des minutes

ryeb-sawl

Deux minutes. Seulement deux minutes depuis que je fixe cette horloge. Je ne me décide pas à partir. Je me suis assise, histoire de rassembler un peu mes esprits. Ma gorge se serre petit à petit, mon ventre semble tellement vide. Tapoter de mes doigts la table, humidifier délicatement mes lèvres gercées, trouver n’importe quoi à faire pour m’éviter de penser, pour empêcher l’angoisse d’envahir mon corps. Une main chaude posée sur la mienne me raccrocherait un peu à la terre car j’ai l’impression de flotter au-dessus de la pièce. Je n’ai plus la force de bouger, je ne sens plus rien, je me trouve si loin de tout, j’ai envie de hurler pour me prouver que je peux encore faire quelque chose. A force de fixer le téléphone, je sens qu’il sonne, pourtant je n’entends pas de bruit. Tapoter encore la table, inspecter un par un les pétales de chaque fleur du vase. Le calme est assourdissant. La sonnerie du téléphone fait exploser le silence. « Alors ? » m’entends-je dire d’une voix surréaliste. « Je suis désolé, Madame, il est parti. » Trois mots ont tout scellé. La pièce s’est vidé de son étouffant mutisme, la mort est venu me reconnecter à la réalité. Je raccroche.

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