Elément perturbateur - Episode 11

nat28

La suite du récit ne dépend que de vous !

En déboulant dans la rue, Gauthier heurta un passant. "Tiens, quel hasard !" C'était Cédric !

"Non !" hurla intérieurement la dernière étincelle de bon sens qui se débattait dans le crâne de Gauthier. Cet homme  ne pouvait pas être là, dans cette rue, à cet instant ! Il était parti en voyage ! Pourquoi est-ce qu'il réapparaissait tout d'un coup, sans prévenir ? Etait-ce une hallucination ? Etait-ce une mauvaise blague ? Ou alors était-ce un problème de continuité dans le récit ? Non, impossible, ce genre de chose ne s'était jamais produite...

"Ca va ?" demanda Cédric avec une note d'inquiétude dans la voix. Le visage de Gauthier n'affichait pas un air des plus rassurant : pâle et hagard, il avait l'air totalement perdu, voire même un peu affolé.

"Gauthier ?" enchaîna Cédric en posant une main rassurante sur l'épaule de son ami. Ce dernier sortit enfin de sa léthargie, conscient du fait qu'il devait réagir, et vite.

"Cédric ! Quelle surprise !" Il n'avait rien trouvé de plus original, et il s'en voulait déjà. Comment ne pas paraître louche en sortant de telles banalités ?

"C'est marrant que tu sois dans le coin !" continua Cédric, comme si de rien n'était.

"Oui... J'avais une course à faire... Je ne m'attendais pas à tomber sur toi !"

"J'ai dû rentrer plus tôt, un problème au boulot, rien de passionnant..."

"C'est bête, ça..." répondit Gauthier qui tentait de réfléchir tout en alimentant cette conversation fort banale.

 

Le jeune homme suait à grosse gouttes et il ne doutait pas du fait que son ami avait repéré son trouble. Dans une minute, il allait le questionner à nouveau sur ce qui n'allait pas, et Gauthier serait bien en peine de répondre. C'était bien la première fois que l'auteur le plaçait dans une situation délicate, et le jeune homme craignait qu'une mauvaise décision ne le mette dans une situation très délicate. Quelles options se présentaient à lui ? Tenter de reprendre une contenance ? Fuir en courant comme un fou dans la rue ? Attirer Cédric le plus loin possible pour l'éloigner de son appartement ? Ou bien... L'accompagner chez lui et... l'éliminer ?

 

Gauthier n'était pas particulièrement enthousiasmé par sa dernière idée, essentiellement parce qu'il avait peu d'amis, mais surtout parce qu'il n'avait jamais tué une de ses connaissances. Ce n'était pas l'aspect émotionnel qui le bloquait, mais plutôt les rapprochements que pourrait faire la Police si un de ses proches venait à disparaître dans des circonstances suspectes.

 

"Bon, je t'appelle plus tard, je dois passer chez moi me changer avant de filer au boulot."

Cédric ponctua sa phrase d'une tape amicale sur l'épaule de son ami et il le quitta avec un petit sourire, en prenant le chemin de son appartement.

 

Le fait que Cédric découvre le corps n'était pas vraiment un problème en soi, c'était d'ailleurs ce qui aurait dû se produire dans un futur proche. Mais dans quelques jours. Quand Gauthier aurait mis en place toutes les preuves à charge. Et les deux hommes n'auraient pas dû se croiser, surtout pendant la phase de panique de Gauthier. Ce dernier savait qu'il avait l'air plus que suspect, et que son ami aurait des doutes sur sa culpabilité potentielle. Il plaisantait souvent à propos des cadavres qui s'amoncelaient autour de Gauthier. "Tu les attires ou quoi ? Ou alors c'est toi qui les tues !" avait-il lancé un jour, dans un grand éclat de rire. Ce jour là, ces paroles n'avaient été qu'une boutade, mais quand il tomberait nez à nez avec Jane, étranglée sur le sol de son salon, il y repenserait surement et se dirait qu'il avait peut-être vu juste...

 

Il n'y avait donc qu'une seule solution... Pas la plus agréable, mais après tout, envoyer son ami en prison ou à la morgue, est-ce que cela faisait une grande différence ?

 

Gauthier avait donc désormais besoin d'un plan pour se débarrasser de Cédric.  

 

La première chose à faire était de trouver un prétexte pour le suivre jusque chez lui. Il devait agir vite, et de préférence sans témoin. L'immeuble de Cédric était calme et les murs étaient assez épais pour étouffer les cris ou les bruits de lutte. Il le tuerait chez lui, et ensuite... Et bien il lui faudrait trouver un coupable, au débotté, pour son meurtre et celui de Jane... Peut-être que cette dernière avait un petit ami ou un admirateur un peu obsédé... Cet homme "providentiel" l'aurait suivie, il l'aurait vu entrer dans l'immeuble avec un autre, il se serait faufilé à leur suite et il les auraient assassiné du fait de sa jalousie maladive...

 

Trop compliqué... et Gauthier n'en savait pas assez sur Jane pour déterminer si cette option était sérieusement envisageable.

 

Et s'il maquillait ce crime en suicide ? Il l'avait déjà fait à deux reprises, et il avait une myriade de scénarios en tête. Imaginer la façon dont il pouvait tuer ses victimes était un véritable passe-temps pour Gauthier. Mais que pourrait-il utiliser dans l'appartement de son ami ? Ce dernier n'avait pas d'arme, lui faire prendre des médicaments serait compliqué, et puis avait-il le genre de comprimés permettant de mettre fin à ses jours dans sa salle de bain ? Pendant que le jeune homme tergiversait, Cédric s'éloignait à grands pas sur le trottoir. Gauthier dût se résoudre à lui courir après, au risque de se faire repérer par un passant anonyme.

"Hé, Cédric !" lança-t-il, essoufflé, en rejoignant sa future victime qui se retourna en sursautant.

"Oui ?"

"Je peux... Monter chez toi ? J'ai besoin... D'aller aux toilettes, et celles du bar n'étaient pas franchement reluisantes..."

Cédric fronça les sourcils et Gauthier se dit qu'il était très mal parti.

"OK, mais il faudra que tu fasses vite, je ne suis pas en avance et je ne voudrais pas que mon boss me passe un savon..."

"Ne t'inquiète pas pour lui, aucun risque qu'il ne te crie dessus aujourd'hui, je n'en ai que pour une petite minute de toutes façons !"

"Super !"

 

Cédric se remit en marche, suivi par un Gauthier dont le cerveau turbinait à plein régime. Le jeune homme n'avait que quelques minutes, le temps de rejoindre l'appartement, pour échafauder son plan. Il détestait travailler ainsi, à l'improviste. Il était plutôt du genre à tout planifier, à tout vérifier, à tout contrôler...

"Peut-être que mon auteur en a eu marre de mon côté "planificateur" et qu'il s'est dit qu'une giclée d'adrénaline me ferait du bien" songea Gauthier qui chassa rapidement cette pensée parasite pour se reconcentrer sur le meurtre de son ami. Quelle situation étrange...  

 

Le temps filait trop vite et ils étaient déjà devant l'entrée de l'immeuble. Cédric composa le code qui permettait de déverrouiller la porte, puis il pénétra dans le hall et se dirigea vers les escaliers. Les idées de Gauthier semblaient se clarifier à mesure qu'ils se rapprochaient de leur destination. Les pièces du puzzle, qui, un instant plus tôt, étaient éparpillées dans son esprit, se mettaient peu à peu en place et s'emboîtaient à la perfection. Il avait enfin la solution !

 

Le jeune homme rangea son plan dans un coin de sa mémoire, de peur que son auteur ne lise dans ses pensées et qu'il ne vienne lui mettre des bâtons dans les roues. Le maître des mots avait l'air d'humeur joueuse aujourd'hui, il fallait prendre ses précautions.

  

"Tu me files un coup de main ?" demanda Cédric en désignant le gros sac de sport qui contenait ses affaires. Gauthier réalisa que, dans sa confusion, il n'avait même pas remarqué que son ami avait un bagage avec lui. "Trop petit pour transporter un cadavre" songea distraitement Gauthier en saisissant une des anses du sac. "Pas assez résistant non plus" se dit-il en voyant qu'une couture était à moitié arrachée, alors que le sac n'était pas très lourd. "Reprends-toi et concentre-toi !" se sermonna-t-il en montant les escaliers "Ce n'est pas le moment de faire un comparatif entre les différents moyens de balader un corps !".

 

Ils atteignirent enfin le bon étage, sans avoir croisé personne, ce qui arrangeait bien les affaires de Gauthier. Cédric s'arrêta sur son paillasson et entreprit de fouiller ses poches pour trouver ses clés. Il dénicha son trousseau dans sa veste et il sélectionna la clé qui correspondait à la serrure de son logement. Il ouvrit la porte et pénétra dans l'appartement plongé dans la pénombre. Gauthier jeta un coup d'œil sur le palier avant de refermer le battant derrière lui, puis il fit mine d'aller dans la salle de bain, tandis que son ami entrait dans le salon pour rejoindre sa chambre. Gauthier sera les poings, attendant le moment où Cédric découvrirait Jane. Plusieurs minutes s'écoulèrent sans que rien ne se passe, puis la voix de son ami s'éleva :  

  

1/ "Bon, je ne te chasse pas, mais il faut vraiment que je file !" Il n'avait donc rien vu ?

 2/ "Bordel, c'est qui ça ?" hurla Cédric depuis le salon.           



Signaler ce texte