Dernière danse

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La mort qui déborde et dégouline tout contre les joues. Un goût métallique, lorsque les coulées viennent se perdre sur les lèvres asséchées par l'hiver. Un goût de sang presque givré dans la bouche. Dégueulasse.

Lever les yeux au plafond, pour renverser la gravité, et se frotter les yeux, et ne plus rien y voir. Les mains rougies d'avoir trop essuyé les larmes de sang. En arrière-plan, le son d'un violon trop triste. La corde frotte. Et frotte. Et déchire doucement l'épiderme. Une mélodie mélancolique, du sang à perte de vue, au-dessus des idées noires. Il manquait de couleur vive dans cette vie-là.

 

Dans la baignoire, laisser reposer ses bras démantelés le long du corps. S'enfuir, se sauver, disparaître, qu'importe. L'eau chaude contre le refrain des plaies béantes. Enfouir la tête sous l'eau teintée de noirceurs invisibles. Fermer les yeux très fort et avaler l'eau salée. Reprendre son souffle, après l'apnée, sortir du bain, tâcher la grande serviette blanche et rêche. S'allonger sous la couette usée des dernières insomnies, les blessures encore tièdes, et le contact avec le tissu réveille des souvenirs flous. Les larmes perlent au coin des yeux, encore un peu. Le mascara a coulé, un peu de noir sur le blanc, sur le rouge. Vouloir s'envoler sur un balai de sorcière, ou courir à en perdre le nord dans la neige épaisse et grise... tout sauf voir cette corde accrochée, là, au-dessus. Un collier dont elle voudrait se passer. Un collier qui l'attire de ses chants entêtants, envoûtants et cruels.

 

Saisir des ciseaux, couper les mèches et danser sous le violon qui continue tranquillement ses élégies. Les bras en l'air, doucement, et le sang qui coule et redessine son corps sous les lumières tamisées des bougies. Des coulées le long des bras, du cou, de la poitrine, du ventre, des cuisses… un corps écorché vif qui se déhanche encore de ses dernières forces, tandis que le violon aux cordes tâchées poursuit ses vibrations morbides.

 

Le sang goutte sur le sol, mais elle continue de danser, de faire onduler ce corps mutilé que nulle neige n'apaiserait. Et se cogner au mur, et serrer les dents, et serrer les poings.

Dehors elle aperçoit les lueurs chez les voisins, qui ouvrent leurs cadeaux et dînent. Seule avec sa poésie, elle s'écroule sur le carrelage. Couverte de sang, de crasse, de mort, d'insectes, et de vers.

 

L'odeur est déjà insoutenable. Dans les airs elle se dissipe enfin.

En en millier de particules qui s'envolent déjà, loin... Très loin du terrible froid de décembre...


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