Eden Story - prologue (suite)

Sylvain Martin

-         Ah bon. Bon…Bon ! Et alors la suite Stéphane ! Hop hop hop ! Le rapport là ! Hop !

-         Oui. Alors le rapport tient en ceci. Nous sommes tous d’accord pour dire que les émissions de télé-réalité s’essoufflent depuis quelques années.

-         Ça c’est vrai Stéphane ! Non ? Vous êtes d’accord ? Oui, non ?

Les gens dans la salle de réunion autour de la table ovale font des mouvements de têtes affirmatifs, ils ne sont pas très convaincus ni très convaincants, en fait ils ne réfléchissent même pas à la question qui est en fait une affirmation.

-         Bon oui. Effectivement, vous avez absolument raison Stéphane. Alors poursuivez oui.

-         Oui. Alors toutefois, force est de constater que le concept est loin d’être épuisé. En réalité, ce qu’il faut, c’est le repenser dans une perspective contemporaine, qui prenne en compte les avancées sociales, l’évolution des mentalités, avec l’ensemble des paramètres que cela induit, à savoir les aspects religieux, humain, politique, technologique, sexuel, en un mot, anthropologique.

-         Oui alors si vous permettez Stéphane, je vais résumer votre pensée. En gros, vous dites que toutes les émissions qui se sont faites jusqu’à présent, c’est dépassé, et que le public veut du nouveau. C’est bien ça ? C’est bien ça l’anthropologique ou je me trompe ?

-         Oui, en gros, c’est ça.

-         Voilà, alors il faut faire table rase du passé, hop ! Et proposer du nouveau, hop ! Toujours du nouveau ! Oui ! Notez ça, anthropologique, vous, dans le dossier rouge à grosse étiquette là !

-         Oui oui monsieur…

-         Bien. Stéphane, je pense que vous avez parfaitement introduit votre idée, maintenant, dites-nous justement votre idée oui.

-         Oui. Alors, l’idée est la suivante. Proposer une émission se fondant sur un mythe légendaire, appartenant à la culture occidentale, à la mémoire commune et même à l’inconscient collectif, pour paraphraser Jung, du tout un chacun. Et quelle meilleure exemple pouvons-nous trouver que l’un des plus célèbres mythes bibliques : les personnages d’Adam et Eve, naissant à la vie, et du même coup, à l’amour, au cœur du jardin sauvage d’Eden.

-         Ah oui ?

-         Oui. Alors, nous pouvons, à partir de cette magnifique histoire d’amour, la première qu’ait connue l’humanité, il faut bien le dire, nous pouvons dis-je renouer à partir de là avec un genre tombé carrément en désuétude, qui est celui précisément de la comédie romantique.

-         Ah oui. La comédie romantique oui. Dossier rouge à grosse étiquette vous notez : COMEDIE ROMANTIQUE en majuscule.

-         Oui. Alors j’en viens précisément à mon histoire de dix commandements.

-         Ah oui. Les dix commandements. Notez vous. C’est dix comme le chiffre hein ?

-         Oui. Alors voilà. Tout comme l’humanité, depuis l’aube des temps, obéit à ces commandements de Dieu, de même le genre de la comédie romantique obéit à ses propres règles. Et tout comme les commandements de Dieu, nous les connaissons, en les ayant toutefois complètement oubliés. Les règles de la comédie romantique sont toutefois un peu moins complexes que celles élaborées par Dieu, peut-être justement parce qu’elles ne sont pas élaborées par Dieu. Oui. Alors, les voici, vous allez voir, c’est très simple, basique même pourrions-nous dire : un homme avec un caractère X, mis en relation avec son exact contraire, à savoir une femme avec un caractère mettons Y. ça va ?

-         Oui oui. Comme les chromosomes en somme hein ?

-         C’est ça oui. Alors ces deux caractères que tout oppose vont donc se rencontrer. Ils ne sont absolument pas faits pour s’entendre l’un avec l’autre. Tout les séparent. Et pourtant ! De file en aiguille, de rendez-vous en prise de bec, d’incompréhensions en réconciliations, ils vont finir, à leur corps défendant, par tomber amoureux l’un de l’autre, et ce, contre toute attente. Et ainsi, ils restent ensemble et décident de partager une existence commune faite d’amour et éventuellement d’enfant. Mais peu importe le reste de leur vie de couple, à savoir s’ils divorcent, s’ils adoptent un somalien, si lui devient homosexuel, si elle meurt d’un cancer ou si elle préfère coucher avec son jardinier. Peu importe, vraiment. Voilà les quelques règles incontournables de la comédie romantique. En d’autres mots, les contourner, on ne peut pas. Elles sont inviolables comme les lois de Dieu. D’où le rapport. Ainsi, si nous appliquons les lois de la comédie romantique à notre émission, en les rendant aussi essentielles et imparables que les antiques lois de Moïse, nous aurons crées un nouveau genre d’émission, c’est-à-dire une nouvelle forme de loi, donc de contrat et par là même une nouvelle forme de vie humaine, qui rendra totalement caduque l’ancienne société, également humaine. Voilà le principe fondamental et le nouveau concept de cette émission du futur. J’ai nommé : Eden Story.

Les gens autour de la table de réunion sont tous un peu éberlués, ils n’ont rien compris du tout en fait.

-         Oui…oui. Donc…d’accord. Alors, si j’essaie à nouveau de résumer, voilà ce que j’ai compris moi, c’est-à-dire ce que devra comprendre tout le monde en fait. Et surtout vous tous, chers décisionnaires à qui revient la décision, et qui n’avez certainement pas accès à tout ce que raconte notre brillant Stéphane non ?

Un oui collectif de la tête ne se fait pas entendre mais voir.

-         Bien. En gros, et vous m’arrêtez si je raconte n’importe quoi Stéphane, on prend deux types, une nana du genre bimbo et une espèce de looser, genre no life vous voyez, genre paysan. C’est ça Stéphane hein ?

-         Oui oui, absolument.

-         Bien. Et donc, on les fait se rencontrer. C’est bien ça Stéphane hein ? Je dis pas n’importe quoi là ?

-         Non non. Oui oui. C’est bien ça oui.

-         Bon très bien. Alors, cher Stéphane, vous allez maintenant expliquer à nos petits amis cette histoire de nouvel ordre du monde avec le tableau à feutre véléda. Parce qu’en dehors de moi, je comprends que personne ne comprenne rien, et c’est normal d’ailleurs puisque, même si j’ai l’air comme ça de faire l’andouille qui ne comprend rien non plus, j’en comprend quand même un peu plus que tous nos petits amis, qui ne font pas les andouilles eux, mais qui ne comprennent rien quand même, vu qu’ils ne sont pas au courant de votre projet, compte tenu qu’ils n’y ont pas accès, alors que moi si.

-         Tout à fait.

-         Voilà.

-         Alors. Oui. Je vais donc vous faire un schéma. Plus précisément un tableau, en me servant précisément du tableau à feutre véléda qui est là oui.

-         Bien. Mes amis, maintenant que Stéphane en est venu au fait, il va donc vous montrer tout ça pour que ce soit plus clair pour chacun d’entre nous oui.

Stéphane va vers le grand tableau à feutre véléda qui se trouve derrière lui, tout au bout de la grande table ovale, à l’autre bout de la table ovale, dans la salle de réunion, les gens font semblant d’être un peu plus réveillés car il se passe autre chose que des paroles, Stéphane prend un feutre véléda dans sa main et commence à faire un tableau avec le feutre véléda sur le tableau à feutre véléda, les gens suivent chacun de ses mouvements avec une grande attention, Stéphane finit de faire le tableau.

-         Voiiiiiilà. Le tableau est finit.

-         Bravo Stéphane. Bon. Et maintenant ?

-         Oui. Alors maintenant, je vais bien sûr le remplir au fur et à mesure avec les dix règles composant le nouveau type de contrat que nous allons proposer au deux postulants. Je vais tout vous noter d’un coup et j’expliquerai après la signification des phrases. D’accord ?

-         Très bien ça. Un peu comme le code de la route.

-         C’est ça oui.

-         Très bien oui. Vous, dessinez le tableau dessiné sur le tableau là.

-         Oui oui monsie…

Stéphane reprend le feutre véléda et commence à écrire les règles du nouveau type de contrat qu’ils vont proposer aux deux postulants, il commence par la première, ce qui va de soi, il continue comme ça jusqu’à la dernière, comme ça tout est écrit comme Stéphane l’avait dit.

Règle 1 : Trouver deux entités, un mâle et une femelle, et les extraire de leur contexte.

Règle 2 : Faire signer aux deux entités mâle et femelle le contrat de cession de leur personne morale et physique à la société GOD PRODUCTIONS

Règle 3 : Les deux entités mâle et femelle ne pourront durant la durée de leur contrat et au-delà de la durée de leur contrat utiliser le nom de la société GOD PRODUCTIONS sans autorisation expresse de celle-ci.

Règle 4 : Les deux entités seront filmés 24h / 24h, mais il leur sera cependant octroyé 24h d’intimité sur 168h de direct.

Règle 5 : Les deux entités, liés par contrat avec la société GOD PRODUCTIONS, devront par conséquent suivre à la lettre les instructions et obéir en tout point aux directives données par la société susnommée.

Règle 6 : Par contrat, les deux entités ne seront pas autorisées à attaquer la société GOD PRODUCTIONS en justice.

Règle 7 : Les deux entités, durant la durée de leur contrat, ne devrons nouer aucun liens d’ordre affectifs, sentimentaux ou sexuels avec aucun membre de la société GOD PRODUCTIONS, en dehors d’eux-mêmes.

Règle 8 : Toutes les paroles, idées, pensées, faits et gestes émis par les deux entités sous contrat appartiennent sans restriction à la société GOD PRODUCTIONS. Ils ne pourront les reprendre lors de la rupture du dit contrat.

Règle 9 : Les deux entités mâle et femelle s’engagent à ne jamais dire du mal de la société GOD PRODUCTIONS

Règle 10 : Les deux entités sont engagés comme artistes, par conséquent la société GOD PRODUCTIONS s’engage à défrayer les deux entités selon la grille salariale en application de la convention collective des entreprises du spectacle, mais ne saurait verser tout défraiement supplémentaire ni verser d’avantages en nature, ainsi qu’il est prévu uniquement en direction des cadres de la société.

-         Voilà. En gros. Bon. Alors en fait au final je pense que ça ne nécessite aucune explication particulière non ? ça paraît assez clair etc. ?

Les gens qui sont assis autour de la table ovale disposée dans la salle de réunion n’en reviennent pas, il y en a un qui bouge un peu sur son siège, Stéphane le regarde en lui faisant un petit mouvement de la tête pour l’aider à parler, le monsieur qui a bougé sur son siège lui refait un signe mais avec la main cette fois pour lui faire comprendre que non non ça va tout est très clair.

-         Pas de questions alors ? Bien. Bon.

-         Non non pas de questions mon cher Stéphane. Tout ceci est absolument claire comme de l’eau de roche, n’est-ce pas messieurs les décisionnaires etc. ?

Les têtes des gens s’agitent doucement pour dire que oui.

-         Bon. Ecoutez Stéphane, je dois vous dire, au nom de cette assemblée, que votre proposition est absolument remarquable. Veuillez m’excuser de m’être un petit peu emporté tout à l’heure mais vous savez ce que c’est non ? Les responsabilités d’une grosse société etc. En tout cas, et entre nous, je dois vous avouer que quand vous m’avez exposé le truc tout à l’heure avant le début de la réunion, et bien j’avais rien compris ! Ahahah ! Parole ! Mais alors là ! Rien-du-tout ! Ahahaha ! Mais là maintenant grâce à ce magnifique tableau tout est absolument claire comme de la roche comme je l’ai déjà dis oui.

Stéphane s’assied, il a l’air content de lui, et il a raison, tout le monde a fait oui de la tête quand le gros monsieur huileux à dit que le tableau était magnifique et claire comme de la roche.

-         Bien. Alors si vous le voulez bien, je vais à présent reprendre un petit peu les choses en main et faire en sorte que l’eau de roche soit encore plus claire qu’elle ne l’est déjà. Notez vous sur le dossier rouge à grosse étiquette les trucs que je vais dire parce que c’est important aussi.

Le gringalet à barbichette assistant souffre douleur s’affaire avec un stylo sur le dossier rouge à grosse étiquette.

-         Bien. Que tout le monde sorte son cahier et on y va. Je vais vous lancer comme ça à la volée quelques pistes de travail qui me viennent à l’esprit comme ça à la volée mais il faut tout prendre en compte parce que je ne me trompe pas souvent, en fait jamais oui.

Les gens et Stéphane aussi sortent tous leurs cahiers avec des stylos, ils restent tous avec le stylo à noter pour faire comprendre au gros monsieur huileux qu’ils sont tous prêt à tout noter.

-         Bien. Par exemple. Je sais pas. Pour faire l’entité femelle comme dit Stéphane (ahahah), il faut qu’on se dégotte une sorte de bimbo, vous savez, avec des gros seins et tout. Le genre aguicheuse, call-girl un peu vous voyez. Il faut qu’elle soit blonde. Ça, ça va de soit. Entre 1 mètre 80 et 1 mètre 82 maximum. Elancée, fine, avec un joli petit cul moulé et rebondit, etc. Enfin, les classiques, je ne vais pas vous apprendre votre métier. Célibataire de préférence, mais pas forcément. Il faut absolument qu’elle ait obtenu son bac, qu’elle ait fait au moins deux ans d’études supérieures, des études du genre littéraire ou psycho, mais pas trop. Il va de soit qu’elle ne doit pas être vierge. Il faut absolument qu’elle ait un corps de rêve avec une frimousse excitante. Avenante, mais pas trop. Du genre faussement sainte-nitouche, mais qu’en même il faut qu’elle respire le cul si vous me permettez l’expression. Bref, je veux que ça bande dans les chaumières. Elle doit être un peu cruche, mais avoir des opinions arrêtées sur certains sujets. Du genre, le rôle de la femme dans la société moderne, la contraception, le viol, des conneries comme ça. Autre chose essentielle, selon moi, et ça c’est vraiment crucial, il faut absolument qu’elle veuille devenir actrice. Elle peut avoir eut une vocation un peu conformiste, du genre institutrice, puéricultrice ou assistante sociale, un machin dans le genre, un machin de fille vous voyez, mais en fait, son rêve secret, son rêve de toujours, c’est être actrice. Et c’est nous qui allons lui permettre de réaliser son rêve en passant à la télé. Evidemment, elle doit avoir aussi un côté complètement fleur bleue, en croyant au prince charmant, au grand amour etc. Mais en même temps être en phase avec les réalités sexuelles d’aujourd’hui. A savoir qu’on peut aussi coucher si son avenir est en jeu. Bien. Ne me ramenez pas une grand-mère de trente-cinq ans. Je veux une nana de vingt-cinq balais maximum. Et je le redis, une fille qui veut être actrice, mais qui n’y arrive pas, comme toutes les actrices. Elle peut au maximum faire partie d’une troupe de théâtre amateur de banlieue, du genre Trifouillis-les-Oies sur Seine, qui galère, ça ça peut émouvoir, et avoir tournée dans un ou deux courts-métrages à la noix réalisés pendant les vacances d’été par des copains de la fac dans le Lubéron vous voyez. Faire bander et faire pleurer, tout ça dans la même chaumière, c’est la règle d’or. Bien, est-ce que c’est clair ou est-ce que je répète tout depuis le début pour tout ceux qui n’ont rien suivi rien compris et rien noté ?

Tout les gens font un grand non avec la tête, tout de suite après il font un non aussi grand et toujours avec la tête, tout ça pour dire que tout est clair, suivi, compris et noté.

-         Bon. Et vous là vous avez tout noté sur le dossier à grosse étiquette où il faut tout recommencé juste pour vous ?

Le gringalet à barbichette assistant souffre douleur fait non avec sa tête deux fois plus vite que les gens assis autour de la table ovale dans la salle de réunion.

-         Bon. Alors je continue donc. Ensuite on passe à l’entité mâle comme dit Stéphane (ahaha). Alors là il me faut absolument un cake de premier ordre. Vous voyez le genre ? On s’est dit avec Stéphane que le côté paysan pouvait vraiment faire bien pitoyable. C’est vrai non ? Je veux dire, quel métier on souhaite le moins pour nos enfants ? C’est paysan non ? Je veux dire. Non ? Je veux dire au collège c’est carrément une insulte vous voyez. Bon. Et on s’est dit aussi avec Stéphane qu’il nous en fallait un vraiment bien gratiné. Le genre fâché avec son peigne vous voyez. Il faut se trouver la perle rare sur ce coup là. La perle des cochons vous voyez. La madone du tas de fumier vous voyez. Je veux dire ça doit bien encore exister quelque part en France des mecs qui habitent dans des fermes délabrées, sans eau sans gaz et sans électricité. Non ? Il faut me trouver ça absolument. Et si par bonheur ça n’existe plus, il faut me l’inventer OK ? Bon. Il faut que ce type soit dégueu, mais en même temps, il faut qu’il reste humain vous voyez. Il faut quand même que les gens puissent s’identifier un minimum. Notamment tous les célibataires de plus de trente ans qui vont regarder notre émission en bavant sur notre bimbo, il faut absolument qu’il puissent se glisser dans la peau de notre loquedu. Je veux dire, tous les célibataires de plus de trente ans ne sont pas forcément des types qui ne se lavent jamais ou qui ont une dentition pourrie, non ? Alors évidemment, côté gonzesse, je veux dire les téléspectatrices là, ça risque d’être moins sexy. C’est pour ça qu’on va jouer sur le côté maternel de la femme à fond les manettes vous voyez. Il faut que notre paysan il soit tellement désemparé dans sa vie qu’elles aient envie de le pouponner vous voyez, de prendre soin de lui, un peu comme avec un gros bébé un peu cradingue voyez ? Il faut qu’on réveille cet instinct là pour qu’au final elles aient envie de lui faire sa vaisselle et de lui rincer ses caleçons. Et il faut pas perdre de vue le côté comédie romantique. Les règles hein ! Hein Stéphane ! Les règles ! A savoir qu’il faut que les nanas qui vont regarder notre émission, c’est-à-dire toutes les nanas qui vont regarder notre émission, et bien il faut qu’elles croient toutes que l’histoire d’amour ne marchera jamais. Que les deux vont finir en se tapant sur la gueule. Il faut qu’on sente ça. Il faut qu’elles en pleurent d’angoisse de pas être sûr. Et pendant ce temps, il faut que leur mec bave des litres devant les petites culottes de la bimbo. Voilà. En bref, c’est une émission familiale.

Le gros monsieur huileux vient de finir de parler, tous les stylos se lèvent des cahiers en même temps, les gens assis autour de la table ovale dans la salle de réunion regardent tous le gros monsieur huileux pour savoir ce qui se passe maintenant, Stéphane n’a rien noté, Stéphane a passé son temps à tapoter son stylo sur la couverture de son cahier, le gringalet à barbichette assistant souffre douleur n’a toujours pas finit d’écrire.

-         Et alors vous là ! Toujours à la bourre évidemment bien sûr comme d’habitude ! Vous grifouillez là-dessus comme un fiévreux, je suis sûr que c’est parfaitement illisible votre truc ! Vous avez intérêt à me retaper ça au propre vite fait bien fait sinon c’est vous qui finirez au fond d’une ferme avec des cochons et des belettes sauvages !

-         D’ailleurs hmmm. Pardon de vous interrompre…

-         Oui Stéphane bien sûr interrompez-moi oui.

-         Non je vous voulais juste vous rappeler qu’il faut aussi que vous disiez un mot sur justement la ferme etc.

-         Ah oui.

-         Oui.

-         Oui ! A vos stylos messieurs ! Et vous aussi là, replongez dans le dossier à grosse étiquette là. Oui, bien sûr j’ai oublié de vous dire une chose absolument essentielle. Merci Stéphane de votre promptitude. Voilà. Evidemment, on part sur l’idée de Stéphane, qui est celle du jardin porté disparu de l’Eden. C’est l’idée de Stéphane. Personnellement, je n’y vois pas d’inconvénient. D’ailleurs, entre nous, et cela dit sans vous offenser Stéphane, mais ça pourrait être aussi bien le jardin des plantes ou le parc Astérix, pour moi c’est égal, cela dit sans vous offenser ahahaha. Non. Ce qui compte là-dedans, c’est de planter le décor. Et qu’on soit obliger de planter des patates et des navets, si ça doit être le décor, on les plantera. N’est-ce pas messieurs ? Bien. Donc, en plus de mettre la main sur nos entités mec et nana, via un casting, of course, il va falloir en plus mettre nos mains dans le fumier pour se dégotter une ferme. Il faut me trouver un trou bien paumé vous voyez, genre le Cantal ou la Creuse vous voyez, un truc où on se croit sur Mars tellement on y croit pas que c’est chez nous vous voyez. Bon. Notre paysan, si c’est un vrai paysan, forcément il aura déjà sa ferme à lui, hein ? Alors on lui rachète. Hop ! On lui rachète, et on lui propose une toute nouvelle ferme flambant (flambante ?), bref, neuve, et on l’oblige à déménager dedans. Il faut rajouter ça au contrat Stéphane : achat d’une ferme flambant ou flamblante neuve pour le candidat paysan. Et il faudra aussi vérifier comment ça s’accorde au juste ce putain de mot. Ah ! Et puis il faut aussi rajouter une ligne budgétaire avec ça. Mettez : Achat de ferme. Et vous là ! Au lieu de noter des trucs que Stéphane note déjà de manière lisible lui, branchez-vous là-dessus plutôt : trouver une ferme. OK ? Bon. Ensuite évidemment la ferme, on la truffe de micro de caméras de miroir sans teint etc. Il faut m’en foutre partout. Je veux même en avoir sous la lunette des chiottes vous voyez. Non c’est une image mais vous voyez. Il faut bien sûr prévoir le petit coin intimité, du genre un débarras ou un placard à balais. Ça on peut pas faire autrement, c’est dans le contrat, et c’est aussi dans la loi. Ceci dit, on fera comme les autres, et on mettra quand même une caméra dedans, ça nous fera de la matière pour les bonus du DVD de l’émission. Ne pas oublier ça Stéphane dans le budget. Rajoutez une ligne budgétaire : fabrication et commercialisation d’un coffret DVD genre 5 ou 6 DVD avec un en plus de bonus et un gratuit dans le lot, genre 7 DVD ou prix de 6 et évidemment l’équivalent en édition collector, le tout sortira à Noël comme d’habitude etc. Bon. Ça va ? Tout le monde suit ? Bon. Je poursuis donc. Alors donc oui. Où j’en étais.

-         Euh les caméras partout et le coffret DV…

-         Mais notez vous ! Vous n’avez pas à me parler, comme ça, pendant que je cherche une phrase ! Vous me répétez ce que j’ai dis ! Je sais très bien ce que j’ai dis ! La preuve ! Je l’ai dis ! Alors ! C’est pas vous qui allez m’inventer la suite de mes idées non !

-         Pardonnez-moi mais je pense qu’il faut que vous parliez de la réalisation et de la diffusion de l’émission.

-         C’est cela même ! Bravo Stéphane. En voilà un qui suit lui ! Bon. Alors évidemment, inutile de vous dire, mais je vous le dis quand même, qu’on va se torcher ça en deux temps trois mouvements. On a pas le temps ni le luxe ni les finances pour tourner pendant trois mois. Il faut que ce soit plié en deux semaines. Si je ne me trompe pas ça nous fait Stéphane votre calculatrice s’il vous plaît.

Stéphane tend son magnifique I TELEPHONE tout neuf, Stéphane l’a déjà réglé en mode calculatrice pour faire une surprise au gros monsieur huileux, la surprise de Stéphane marche car le gros monsieur huileux est surpris.

-         Ahahaha ! C’est un téléphone ! Quel plaisantin vous faites Stéphane ! Bon. Alors. Permettez. 168 X 2 = 336 – 24 X 2 = 288. Voilà. 288 heures de rush, ça devrait quand même suffire pour tenir sur mettons je sais on va dire un mois un mois et demi d’émission. Qu’est-ce que vous en pensez Stéphane ?

-         Oui c’est bien. Ça laisse le temps de fabriquer les DVD en parallèle. Comme ça dès que la diffusion est finie, on arrose.

-         Oui. On arrose oui. Ah ! Oui ! La diffusion oui. Vous faites bien d’y revenir Stéphane. Alors pour ma part je pense qu’on va se cantonner à l’émission hebdomadaire avec un prime le samedi soir non ? On se fait une hebdomadaire de je sais pas une petite heure, genre vers 19h vous voyez, avant le 20h. Un truc du genre un peu d’amour et d’espoir avant les catastrophes et la dépression voyez.

-         Et vous pensez à qui comme animateur ?

-         Ah ! Stéphane ! Je vous reconnais bien là ! Et bien, figurez-vous que j’en sais foutre rien ! Vous avez une idée ?

-         Monsieur, excusez-moi mais j…

-         La ferme vous ! Qu’est-ce que vous marmonnez avec votre stylo en l’air là ! Vous avez plus de papiers ? C’est ça le problème ? Mais quel manche bon dieu !

-         N…non mon…monsieu…

-         Alors quoi quoi ! C’est quoi là !

-         Vous avez un…un dossier bleu à petite étiquette dans votre bureau avec des noms d’animateurs dedans…alors peut-être que je peux vous le…

-         Mais comme si je le savais pas ! Con ! J’ai posé la question à Stéphane il me semble là non ? Pas à vous non ! Je vous parle pas à vous oui ! Si vous pensez faire le malin en faisant croire que vous pouvez vous aussi avoir des idées, je vous préviens que c’est un petit jeu qui pourrait vous coûter cher ! Hmmm. Pardon. Oui. Stéphane, je vous prie, dites-moi votre idée.

-         Je n’en ai pas spécialement comme ça.

-         Mais si voyons !

-         Peut-être oui…attendez…oui…Et pourquoi pas DJ Snake ?

-         Connais pas. Mais ça à l’air bien.

-         Oui oui, il est parfait. C’est un type qui anime les soirées branchées du tout Paris. C’est un véritable tombeur. En plus Snake ! Snake ! Le nom est parfait ! Snake ! Eden ! Snake !

-         Oui oui. Je ne vois pas le rapport mais ça me semble parfait Stéphane. Bien. Je pense que nous avons bien avancé. Nous méritons tous notre pose déjeuner. En tout cas moi, j’ai faim. On lance tout ça et ça roule. Vous venez vous taper une petite entrecôte avec moi Stéphane ? Et vous là, rangez moi tous ce fatras de paperasses ! Allez hop ! Et puis laissez pas traîner vos tupperwares vides partout dans le bureau cette fois. Venez Stéphane.

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