesse Kutelpe de Kanesh.
Par contre, ils admettent que les dieux se manifestent bien grâce à des phénomènes Célestes. Et ils sont favorables aux talismans représentant leurs animaux fétiches ; ou à intercéder auprès des Dieux en les priant régulièrement, afin d'obtenir leur clémence, ou pour leur octroyer un voyage paisible dans l'Au-delà.
Vers 2275 avant J.C., Troie est de nouveau écrasée. Le roi d'Akkad, qui rêve de reconstituer le grand Empire de ses ancêtres, pousse en effet soudainement ses armées vers la Méditerranée, et l'incendie. Il envahit ensuite les cités de Mari, d'Arimma et d'Ebla. Mais, une demi-douzaine d'années plus tard, c'est lui qui fait bâtir une troisième Troie à l'emplacement de la précédente.
Vers 2100 avant J.C., Byblos, ainsi que le territoire qui dépend d'elle, est envahie par des tribus Amorrites. Celles-ci détruisent la cité. Elles démantèlent son réseau commercial avec l'Egypte. Et la ville connaît alors un long déclin pendant plusieurs dizaines d'années ; d'autant que la plupart des habitants l'ont fui à l'approche des armées ennemies.
A suivre...
Merci, au plaisir...
· Il y a plus de 6 ans ·Dominique Capo