Elément perturbateur - Episode 15

nat28

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Les coups reprirent,  plus forts cette fois-ci, c'est pourquoi Gauthier demanda d'une voix pâteuse :

"Qui est là ?"

Un homme lui répondit :  "Bonjour monsieur, c'est la Police."

"Encore ?" fut la première réflexion qui passa par la tête de Gauthier, qui se demanda pendant une seconde si les forces de l'ordre allaient désormais débarquer chez lui tous les matins dès le lever du soleil. Ce genre de plaisanterie n'allait pas l'amuser très longtemps... Et puis pourquoi pensait-il à ça dans un moment pareil ? La situation n'était pas des plus agréables, et il devait réagir, vite. Le jeune homme tourna péniblement la tête vers la fenêtre de sa chambre et jeta un coup d'œil au dehors : fuir par les toits, une nouvelle fois ? Ce n'était pas une bonne idée, les lecteurs appréciaient peu le déjà vu... Et Gauthier n'avait pas envie de rejouer les équilibristes : si la chance (et la nécessité d'éliminer Jane à un moment ou à un autre) avait été avec lui la veille, rien ne lui garantissait qu'il s'en sortirait sans soucis cette fois-ci.

 

"Une minute, j'arrive !" répondit Gauthier, espérant ainsi gagner un peu de temps. La fuite n'étant pas une option, le jeune homme étudia rapidement les autres options qui s'offraient à lui. Tuer le policier qui se trouvait derrière sa porte, comme il l'avait fait avec Cédric, ne semblait pas être très judicieux : soit l'agent était seul, mais sa disparition entraînerait trop de questions, soit il était accompagné de plusieurs collègues, et là, Gauthier ne ferait pas le poids. Toute attaque, de quelque nature qu'elle soit, était donc à exclure. S'éliminer lui-même ? Pourquoi pas, mais le jeune homme doutait que son auteur le laisse se supprimer sans lever le petit doigt. Restait donc la solution de l'innocence : jouer les idiots et voir ce qui se passerait.

 

Gauthier sortit péniblement de son lit, il changea de T-Shirt puis il se recoiffa maladroitement du bout des doigts avant de se diriger vers son salon. Il voulait se donner l'air d'un honnête citoyen surpris au saut du lit, étonné de la présence d'un policier à sa porte. Défoncée. Un détail qui n'avait sans doute pas échappé à l'agent, qui, étrangement, gardait le silence. Etait-il en train de lui tendre un piège ? Ou était-il particulièrement patient ? Gauthier décida d'adopter cette seconde option, tandis qu'il déplaçait le panneau qui obstruait l'entrée de son appartement.

 

Le jeune homme ne savait pas jusqu'où pouvait aller la force de son esprit. Il était indéniablement le personnage principal de l'histoire, ce qui, à son avis, devait lui donner quelques avantages sur les autres protagonistes du récit. Il avait l'impression d'avoir un semblant de libre-arbitre, et, surtout, une chance insolente. Ces "qualités" l'arrangeaient autant qu'elles l'agaçaient : Gauthier ne supportait pas les scènes "ah bah ça tombe bien alors !" dans les livres qu'il lisait ou dans les films qu'il regardait. A chaque fois que le héros s'en sortait grâce à une pirouette, le jeune homme se mettait à bouillir de rage, car il ne supportait pas le côté irréaliste de la chose. Alors quand une situation "ah bah ça tombe bien alors" lui arrivait, il enrageait intérieurement contre son créateur. Gauthier estimait qu'il méritait mieux que ça : il était bien assez intelligent pour se sortir de n'importe quel traquenard, il n'avait pas besoin d'un Deus ex machina au rabais.

 

Le jeune homme comptait plutôt sur son analyse fine, sa réflexion intelligente, mais aussi sur une infime part de pensée magique. "Si je le souhaite assez fort, ça va arriver" se disait-il dans les situations difficiles, et, la plupart du temps, ça fonctionnait.


Dans un dernier effort, le panneau de la porte fut poussé contre le mur et le passage vers le palier fut dégagé. Gauthier se força à sourire quand il se retrouva face au policier. Qui était seul. "Bon signe" songea le jeune homme qui alla même jusqu'à tendre la main vers l'agent pour le saluer. L'homme, un peu surpris, lui serra la main avant de retirer son calot et de se présenter.

"Brigadier Marceau, commissariat du treizième arrondissement."

"Enchanté."

La mine surprise du policier fit comprendre à Gauthier que sa réponse était totalement incongrue.

"Vous êtes bien monsieur Gauthier..."

L'agent débita les informations personnelles du jeune homme qui hochait légèrement de la tête pour confirmer ses dires. Nom, date et lieu de naissance, adresse actuelle, situation personnelle... La litanie dura une bonne minute avant que le policier n'entre dans le vif du sujet.   

"Vous avez eu hier la visite de plusieurs de mes collègues..."

"En effet, répondit Gauthier en désignant de la main le chaos qu'était devenu son salon, une visite plutôt musclée !"

Le jeune homme avait décidé de jouer la carte de la confiance en soi face au brigadier qui semblait un peu gêné d'être là.

"Mes confrères n'ont pas pour habitude de... faire dans la dentelle, comme on dit. Vous devez savoir qu'ils étaient à la poursuite d'une personne qui... Je vous prie de m'excuser, mais je ne peux pas vous en dire trop... La fugitive était... dangereuse, et je crois savoir que vous étiez là quand elle a fait irruption chez vous."

"Et qu'elle a défoncé ma porte..."

" Tout à fait. Toujours est-il que mes collègues ont dû la chercher dans l'appartement, d'où l'état dans lequel se trouve actuellement votre logement..."

"Et c'est en la cherchant qu'ils ont pris le temps de soigneusement empiler mes livres de criminologie ?" songea Gauthier sans se départir de son sourire. Et puis le jeune homme était persuadé que les policiers l'avaient vu s'enfuir par les toits, alors pourquoi inventer cette histoire ?  

"Quoi qu'il en soit, je suis venu constater les dégâts afin d'ouvrir une procédure de dédommagement."

 

Une alarme se déclencha dans le cerveau de Gauthier. La Police ne s'excusait pas. La Police ne faisait pas des visites de courtoisie. La Police ne venait pas constater les dégâts qu'elle avait engendrée. Ce brigadier venait sans nul doute essayer de mettre la main sur un détail qui avait échappé aux autres agents. Dans une minute, il demanderait innocemment à entrer, dans deux, il passerait au crible chaque centimètre carré de l'appartement, dans trois, il trouverait une raison de l'arrêter... Ce n'était pas encore écrit, mais ça n'allait pas tarder.


"Je peux entrer ?"

Bingo. Faute d'avoir une meilleure idée, Gauthier répondit :

"Bien sûr ! Un café ?"

"Pas pendant le service, merci."

Il fallait gagner du temps et trouver quelque chose d'intelligent à faire. Mais quoi ? Le jeune homme opta pour la simplicité.

"Je peux aller m'en faire un ? Je viens de me lever et..."

"Bien entendu. Je vous attends là. Et désolé pour le dérangement..."

C'était passé ! Le brigadier fit quelques pas et se planta au milieu du salon, les mains croisées derrière le dos, bien décidé à attendre que son "client" du jour aille se chercher une tasse d'arabica. Il n'avait pas l'air bien pressé, il était presque souriant, et Gauthier remarqua alors qu'il avait l'air plutôt jeune et inexpérimenté. Etait-ce une ruse ou juste une coïncidence ? Sans prendre le temps de trouver une réponse objective à cette question, il se dirigea vers la cuisine, à la fois contrarié de laisser le policier seul dans la pièce, mais aussi soulagé de s'octroyer quelques minutes pour réfléchir. "Je peux m'en débarrasser, peut-être même sans faire de dégâts" se dit-il tout en cherchant un mug propre sur son minuscule plan de travail, beaucoup trop encombré. Faire la vaisselle n'avait jamais été une priorité. Gauthier poursuivit sa réflexion. "Après tout, ce type n'est peut-être là que pour remplir un chapitre... Si j'avais dû me faire arrêter ce matin, le commissariat aurait envoyé une équipe surarmée, pas un gars tout timide en solo. Il a l'air d'avoir eu sa promotion la semaine dernière, en plus !" pensa Gauthier tout en fouillant dans un tiroir à la recherche d'une capsule non usagée et d'une petite cuillère. Il glissa une dose de Ristretto dans sa machine à café puis il appuya sur le bouton "marche" de l'appareil qui se mit à bourdonner tandis qu'une délicieuse odeur envahissait la pièce. "Je vais rentrer dans son jeu et le laisser parler. Moins je lui donnerai d'informations, mieux ça vaudra" conclut le jeune homme en jetant un sucre dans sa tasse.

 

Tout en remuant son café, Gauthier retourna dans le salon où le policier n'avait pas bougé.

"Désolé, je ne suis bon à rien le matin tant que je n'ai pas eu ma dose de caféine..."

"Je connais ça" répondit le brigadier en souriant. Son air paraissait trop sympathique pour être honnête, ce qui rendit son interlocuteur encore plus suspicieux.

"Alors comme ça, il y a des formulaires à remplir dans ce genre de... cas ?" demanda Gauthier tout en balayant la pièce du regard."

"En quelque sorte."

L'agent de police porta sa main à sa poche et en sortit :

 

1/ son arme

2/ une feuille pliée en quatre   

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