DEFLAGRATION

ellem-jee

Court texte écrit pour l'occasion d'aujourd'hui, avec un thème de chute spéciale. N'a pas pour but de faire la morale, j'aime bien écrire en réfléchissant pour essayer de faire réfléchir en lisant.

Nous étions en train de nous dépêcher de rentrer à la maison quand un sifflement strident et insupportable résonna dans la nuit, nous stoppant net à la lisière du bois. Comme quelque chose de très petit fendant l'air à toute vitesse. J'eus à peine le temps de lever les yeux vers le ciel nocturne, cherchant l'origine du son, mais au lieu d'y trouver la douce lueur des étoiles, le ciel devint au même moment aveuglant de lumière et je poussai un petit cri apeuré, la rétine un peu brûlée. Quelque chose de terrible couvrit mon pitoyable petit couinement, une détonation incroyablement puissante retentit dans le ciel peu après l'apparition de la lumière, et au même moment la terre sembla trembler brièvement. Déjà alerte, un frisson me parcourut l'échine et je m'aplatis au sol contre un arbre, effrayé, en entendant 3 nouveaux sifflements. Mon frère et ma sœur, se ruèrent vers moi en sanglotant pour que je les rassure alors que trois nouveaux bombardements nous déchiraient les tympans, mais c'était trop tard, je m'étais roulé en boule et me secouait faiblement d'avant en arrière en essayant de boucher mes oreilles. Mes deux protégés (je me sentais si pitoyable de ne pouvoir les rassurer) se blottirent tout près de moi et m'imitèrent bientôt, sans que je fasse un seul geste à leur égard. Ils devaient penser que c'était un orage, ils n'en avaient encore jamais connu depuis leur naissance, alors j'avais la sensation qu'ils ne m'imitaient que parce qu'ils jugeaient que mon comportement était le plus adapté, le plus rassurant, ou un rituel pour se donner du courage. C'était ridicule, j'étais juste mort de trouille. Et surtout, ce n'était pas des éclairs. Il n'y a jamais de sifflement dans le ciel, ni de tremblement de terre, ni de déflagration en boule…On dirait que le ciel prend feu à chaque secousse, c'est impossible ! Je n'ai jamais rien vu de tel…je suis paralysé. Et il n'y a pas ce silence respectueux, presque sacré, qu'on prodigue aux orages, là j'entendais de nombreux cris aux alentours et sans aucune retenue, certains d'animaux familiers mais d'autres étaient presque plus effrayants que les explosions. Et ça continuait, et ça continuait. Je me sentais bientôt sangloter moi-aussi. Ce n'est pas un orage…je vois les étoiles s'éteindre une à une c'est…la fin du monde. Je sais pas quoi faire…je sais pas quoi faire…que faire ?

Des créatures géantes et poilues, qui devaient sûrement faire plusieurs fois ma taille, hurlaient à la mort, demandant l'aide de la pleine lune. D'un effort herculéen j'entrouvris les yeux et vis brièvement au loin des titans écorchés dont les plus petits semblaient eux aussi hululer de terreur les yeux  écarquillés, comme sorties tout droit des gouffres de l'enfer (d'ailleurs, une effroyable odeur de soufre émanait de partout). Les plus grands eux sortaient les crocs en émettant d'étranges halètements. Ils regardaient au ciel, comme heureux de ce brasier, se pourléchant de notre terreur. J'eus si peur que je refermai les yeux immédiatement, me hérissant de plus belle. Ils étaient surnaturels et maléfiques, c'est sûr. Et nous allons mourir. Mourir. Mourir.

Je n'entends absolument plus rien, le vacarme est passé depuis longtemps mais il résonne encore dans ma tête. Juste après la fin de la déflagration du ciel les géants avaient poussé des cris de victoire cruels et frappé leurs mains, énormes elles aussi, l'une contre l'autre. J'étais persuadé qu'ils viendraient quérir leur trophée et venir tous nous manger, mais ils sont partis maintenant.

Je me redressai doucement dans l'herbe tiède en regardant partout, et intimai ensuite à mon frère et ma sœur de faire de même. Sans attendre davantage, nous courûmes jusqu'au terrier à une vitesse jamais atteinte auparavant, en priant pour pouvoir retrouver vite nos parents et qui sait, peut-être même trois ou quatre vers de terre bien juteux pour nous ragaillardir après cette terrible nuit."J'espère ne jamais revivre cela de toute ma vie" pensa le petit hérisson en rentrant dans un trou sous une vieille souche.

 

 

Les étoiles ne s'étaient pas éteintes, elles avaient été obscurcies par les nuages gris formés par la fumée des feux d'artifice de ce 14 juillet, nuit de fête et de réjouissances pour les êtres humains.

 

N'oubliez pas que pour les petits animaux nocturnes, chaque feu d'artifice annuel équivaut à d'infernaux bombardements digne des années 40, voir une bombe nucléaire pour la lumière.

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