Dernières Lettres... III

scribleruss

Lettres

Mardi 13 octobre 2015 - 13.38 -

J'écris. Des lettres. Que je n'enverrai pas. Je raye même la chimère, la muse que je m'inventai pour avoir l'air. L'air de quoi.

Certes encore je peux manger, boire et dormir, parler et raisonner, écrire les aurores et les couchants mais ne peux plus courir avec mes amis, faire du vélo sur les bords du fleuve, que regarder la télé, lire des poèmes et me les dire, marcher ...

Marcher certes mais je ne vais pas faire vingt fois le tour de la ville, la télé oui mais je ne vais pas me mettre sous la perfusion perpétuelle de séries américaines, écrire lire mais je vais saturer ...

Et puis les amis, les visites je n'en veux pas, on ressasse, on nostalgique, on ravive

Je n'ai jamais tant vu ou lu d'octogénaires et de nonagénaires dont je rêvais d'être, certes rien n'est perdu mais déglingué comme je commence à le devenir je ne me fais pas d'illusions ...

Je jalouse tous ces bons vieux vivants fussent-ils pervers et lubriques, au moins peuvent-ils et savent-ils jouir encore et goûter aux derniers plaisirs charnels qui ne sont pas les moindres et je sais quant à moi, vanité des vanités, quelques femmes encore qui rêveraient de ... mais qui depuis que ... sont rentrées dans les Ordres ..

Je jalouse Jean d'Ormesson qui va sortir à quatre vingt-dix ans ses Mémoires sous le titre emprunté à Aragon ;

" Je dirai malgré tout que cette vie fut belle."

Mes Mémoires j'en ai écrit des pages, mais sans y persévérer et qui lirait ? et puis je m'en fous, ma vie ne fut pas un long fleuve tranquille, ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage jamais parcouru par de brillants soleils, quant à ma vieillesse, je suis comme François Mitterrand qui à quelques jours de sa mort et alors qu'il vacillait sur ses jambes inopérantes conservait encore la tentation éternelle de faire la cour et vibrait au charme d'une femme qui passait dans son champ de vision, l'espérance folle jusqu'au dernier souffle ...

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