De l'autre côté du miroir

morgan-kepler

    Je me réveille, en douceur, au milieu de tout ce que j'aime. Je reste enroulée dans les draps, sur des oreillers en tas. Je suis reine de ma réalité. Mais il faut regagner l'illusion, là où les hommes se déchirent, se blessent et se brisent. Je me lève, je me revêt d'un rêve, je me pare d'une image, je choisis un sourire. Je relis le scénario une dernière fois. Je prends une dernière inspiration. Je laisse un dernier regard, un dernier soupir, on se retrouvera ce soir. Je passe devant un premier miroir, je ne le regarde pas, je ne pense pas à moi. Un second, je vois un cadavre. Le troisième je vois un mensonge. Quand je fais face au quatrième il abrite l'esquisse d'un être factice, ce n'est pas moi, ce n'est jamais moi. Le cinquième voit une comédienne dans sa loge. Et le dernier, je passe sans le regarder, il ouvre le rideau, je pense à ce que je dois être. Le parterre est infesté de critiques, requins acerés. Il ne faut pas les regarder. Ce n'est pas moi qui ai imaginé ce rôle, on me la dicté.

    Je récite mon texte parfois j'agace, j'emeut, parfois je me trompe, j'improvise ou je scandalise. Tel est le jeu qu'il faut suivre éternellement. Le masque pèse, j'aimerais tout envoyer se noyer. Il ne faut surtout pas perdre pied. Je marche en équilibre, sur le fil du rasoir, au dessus de bètes féroces qui n'attendent qu'un faux-pas.

    Je sors épuisée. Je retire mes aparats. Las, le visage mutilé, le coeur lourd, l'âme endettée. Je me couche aussitôt. Là où je suis bien, là où je me retrouve, là où je vis.

    Je branche mes écouteurs, je lance la sono. Juste de quoi couvrir mes acouphènes. La première note me percute, me voilà transférée dans un monde irréel, loin du votre, celui que j'appelle le mien, celui que je crois vrai, il l'est d'ailleurs tout à fait, mais vous ne le voyez pas. Ce monde que d'autres ont créé pour moi, sans le savoir, ils m'ont transmi les fondations, à mon imagination d'avoir fait le reste. Je suis Lui, ce rêve cette utopie. Celui que je ne suis pas me direz-vous. FOUTAISE. Il est plus réel que vos démons ! Il existe et se laisse bercé par la musique qu'il fait sienne. Et je lui invente un monde tout autour. Mais l'histoire est toujours la même.

    Parfois lorsque je suis moi, je pense à un autre Lui. Ce n'est pas mon lui, ce pas le même. Un Lui qui prend le visage du dernier qui m'a prit dans ses bras. Je l'imagine là. Et c'est déjà tellement. J'entends nos conversations, ces pauvres petites illusions. Une chanson en boucle, de rires de mots et de tendresse. Tout ce que je n'aime pas, que j'imagine aimer avec Lui. Mais je sais que tout est faux. Car trop compliqué. JE suis trop compliquée. Je ne pourrai jamais me dévoiler, j'amais m'offrir, il faut me voler. Qui ça interesserait ? Ils ne veulent pas ça. Ce n'est pas ce qu'ils cherchent. Mais je ne suis pas en mesure de leur offrir cela. Je pourrais s'ils étaient patients, s'ils étaient grands, s'ils étaient forts. Mais ils sont si insignifiants. Si loin. Si distants. Soyez ce que je cherche ! Ce que je cherche ? Je ne suis plus mon raisonnement. Je ne cherche pas ça, je ne veux pas ça, je n'aime pas ça. Ca, ça me dégoûte ! Ca me fait peur, ça me fait mal. Si je veux d'un Lui c'est pour autre-chose. Mais ça n'intéresse personne.

     Je suis une criminelle. Il n'est pas permis de s'évader autant quand tout va mal autour de nous. Mais je suis aveugle. Sur scène on ne distingue pas le public. Cette assemblée de fourmis qui se fiche de savoir ce que vous faites en coulisse. Tout ce qui importe c'est l'estrade, la scène, l'Acte ! Cet acte que je peine à faire. Que je ne pourrai plus jamais faire.

    Finir seul. Qu'importe ? Je suis assez forte. Je n'ai pas besoin d'un autre. Je suis deux, je suis trois, je suis plus si je le veux. Je me suffis à moi-même. Egoiste, entêtée, perturbée. Je suis saccagée.

    Mais le spectacle continu. Il doit continuer. Qu'ils se fichent bien de mes fantômes, ils ne les voient pas, ils ne les verront jamais et moi je ne les noirai pas. Mes litres de Vodka ne suffisent pas, mes livres ne les occultent pas. Et ce Lui quand viendra t-il ? Sois patiente petite sotte, sois réaliste aussi. Tu n'es pas comme eux. Tu ne mérites pas cette ignorance. Ce bonheur des autres, cette jouissance que tu ne connaitras jamais. "ON" t'a choisi, tu n'y peux rien. Trace ta route, trace ton chemin. Tu dois leur ouvrir les yeux. Bonne chance !

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