Eglantine
Lupor Denci
Eglantine Trotard venait de vomir son petit déjeuner. Elle était encore agenouillée la bave aux lèvres, accoudée à la lunette des toilettes quand la sonnette de la porte d'entrée se fit entendre. Il était 11h30 du matin et Églantine n'avait pas l'habitude de recevoir du monde si tôt. D'une délicate pichenette elle donna son envol à un résidu de viennoiserie qui était resté collé sous le bout de son nez et après s'être redressée emprunta gaillardement le long couloir qui allait l'emmener sur le perron de sa maison. Au sol une moquette moelleuse réconfortait ses petits pieds blancs et ronds, quand sur les murs les portraits de ses aïeux l'observaient: le vieil oncle Balthazar avec ses gros sourcils, ancien capitaine du génie d'un bataillon d'Afrique semblait systématiquement la rabrouer. Comme tous les jours elle feignit de l'ignorer en détournant son regard, puis posa sa main sur l'imposante poignée de cuivre de sa porte.
Un magnifique soleil blanc et pur éblouissait le jardin. En contre-jour un homme immense et hirsute avec une barbe foisonnante, large comme un buffet plongeait dans l'obscurité un petit homme qui se tenait devant lui et qui fixait Eglantine avec un oeil goguenard et lubrique.
"Bonjour messieurs..." Prononça mollement Eglantine.
"Bonjour madame!" Lança vivement le petit homme un peu énervé, "êtes vous Eglantine Trotard? ".
Le gros bonhomme respirait fortement avec ses narines et fit tréssaillir la jeune femme qui observait le presque nain qui se trouvait à ses pieds:"oui c'est moi monsieur, qu'avez-vous à m'annoncer?"
"Je suis monsieur Lampoule du ministère de la famille et de l'enfance et...", levant les bras en fixant le ciel il ajouta " le monsieur qui se trouve derrière moi est Julius Trotard, votre cousin germain, qui vous vient tout droit du Gabon. Je n'ai plus qu'à vous laisser et vous souhaiter de chaleureuses retrouvailles, la famille c'est important!"
Le petit fonctionnaire aussitôt son dernier mot prononcé tourna les talons, contourna Julius puis traversa le jardin et disparu derrière une haie de troènes.