Découpages

elisa-plumot

Ben voilà ! Me voilà débarrassée du cadavre. Vraiment j'ai paniqué l'espace d'un moment, quand j'ai vu qu'il ne rentrait pas dans la malle, surtout les pieds pour tout dire ! Mais comme disait mon cher et tendre, je suis une femme de ressources ! Et, ni de une ni de deux… la scie et hop, j'ai coupé ce qui dépassait ! Maintenant, que j'ai pris une petite douche, je me sens bien mieux. Je n'ai même pas de linge à laver, je m'étais complètement déshabillée pour œuvrer ! S'il avait pu me voir, je suis sûre que pour une fois il aurait été émoustillé. En fin de compte, il y a eu peu de sang. Par contre, pour une fois, il était sacrément raide ! Il faut dire que j'ai attendu, pour être sûre, qu'il soit vraiment mort. C'est fou comme je me sens légère. Je suis restée à côté de lui tout le temps de son agonie, à ses pieds. Il a des pieds extraordinaires. En fait ce sont eux qui m'ont séduite, dès le premier instant. Je suis esthéticienne, et mes spécialités sont la manucure et la pédicure. Je suis dingue de ça, mon plus grand bonheur : me concentrer sur des cuticules, poncer, limer, peaufiner longuement une œuvre que je sais éphémère mais tellement magnifique. D'ailleurs je me suis bien occupée de lui durant son agonie. Je l'ai déchaussé et je me suis fait plaisir, je me suis occupée délicieusement de ses extrémités. Je suis quasiment restée au bord de la jouissance durant tout le soin. Je n'ai pas pu cependant m'empêcher de le regarder. Son regard : extraordinaire… il me regardait tellement intensément, tellement bien, qu'un peu plus, je lui donnais l'antidote. Je n'ai pas craqué, je l'ai gardée à côté de mon cœur, dans la poche de mon chemisier le plus seyant, sans faiblir. Il est beau, quand même ! C'est son regard, d'ailleurs, qui m'avait fait chavirer, définitivement (après ses pieds, bien sûr !). Enfin maintenant, pfffft, fini, terminé, bouclé et rangé… dans la malle ! Il faut que je continue mon travail, il est encore trop tôt pour souffler vraiment ! Il faut que je m'en débarrasse. J'avais bien une petite idée… mais, il faut rester raisonnable, et même si j'aurais bien aimé le faire pourrir au soleil et l'utiliser comme compost, il faut que je me raisonne. Il a beau être de la pire espèce des mauvaises herbes, il reste malgré tout un déchet sans utilité pour mes rosiers. Bon… cette foutue malle, il faut à présent que je la transbahute dans ma voiture. Attention, je suis maligne… je l'ai achetée en vérifiant bien qu'elle entrait dans la malle… la malle dans la malle, et hop ! Emballé c'est pesé (heureusement que j'aime les maigrichons !), et…livré. Direction la campagne, j'ai une copine qui a une entreprise de fabrication de nourritures pour les vaches. De farines animales… mais oui… oui, voilà, la vache folle ! C'est elle, enfin ça pourrait parce qu'elle n'est pas très regardante sur l'origine de ce qu'elle transforme pour nourrir ensuite tous les cheptels avoisinants. Son mari est parti il y a quelques mois avec une autre. Pas de problème, c'est une super copine, elle est avec moi. En fait, le seul problème réel à été d'organiser la disparition administrative de ma moitié. Je me suis creusé la tête pendant un bon moment. A imaginer des scénarii plus ou moins réalistes pour ménager mes arrières… aucune envie de terminer mes jours dans une geôle glaciale, humide, sombre et sans miroir. Je l'avoue, j'ai un peu traîné…enfin tellement qu'au bout de six mois… je me suis aperçue que tout le monde s'en foutait ! Ça donne envie de recommencer !

Signaler ce texte