DERRIERE LA PORTE
Daniele Szczyhel
LIEU: village de Charonne et alentours proches: Paris 20ème
Porte de Montreuil...Toc, toc, toc!!!
Attendre est un supplice,
tandis que l'on croit entendre bruisser derrière elle,
un appel angélique...
Comme un sortilège, la pensée s'y faufile et imagine
les rencontres les plus extraordinaires: Geneviève au pied de Saint-Germain, à la fois ici et là,
cette belle indomptable refusant de se rendre
pour ne s'agenouiller qu'offrant la liberté.
Le temps ainsi se souvient et c'est l'ombre cendrée
que chuchote son modeste oratoire.
Toc, toc, toc!!!
Il faut frapper plus fort, y coller tout son corps et pousser;
Hélas, rien n'y fait, rien, tout juste un mince regard qui s'attarde...
Du seuil, une étroite rue à l'agitation fébrile sespenche sur de multiples échoppes
qui rivalisent d'abondance.
Des bustes à l'exotisme coloré se balancent en rythme et dansent
dans leur chatoyant brouhaha plutôt qu'ils ne marchent.
On croque des mots nouveaux, on respire de chaudes et acres odeurs
venues on ne sait d'où; quelques pieds de vignes toutefois trépignent encore
à l'abri des jardins intérieurs comme pour rappeler leur longue et vénérable histoire.
Toc, toc, toc!!!
Voici que l'agacement assène quelques coups plus furieux
et qu'un modeste passage s'entrouvre.
Combien de fois faudra t-il donc tambouriner avant de s'engouffrer?
Mais le déir est étrange et la passion est souvent déraison
devant ce qui s'offre doucement.
L'attente qui fait frissonner
ébranle tout l'être et force l'admiration;
un ancien chemin de ronde ride le temps d'un château
au joli nom de Ménilmontant
que la rue du Téélégraphe
s'évertue
à ne jamais faire oublier;
aux alentours, quelques demeures serrées les unes contre les autres
rivalisent d'élégance, empierrées dans leur noblesse d'antan.
Toc, toc, toc!!!
Un peu comme à regert, la porte cède à la poussée,
laissant hélas s'écahpper quelques anciens trésors
qui s'éparpillent tout le long de charmantes ruelles.
De belles étrangères semblables et différentes,
s'égayent en réunion, autour de leur place familière.
A chacune son histoire, à chacune son destin:
confidences des coeurs aux accents nostalgiques
qu'un promeneur singulier aurait aimé entendre
quand il déambulait, rêveur solitaire.
Tout près, une rue s'énorgueillit d'un Vitruve
épinglé à jamais sur ses murs;
l'oeil s'amuse à chercher l'architecte
entre les tours rondes ou carrées....
Toc, toc, toc!!!
Le geste est inutile, la porte est grande ouverte.
A l'heure où les lumières écarquillent le ciel,
des trombes d'automobiles emplissent les boulevards
aux noms de maréchaux;
des klaxons hurlent la charge,
des sirènes sonnent la retraite, c'est le chahut,
un méli-mélo cosmopolite aux allures pressées
de fouler les trottoirs familiers de Belleville.
Quelques ombres préfèrent s'abandonner au charme
d'un parc nuitamment ouvert, et sceller leur serment
aux creux des arbres centenaires croulant sous les secrets.
Et puis, un peu plus haut, les tout derneiers passants
s'amusent à s'ébrouer sous les perles de pluie
que postillonnent les blancs jets d'eaux.
La porte est grande ouverte, le temps au ralenti,
la nuit est entrée et noircit les retardataires.
Seule une lune insomniaque agite sa rondeur
et vient troubler sans doute le long repos d'un Père Lachaise.
Et puis, comme pour réveiller les âmes absentes à jamais,
elle dévoile des noms chargés de vie, des vies qui sont privées de nom.
Alors entre les allées où seule une plaque
témoigne de la recherche d'un temps perdu,
on réinvente à tâtons, l'histoire des disparus.
L'aube doucement blanchit à façon ce charme infini,
des pas se dessinent et résonnent à plaisir...
...laissant quelques traces, couleur du matin.
C'est ici, que j'aime venir m'asseoir,
au pied de cette église qui fait encore son cinéma
lorsque, du bout de leurs trente-trois étages,
deux hautes tours voisines clignotent
et plantent le décor du village de Charonne.