Elément perturbateur - Episode 12

nat28

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Plusieurs minutes s'écoulèrent sans que rien ne se passe, puis la voix de son ami s'éleva :  

"Bordel, c'est qui ça ?" hurla Cédric depuis le salon.

 

Gauthier saisit une bouteille vide posée sur le meuble de l'entrée et la cacha derrière son dos. Elle était en verre et suffisamment lourde pour être utilisée comme une arme. Le jeune homme courut vers le salon en affichant un air surpris, comme s'il réagissait au cri de son ami, qui, hagard, fixait le corps de Jane. Lorsque que Gauthier fut assez proche de Cédric, il brandit la bouteille et le frappa à la tête.

 

Cédric n'eut même pas le temps de se rendre compte de ce qu'il lui arrivait. Une minute plus tôt, il sortait de sa chambre, dans des vêtements propres et frais, il y avait 30 secondes à peine, il découvrait une jeune femme inconsciente, peut-être morte si on se fiait à la position peu naturelle de ses membres, au pied de son canapé, et dans son dernier instant de lucidité, il avait vu son ami se diriger vers lui avec un air interrogatif. Ensuite ? Plus rien. S'était-il évanoui sous le coup de l'émotion ou avait-il été agressé par un homme en qui il avait toute confiance ? Cette dernière hypothèse était absurde, pourtant sa mémoire immédiate s'acharnait à envoyer une image dans son système nerveux, encore et encore : Gauthier, le visage déformé par une grimace de haine, brandissant un objet long et transparent dans sa main droite, et se jetant sur lui pour lui asséner un coup à la tête. Impossible... Pourquoi son ami aurait-il fait cela ?

 

Les pensées de Cédric étaient de plus en plus floues, et toute son attention se portait désormais sur une horrible sensation de douleur au niveau de sa tête. Il avait déjà eu mal à ce niveau là quand il avait perdu connaissance, peut-être parce qu'il s'était cogné en tombant ? Le monde qui l'entourait lui semblait très lointain, les bruits étaient étouffés et les sensations étaient imprécises, mais il avait si mal... Ca, c'était bien réel. Quelqu'un le frappait à la tête, très violemment, et cet agresseur ne pouvait être personne d'autre que Gauthier. L'incompréhension et la panique envahirent le cerveau de Cédric qui, au sol et impuissant, ne pouvait pas se défendre. Pourquoi son ami était-il en train de le... tuer ? Car c'était bien là son intention, aucun doute n'était possible.


Cédric ne put pas pousser sa réflexion bien loin : un craquement sinistre se fit entendre lorsque les assauts répétés de la bouteille en verre finirent par lui briser le crâne. Il se mit à saigner abondamment et la vie abandonna son corps en moins d'une minute. L'homme, qui, il y a moins d'un quart d'heure, s'inquiétait d'arriver en retard à un rendez-vous avec son patron, gisait désormais dans une mare de sang, au pied de son canapé, à côté du cadavre d'une inconnue. Il ne serait plus jamais en retard car il n'était plus, à cause d'un hasard absurde et d'un concours de circonstance cruel.    

 

Et à cause de la folie de celui qu'il croyait être son ami.


Gauthier avait entendu les os se briser et il avait vu le sang jaillir du crane de son ami. Il l'avait encore frappé deux fois, par sécurité, tout en sachant que le sort de Cédric était fixé. Il regrettait déjà de s'être acharné sur son ami : les derniers coups avaient projeté du sang dans toute la pièce, mais aussi sur lui. Son visage, ses mains et ses vêtements devaient être couverts d'éclaboussures rouges vives. Il allait devoir se laver et se changer avant de repartir, et donc perdre un temps précieux. Il risquait aussi de créer des preuves contre lui : il lui faudrait sortir de l'appartement en portant des habits appartenant à Cédric, habits qui pourraient être reconnus par un voisin s'il en croisait un. Et, bien entendu, il devrait transporter ses propres frusques avec lui, dans un sac, pour s'en débarrasser discrètement dans une poubelle, le plus loin possible d'ici. Les laver ne servirait à rien, les taches de sang ne partaient jamais complètement, et sa sécurité était plus précieuse qu'un jean et un sweat.       


Gauthier ferma les yeux, détendit ses muscles au maximum et prit une longue inspiration. Il conserva l'air dans ses poumons pendant plusieurs secondes avant d'expirer lentement. Il devait retrouver ses esprits et agir de façon calme et intelligente. Il allait s'en sortir, il s'en sortait toujours. Le tout était de ne pas commettre d'impair. Rien ne semblait tourner comme il le fallait depuis ce matin, peut-être était-ce une impression, ou peut-être était-ce un mauvais tour joué par l'auteur. Quoi qu'il en soit, le jeune homme savait qu'il avait en lui les capacités pour venir à bout de la situation sans y perdre des plumes. Il lui suffisait d'agir sans précipitation et en analysant tous les éléments de la situation.


La priorité absolue étant de se laver, Gauthier rouvrit les yeux et se dirigea vers la salle de bain. Au passage, il vérifia que la porte d'entrée était bien verrouillée et il s'arrêta un court instant pour écouter les bruits sur le palier. Rien. Le remue-ménage dans l'appartement ne semblait pas avoir alerté les voisins. Le jeune homme poussa la porte de la salle de bain, entra dans la pièce, puis se déshabilla en jetant ses vêtements en boule sur le sol. Il se glissa dans la minuscule cabine de douche en plastique de feu son ami et ouvrit les robinets à fond. Le jet d'eau glacé lui donna un coup de fouet et lui éclaircit les idées en un instant. A mesure que la température de l'eau augmentait, le plan de sauvetage de Gauthier lui apparaissait de plus en plus clairement.


Le jeune homme sortit de la douche et se saisit d'une serviette de toilette qui trainait sur le bord du lavabo. L'odeur du morceau de tissu éponge n'était pas des plus agréables : la serviette avait dû être oubliée par son propriétaire avant son départ et elle sentait le renfermé et la moisissure. Mais Gauthier se souciait peu de son confort olfactif. Tout en se frictionnant, il sortit de la salle de bain et se dirigea vers la chambre pour aller y chercher des vêtements propres. L'armoire était encore ouverte, Cédric n'avait sans doute pas pris la peine de la refermer, pensant qu'il rangerait le contenu de son sac de voyage en rentrant du travail. La vie réservait parfois de bien mauvaises surprises. Gauthier prit un jean sur une pile de pantalons puis il entreprit de trouver un sweat ou un pull d'une couleur similaire à celle qu'il portait en entrant dans l'immeuble. Ce genre de détail pouvait suffire à éveiller les soupçons, et le jeune homme connaissait très bien l'importance des détails. Il retourna dans la salle de bain pour récupérer ses sous-vêtements et pour se rhabiller. Durant tout le temps qu'avait duré son aller-retour, Gauthier avait soigneusement évité de jeter un œil à ses victimes qui gisaient à quelques mètres de lui. Songer à elles générait des pensées parasites dont il n'avait pas besoin. S'il ne les voyait pas, elles n'existaient pas. Du moins pas ici et maintenant.

 

Le jeune homme vérifia l'état de ses chaussures, dont il se débarrasserait plus tard, il récupéra un grand sac plastique opaque dans la cuisine dans lequel il fourra ses vêtements souillés, ainsi que la bouteille en verre qui lui avait servie de massue et qu'il avait essuyée. Il jetterait son arme improvisée dans la première poubelle verte qu'il croiserait. Au milieu des milliers de fragments de verre, il serait impossible de la reconstituer ou d'y trouver des traces de sang ou même une empreinte, dans le cas où le nettoyage succinct aurait été insuffisant. Gauthier retira le trousseau de clés de Cédric de la serrure de la porte d'entrée, en le saisissant avec la manche du sweat qu'il venait d'enfiler, puis il sortit de l'appartement sans se retourner. Il verrouilla la porte et glissa les clés dans la poche arrière du jean de son ami. Ce dernier étant plus petit que lui, l'ourlet du pantalon était un peu trop court, mais Gauthier espérait que cette faute de goût ne serait pas trop voyante. Du trousseau aussi, il lui faudrait se débarrasser. Le jeune homme enrageait de sortir avec tant de pièces à conviction sur lui, mais avait-il un autre choix ?


Personne sur la palier, personne dans les escaliers, personne dans le hall, personne dans la rue. Sortir de l'immeuble avait été un jeu d'enfant. Gauthier prit le chemin du parc dans lequel il était allé avec Jane quelques heures plus tôt, mais après avoir parcouru une centaine de mètres, il réalisa que ce n'était pas une bonne idée. Le fait qu'une personne présente dans le square dans la matinée y soit encore était fort peu probable, mais pas impossible. Les poubelles du centre commercial étant sans doute contrôlées par vidéosurveillance, cette option là n'était pas non plus envisageable. Gauthier hésitait quand à la direction à prendre, tout en sachant que son immobilité risquait de le faire repérer. Il pensa soudainement au container servant à récupérer les déchets dangereux à l'extérieur de la clinique située à un kilomètre de chez lui. Cette énorme poubelle jaune était essentiellement utilisée par les drogués qui venaient y déposer leurs seringues usagées, mais la trappe était assez grande pour y faire passer ses vêtements. Tout ce qui se trouvait dans le container serait brûlé dans quelques jours, ce qui arrangeait bien les affaires de Gauthier.


Ce dernier se mit en marche d'un pas dynamique, et, vingt minutes plus tard, il atteignit sa destination. En chemin, il avait croisé une poubelle de récupération du verre dans laquelle il avait jeté la bouteille, et il pouvait désormais se débarrasser de son jean et de son sweat souillés sans encombre. Et sans témoin. Gauthier était épuisé :

 

1/ il s'assit sur le bord du trottoir pour reprendre des forces

2/ il prit la direction de son appartement pour rentrer au plus vite   

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