Demain, le Mirail...

Yeza Ahem

Texte d'une série sur la démolition des anciens bâtiments de l'UFR de Lettres Modernes à Toulouse

Tic Tac le temps passe, et avec lui les objets et les murs se dispersent, s'éparpillent, par petits bouts. Certains sont partis directement dans une benne, direction la déchetterie, d'autres ont été conservés par des nostalgiques avant le D-Day, le jour de la destruction. D'autres enfin sont partis vers une autre vie, glanés par les orpailleurs des petits riens.

Mes pieds ancrés sur des restes de carreaux en terre cuite, près des vestiges d'un banc qui fut en bois, je tourne sur moi-même pour essayer de me repérer. Plus aucun signe en 3D visible. Seuls les revêtements du sol donnent des indices sur les bâtiments qui les surplombaient.

Je suis donc sur un point stable, fixe dans le temps. Il y a 6 mois, l'état de ces carreaux était déjà pareil à aujourd'hui. Donc, face à moi, au fond, l'Arche. Entre l'Arche et moi, comme sur un plan déplié sur une vaste table, s'étalent les bâtiments d'avant. A gauche, c'était l'allée et le bâtiment avec des salles de musique. Derrière moi, Il y a l'UFR d'Histoire. Et donc là, à gauche et juste en face de moi, d'anciennes classes. A moins que... Oui, ces traces sur le sol à ma gauche, ces longues allées au sol préservé... c'était la bibliothèque ! Resterait-il des traces de toutes ces heures passées, de tous ces ouvrages abrités ?

Perdue dans mes pensées, je continue de tourner sur moi-même, sur place, puis en faisant des cercles de plus en plus larges autour de mon ancrage, en regardant au loin, et de plus en plus près, jusqu'à trébucher. Le terrain est certes dévasté mais dégagé... Mais là, près de mon pied, un démarrage de tronc d'arbuste tend son moignon mal cicatrisé, tel un bras sortant de terre de la Dame du Mirail, enterrée encore vivante par la cruelle jeunette Jaurès.


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