Délire d'un schizophrène

chikhkarim

Ceci est un témoignage mais aussi un essai d'écriture dans le cadre de ma thérapie où je me suis amusé à mélanger l'introspection que je fais avec une petite dose de philosophie que je maîtrise peu

Ayant passé par des problèmes psychologiques (schizophrénie), l'écriture était pour moi l'un des moyens pour surmonter mes difficultés. C'était une sorte d'une thérapie qui me permettait de me sentir mieux de me connaître mieux. Il m'arrive quand je relis mes écrits de découvrir des choses sur moi-même dont j'étais pas conscient. Loin d'avoir l'ambition d'écrire un livre ou l'éditer, l'écriture pour moi est une habitude qui me tient en équilibre. Dans cette démarche, j'invite toute personne se sentant mal dans sa peau à s'initier à l'écriture avec toute spontanéité sans aucune exigence de perfection, car dans ce concept le but c'est de se connaître et de se sentir bien dans sa peau. La qualité de l'écriture vient avec le temps, avec les efforts et la sueur. Il y a cette phrase de Jack Brel qui disait " le talent c'est l'envie de faire quelque chose, le reste c'est de la sueur, c'est de la transpiration..". Comme le français n'est pas ma langue maternelle et que j'ai suivi mes cours de français en Algérie où le niveau d'enseignement de cette langue est en régression, j'ai pas mal de lacunes en orthographe, grammaire et un style vraiment trop simple. Étant d'une formation scientifique, je suis novice en philosophie, ça ne m'empêche pas de mener quelques réflexions. Aujourd'hui je souhaite vous présenter mon premier écrit, dont l'idée m'est venue en lisant " Huit-clos" de Jean Paul Sartre et son célèbre aphorisme " l'enfer c'est les autres". Cet aphorisme m'a interpellé sur mon expérience de consommation du cannabis et le délire qui s'en est suivi. Donc le texte qui suit est un modeste essai de post analyse de mon délire à travers la projection de cet aphorisme sur mon introspection. Tout en étant conscient que la projection direct des concepts philosophiques sur soi est un peu délicate. J'attends alors vos retours, vos conseils et même vos critiques. Je tiens à préciser que je déconseille toute prise de cannabis sachant que c'est le premier facteur de déclenchement de schezophrinie.•m « L'enfer c'est les Autres a toujours été mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c'était toujours des rapports infernaux. Or, c'est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont au fond ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes […] Quoi que je dise sur moi, toujours, le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente en moi, le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui. Et alors, en effet, je suis en enfer. » Jean Paul Sartre

• « l'Autre entre néanmoins inévitablement dans le processus de connaissance de moi. L'Autre est toujours présent quand je me pense. Il dispose par conséquent d'un pouvoir sur moi. Je suis en enfer lorsque, en paraphrasant Sartre, « mes rapports avec autrui sont tordus, viciés », ce qui entraîne une dépendance totale »

• « Quand je prends le cannabis, je passe par différents états d'âme successifs. De telle sorte que chaque Etat est nécessaire pour que le prochain existe et que cette succession est en progression vers un point culminant sur plus de confiance en soi, plus de conscience de soi, plus de tranquillité, d'indulgence par rapport au regard vers/par autrui malgré une certaine douleur ou souffrance ( je ne sais plus quoi dire) pendant quelques phases de cette progression. Ceci dit je suis très conscient des dangers du cannabis aux personnes schizophrène ou prédisposés à la schizophrénie. La première phase est presque purement émotionnelle. Une peur s'installe, au début c'est une peur incompréhensible, par la suite je me rend compte que j'ai peur de moi, j'ai peur de l'autre, j'ai peur du cannabis dont j'ai des mauvais souvenirs, j'ai peur d'un délire similaire à des délires précédents et la souffrance qui va l'accompagner. Mais en vérité j'ai peur de confronter quelques vérités, j'ai peur de quitter mes idées de confort en fin j'ai peur de perdre la légère mauvaise foi que j'ai, (j'entends dire par mauvaise foi le sens que Sartre lui a donnée, c'est-à-dire se mentir à soi même et dire qu'on est comme ça parce qu'on est comme ça. Autrement dit on se ment à soi même qu'on n'est pas condamnés à agir librement comme disait Sartre et on se trouve des excuses à soi en quête du confort moral et se dire que cet échec n'est pas de ma faute, ma misère.. je n'y peux Rien faire , je pointe de doigts l'autre pour mes malheurs, ne pas assumer ses actes et son être, des excuses pour nos peurs, nos faiblesse…etc ). En fin, la première phase se termine par un état de confusion : faut il que je m'assois ou bien je me lève ? J'hésite un instant, qui avec le ralentissement du temps me semble une heure, dois je croiser les bras ou pas, dois je croiser les pieds ou pas…une sorte d'indécision sur les plus simples geste, en fait je deviens aussi très maladroit et sans oublier les sensations de lourdeur, décroissance de réflexes et surtout la sensation de ralentissement du temps qui rend les phases trop longues dans ma perception et ma conscience. La deuxième phase, elle est plus infernale car c'est une phase condensée d'idées, marquée par le début du détachement de réalité donc une phase de doute et quête de vérité de palpation de soi, car le doute risque de nous faire trembler la conscience de soi. En fait le doute est plus dur à supporter que la peur car si la peur nous fait perdre l'équilibre de nos émotions, de notre tranquillité intérieures, le doute peut faire trembler tout notre être parce qu'il perturbe notre conscience. C'est pour ça cette période est plus infernale que la première mais pas que pour ça ! Aussi car c'est la phase où le détachement de la réalité commence avec des idées paranoïaques qui se structurent peu à peu avec le temps et deviennent cohérentes formant un système de raisonnement très cohérent mais biaisé qui m'éloigne partiellement de la réalité. Je pense que la paranoïa ne s'amplifie pas si ce n'est pas ce réflexe inconscient( je ne sais pas si je peux le qualifier de mécanisme de défense). Il s'agit de fouiller autour de moi, des signes, des mots, des gens, et leurs gestes et paroles pour s'assurer que les idées paranoïaques que j'ai eu ne sont que des illusions mais en vérité quand je rencontre une parole, une expression, un évènement je le fais relié d'une logique ou une autre aux précédentes idées paranoïaques et ainsi de suite jusqu'à ce qu'un complexe d'idées paranoïaques très cohérent se forme. Un système où chaque idée confirme l'autre. Sachant que ce délire paranoïaque se structure autour de quelques idées, quelques thèmes, reliés à mon histoire personnelle et spécialement à quelques traumatismes et complexes antérieures, pulsions refoulées, mais aussi à des notions géographique ( en Algérie c'est différent qu'en France), aux différents stéréotypes : sociaux, ethniques,…etc. A vrai dire, cette paranoïa que je qualifierai d'ordre de persécution morale ( j'entends dire par morale que l'autre veut me faire culpabiliser) n'est qu'une image bien claire de conflits intérieurs comme : conscience/inconscience ; désirs/interdits ; image de moi telle que je m'aperçois/ image de moi telle que je la souhaite ; anticonformiste naturel non assumé/ conformisme acquis idéalisé ; désir de liberté/emprisonnement dans le regard de l'autre. Le détachement de la réalité se fait peu a peu avec le temps ( la réalité et la sensation du temps sont altérés) au fur et à mesure que les idées paranoïaques s'accentuent. En parallèle des idées paranoïaques y a une certaine folie de grandeur, je crois dans cette phase que je suis connu par tout le monde, ceux que je connais et ceux que je ne connais pas, ceux que j'ai vus et ceux que je n'ai pas vus. Encore plus que ça, je me considère transparent devant ce « tout le monde » Ce que je veux dire c'est que ce tout le monde remplace Dieu l'omniscient. On sait bien que l'illusion qui provoque ces deux complexes d'idées ce n'est ni des hallucinations auditives ni des hallucinations visuels mais comme indiqué antérieurement c'est la conviction d'être connu par tout le monde, donc je suis exposé à être jugé par tout le monde, c'est-à-dire toute l'humanité, parfois ce jugement vécu d'une manière ancré dans la réalité ( jugé par des personnes réelles) mais parfois d'une manière abstraite, c'est-à-dire le juge est l'autre abstrait, c'est l'humanité ( pour bien éclaircir cette idée je me crois dans la même situation que le personnage du film " true man show" qui toute sa vie n'était qu'une mise en seine dans le cadre d'une téléréalité ayant un succès mondial". Et pour relier tout ce délire à la citation de Sartre ci-haut qui est un commentaire sur l'aphorisme « L'enfer, c'est les autres » extrait de sa pièce de théâtre Huit-clos. Où trois personnages seulement de cette pièce de théâtre, sont en enfer attendant leur punition, à la fin de la pièce, ils se rendent compte que l'enfer pour chacun d'eux est de passer l'éternité avec les deux autres. La première citation de Sartre explique le sens de cet aphorisme. Pour revenir à mon cas lors de prise de cannabis, l'enfer n'est même pas deux autres personnes mais tout le monde ou parfois l'humanité qui n'est qu'un concept abstrait se trouvant au fond de moi-même, qui peut être remplacé tout simplement par le mot autrui. Ça ne veut pas dire la vie avec les autres est un enfer mais pour que les autres soient/ Autrui soit un enfer pour moi, d'après la citation ci-haut de Sartre. Ceci est dépendant de la réceptivité du jugement de l'autre qui est assez dense chez moi mais aussi des mauvais rapport avec autrui, ce deuxième point chez moi, c'est-à-dire mes rapports avec les autres est altéré par une méfiance, un égocentrisme, une folie de grandeur, un attachement excessif au regard de l'autre et une spontanéité sans faire attention aux convenance sociales ( je ne me suis pas impliqué dans ma société d'origine donc je ne connais pas où bien je possède un désintérêt/ une ignorance aux codes, normes, règles, idéaux .etc de la société) mais parfois franchement j'ai des mauvais rapports avec Autrui et là je ne suis pas une exception. En plus de tout cela, certains idéaux acquis par une éducation principalement musulmane : un perfectionnisme qui est peut être en partie innée, l'idéalisation de la morale telle que la religion musulmane la présente ( même après avoir arrêté de croire des séquelles de la religion comme celle là reste au fond de moi). La réceptivité du jugement d'autrui et les mauvais rapports avec autrui ( pas au sens moral mais mauvais par les caractères évoqués ci-haut) et parfois des impressions trompeuses sur ces rapports imaginaire encore les conflits internes dont j'avais parlé ci-haut me rendent prédisposé à vivre l'enfer Sartrien. En gros je ne suis pas libre de vivre ma vie avec la morale à laquelle j'adhère (pour moi il n'y a pas une morale universelle absolue, je ne sais pas pourquoi ça me rappelle l'histoire je Moïse et du elqarnayn dans le coran, mais je suis plutôt enclin vers une moral ( si je dis pas de bêtises) subjective car en effet il n'y a pas une liste assez grande qu'elle soit pour répondre aux nombres Infini de situations/conditions que l'homme peut rencontrer dans sa vie, et là on perçoit toute la splendeur de la vie que les religions monothéistes n'ont pas pu saisir pour définir une morale à la hauteur de la complexité de l'humain, être bien ce n'est pas de suivre la chari'a , quelques normes et recommandations mais être bien c'est être courageux d'assumer sa liberté de réflexion et la responsabilité qui en découle au péril d'un doute infernal) Mais je suis devant trois juges assez sévères qui me rendent, en empruntant le dernier mot de Sartre dans la citation ci-haut, totalement dépendant lors de prise du cannabis. Le premier juge est abstrait c'est Autrui, c'est-à-dire, l'autre en général, l'autre que je connais et que je ne connais pas, l'autre qui représente tous les êtres humains, qu'il soit un chinois, un maghrébins, un européen..etc. c'est plutôt une personne non définie. Le deuxième juges ce sont des personnes que je connais personnellement et avec qui j'ai des rapports plus ou moins correct sans oublier les impressions et les convictions trompeuses que j'ai sur nos rapports. En fin le troisième juge, c'est mon sur moi, j'entends par là toutes les règles morales que j'avais acquis depuis l'enfance. Le mécanisme du jugement ou plutôt l'enfer chez moi avec le délire causé par le cannabis est construit de telle sorte que le juge m'interpelle sur les idées récurrentes évoqués là-dessus ( généralement ces idées qui dépendent de mon histoire personnelle sont issus de la morale musulmane ou bien la morale de ma société d'origine) . Cela provoque un sentiment de culpabilité chez moi. Moi qui suis élevé avec une rigueur morale où il faut être absolument bon. Bon selon les règles de surmoi, selon les règles de la société et selon mes propre principes. J'ai du mal à supporter ce sentiment de culpabilité. Notant bien, que et le juge, et mes actes et rapports avec les autres sont plus ou moins réels/imaginaires. La troisième phase, c'est la phase de la révolte et le courage. Le courage d'affronter les juges, de critiquer leurs jugement et la révolte contre les règles de la société. Mais aussi c'est le début d'une certain palpation de l'inconscient, les pulsions sont de plus en plus claires pour moi, je les comprends mieux, et avec un certain efforts. Je les accepte ou les contrôle avec un certain pragmatisme qui vise à retrouver un certain bien être. Sans entrer dans les détails, cette phase est celle de questionnement, de réflexion rationnelle, liberté de jugement sur les différents conflits évoqués précédemment qui deviennent peu à peu conscients. Un sentiment de force commence à s'installer. Hélas une certaine conscience enfin, plus limpide qu'avant la prise du cannabis, est aussi présente. La dernière phase, c'est le bout de tunnel, c'est le dénouement d'un intrigue qui me fait souffrir, c'est la fierté de retrouver ses forces mais aussi c'est la béatitude et le bien être car après la période du questionnement et de réflexion, une pulsion est accepté ou mise à l'écart, un complexe est critiqué et débarrassée, une libération, petite qu'elle soit, des dictats de la société, une vision critique sur tous les biais et les impressions trompeuses sur mes rapports avec les autres et enfin la disparition du sentiment de culpabilité car le jugement précédent a été critiqué ou accepté. Bref une meilleure connaissance de soi et plus d'indulgence par rapport au regard vers/ par autrui. Pour conclure je dis que ce voyage intérieur me permets de me connaître moi-même mais aussi un peu plus les autres et mes rapports avec eux. Ceci, grâce à une introspection qu'avant de lire Huit-clos de Jean Paul Sartre. Je considérait que c'est un processus purement subjectif indépendant de l'autre qui nous permet de mieux nous connaître. Mais en vérité la connaissance et la compréhension de soi par l'introspection ( je préfère l'appeler introspection, peut être les philosophes l'appelle autrement)passe inévitablement à travers l'autre. L'autre est nécessaire pour qu'on se connait mieux ( peut être dans mon cas l'autre est un peu imaginaire mais parfois réel). Peut être c'est le sens de ce petit extrait de « l'existentialisme est un humanisme » de Jean Paul Sartre : « Ainsi, l'homme qui s'atteint directement par le cogito découvre aussi tous les autres, et il les découvre comme la condition de son existence. Il se rend compte qu'il ne peut rien être (au sens où l'on dit qu'on est spirituel, ou qu'on est méchant, ou qu'on est jaloux) sauf si les autres le reconnaissent comme tel. Pour obtenir une vérité quelconque sur moi,il faut que je passe par l'autre. L'autre est indispensable à mon existence, aussi bien d'ailleurs qu'à la connaissance que j'ai de moi. Dans ces conditions, la découverte de mon intimité me découvre en même temps l'autre, comme une liberté posée en face de moi, qui me pense, et qui ne veut que pour ou contre moi. Ainsi découvrons-nous tout de suite un monde que nous appellerons l'intersubjectivité, et c'est dans ce monde que l'homme décide ce qu'il est et ce que sont les autres. "

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