Du sucre dilué dans un grand verre d'eau
Tarsa
C'était le jour de pluie, après la balade en forêt. La mousse humide a fait glisser mes pas. Et jusqu'à la porte du garage, il pleuvait fort fort fort et le tonnerre grondait.
D'un pied, je retiens le talon de ma botte, me déchausse avec peine, sautille sur place, tirant comme un âne.
Boum boum boum ! Je coure dans les escaliers, pour remonter à la surface, depuis le bas jusqu'en haut. Les toilettes du rez de chaussée.
Vlan
Je pousse de toute mes forces, pour extirper cette crotte, dans un double jet de pisse. J'ai chaud et j'étire mes bras de chaque côté pour prendre appui sur les murs, le front tendu et le regard fixant une zone floue du plâtre blanc en face.
L'eau du dehors bat les vitres, plic-plac-ploc, c'est comme si j'étais sous tente, protégée.
Nous avons tant marché qu'il est bon d'enfin s'étendre là, devant ce feu ronflant.
Je prépare le plateau en coulisse, pour le thé de Noël, notes boisés, d'écorces d'oranges et d'épices. Je sais ma famille réunie dans le salon, près du feu. Et tandis que l'eau boue, son crépitepitement atténue le bruit du tiroir qui s'ouvre, des gâteaux que je mange, hâtivement.
Je les entends qui geek. Et parlent de tout et de rien. Bientôt, quelqu'un dira qu'on fait chier à geeker, alors qu'on devrait profiter d'être ensemble. Faites chier à geeker. On devrait profiter d'être ensemble, pour être ensemble.
Y'a Pau qui lit une bonne bd déjà lu et relu-lu, les chaussettes cramant contre la vitre de la cheminée. Tim fait rien de particulier, il est là. Adèle et Félix créent un montage photo et pouffent. Pouf, pouf, pouf. Et puis papa allongé sur le parquet, un bras barrant son visage, il somnole, tandis que maman, mama maman, caresse les cheveux de Malalik, qui, allongée sur ses cuisses, écoute les glouglou les gargouillis sonores dans le ventre de maman, maman qui lit la bible et qui semble prier, les yeux mi-clos, le sourire énigmatique sur sa fine bouche éclose.
J'arrive avec le plateau. Et patatra tout qui s'éparpille, se répand sur le sol, devenu glissant. Je m'étale alors, sur un tapis de mousse verte. Brocéliande. J'ai les cils gorgés d'eau, qui pulsent et s'ébrouent. Wouf wouf, le chien tout fou. Au-dessus de moi, il y a cette branche épaisse et brune, couverte de fougères, de pulmonaire à longues feuilles, de lichen orange. Des lianes torses et volubiles qui descende jusqu'à moi, chatouille mes cheveux mousseux au rythme régulier d'une brise fraiche, celle d'après la pluie et le tonnerre.
Je suis bien bien bien.
Et puis Vlan
Je sens comme une gifle. Vlan, ça fait un bruit mat qui résonne des racines jusqu'à la cime, faisant frissonner tout l'arbre, m'aspergeant d'eau de pluie. Plic-plac-ploc. Et Vlan, la giga claque. Ma minette. Doudou. Astrid Spumante, tu nous fais de grosses frayeurs. Ça va ? Bois ma chérie. C'est du sucre dilué dans un grand verre d'eau. Mon Astridoudou.