Elément perturbateur - Episode 23

nat28

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Gauthier se leva d'un bond et se précipita dans le salon.  L'ouvrier lui tournait le dos, et il ne semblait pas l'avoir entendu, occupé à donner des coups de marteau dans le montant de la porte pour terminer sa réparation. Gauthier jeta un coup d'œil autour de lui et son regard se porta sur la caisse à outil de l'artisan, grande ouverte près du canapé. Une très grosse clé à molette dépassait de la boite en métal : le jeune homme s'en empara et asséna un violent coup avec l'outil sur la tête de l'homme qui sifflotait en vérifiant le réglage des gonds de la porte. Le malheureux s'écroula avec un bruit mat sur le sol du salon, sans même avoir eu le temps de pousser un cri.

 

Gauthier claqua la porte et il alla chercher dans la salle de bain une serviette de toilette pour éponger le sang qui commençait à s'écouler du crâne de l'infortuné artisan.

"Mauvais endroit, mauvais moment" songea-t-il en s'agenouillant près de sa victime innocente.

"Celui-là, il était pas prévu... Alors, tu vas faire quoi maintenant ?" murmura-t-il, en espérant être entendu de son auteur.

 

Le jeune homme, mû par un automatisme hérité de ses longues années d'expériences criminelles, vérifia le pouls (désormais inexistant) de l'homme qu'il venait de tuer, puis il fouilla ses poches à la recherche de son téléphone portable (heureusement allumé). Il parcouru les derniers messages envoyés pour s'imprégner du style rédactionnel du mort, afin d'envoyer quelques SMS pour brouiller les pistes. Après avoir inventé une situation à problème à l'autre bout de la ville, Gauthier irait abandonner le téléphone près d'un arrêt de bus, non sans l'avoir soigneusement nettoyé. Il récupéra également le portefeuille de l'ouvrier qui finirait lui aussi à la poubelle. Restait la question du corps. Il fallait non seulement trouver un endroit pour le déposer, mais aussi le déplacer sans se faire remarquer.


Gauthier avait pour habitude d'exécuter ses victimes à leur domicile, ce qui facilitait grandement la logistique : nul besoin de déplacer les cadavres ou de faire disparaître des preuves éventuelles. Tant que ses traces à lui disparaissaient, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour la première fois de sa vie, le jeune homme était confronté à un problème inédit : manutentionner un corps d'un mètre quatre-vingt qui devait peser dans les 90 kilogrammes, sans attirer l'attention du voisinage ou des passants.

 

Première difficulté : Gauthier n'était pas véhiculé. Posséder une voiture était une hérésie dans la capitale, et le jeune homme n'avait de toutes façons pas les moyens d'entretenir une voiture. Il pourrait louer un véhicule électrique pour une heure ou deux, mais la transaction par carte bancaire et le GPS de l'auto produiraient des traces impossibles à faire disparaître.

 

Second écueil : il fallait sortir le cadavre de l'appartement et de l'immeuble, sans être vu, ni entendu. Seul, la tâche serait ardue. Mais qui peut-on donc appeler à la rescousse quand on a un homme mort à déplacer ? Le jeune homme devrait se retrousser les manches, et éviter de se blesser pour ne pas être questionné sur un lumbago inexplicable ou une élongation éventuelle.      

 

Avant de penser à la logistique, Gauthier devait de toutes façons trouver un endroit isolé pour se débarrasser de l'ouvrier. Il récupéra un plan de la ville dans son sac de cours et il l'étala sur le sol afin de l'étudier et de dénicher un coin tranquille. Tâche peu évidente dans une cité aussi dense.


" Liar, liar, she's on fire, she's waiting there, around the corner..."

Le jeune homme sursauta en entendant la chanson résonner dans son appartement. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser que la musique provenait du portable du réparateur de la porte. Il fut tenté de répondre pour couper le son strident du portable, mais il se dit que décrocher pour raccrocher aussi sec pourrait paraître étrange, ou entraîner de nouveaux appels. Il jeta tout de même un œil à l'écran du téléphone afin de savoir qui appelait, et il se figea en lisant "commissariat".

 

Pourquoi diable la Police appelait-elle l'homme chargé de réparer sa porte d'entrée ? Si sa mémoire ne lui jouait pas des tours, l'artisan lui avait dit avoir été envoyé par son assurance, pas par les forces de l'ordre... A moins que l'ouvrier ait des démêlés avec la justice... Dans ce cas, sa disparition serait rapidement jugée suspecte, et l'homme serait activement recherché...

 

Voilà pourquoi Gauthier prenait généralement le temps d'étudier la vie de ses futures victimes : une bonne connaissance de la cible permettait d'éviter les mauvaises surprises. Jane Do avait été une exception, et le manque de préparation avait eu des conséquences dramatiques.

 

Le jeune homme était sorti de sa routine, par défi mais aussi pour provoquer son narrateur. Il devait désormais assumer les conséquences de son choix audacieux.


Un vague souvenir passa dans l'esprit de Gauthier : en allant à l'université, il était passé à côté d'un chantier de construction... Un classique, pas très original mais plutôt pratique pour dissimuler un cadavre. Le jeune homme ne se souvenait plus du lieu exact du site : il allait devoir faire un repérage, et il devrait sans doute garder le mort quelques jours chez lui... Il fallait qu'il agisse vite pour éviter qu'une puanteur susceptible d'attirer l'attention de ses voisins n'envahisse tout l'étage.

 

Gauthier saisit l'artisan assassiné par les épaules et il le traîna jusqu'à la salle de bain. Le "destin" ou une facilité scénaristique avait doté son petit appartement d'une baignoire pouvant, difficilement, mais surement, accueillir un corps. Gauthier fit basculer le tronc du cadavre dans le tub avant d'attraper ses jambes et de les y glisser à leur tour. Le jeune homme remplit ensuite la baignoire d'eau froide puis il se rendit dans sa cuisine pour récupérer un grand sac poubelle et pour mettre des bouteilles d'eau au congélateur. Il allait devoir improviser une chambre froide de fortune le temps de trouver des solutions à ses multiples problèmes...


Le carré de plastique sombre scotché sur la baignoire ne pouvait prétendre faire oublier le corps dissimulé en dessous. Personne ne recouvre sa baignoire avec un sac poubelle... Gauthier cherchait juste à ne pas tomber nez à nez avec sa victime à chaque fois qu'il irait aux toilettes ou qu'il se brosserait les dents. Il retourna ensuite dans le salon pour nettoyer les traces de sang sur le sol et pour ranger la caisse à outils de l'ouvrier. Il pris de l'eau de Javel et une serpillière dans le placard sous l'évier de la cuisine puis il épongea la petit flaque qui s'était formée sous la tête de l'artisan. Il jeta le premier carré de tissu à la poubelle avant d'en prendre un second et de rincer le sol. Les vertiges recommençaient, du fait des efforts fournis et des vapeurs de chlore : le jeune homme devait aérer la pièce et manger un morceau avant de sortir pour retrouver le chantier de construction.


Gauthier n'avait aucune envie de se préparer quoi que ce soit : par chance, l'ouvrier avait apporté avec lui un sandwich au jambon et au fromage que le jeune homme dévora, assis près de la fenêtre de sa chambre ouverte. L'air frais lui faisait du bien, et le pain croustillant le rassasiait. Une larme coula lentement le long de sa joue, ce qui plongea Gauthier dans la plus profonde perplexité. Que se passait-il ? Il n'avait jamais éprouvé de peine ou de remord après un meurtre... Etait-il en train de s'apitoyer sur lui-même ? Impossible : il était bien plus fort que cela. Il essuya la goutte d'eau d'un geste rageur avant de croquer une nouvelle fois dans le sandwich.

 

Mâcher lui demandait un effort qui lui paraissait de plus en plus surhumain. Il finit par jeter le reste de son maigre déjeuner à la poubelle, sur les serpillères souillées. La vue des traces de sang lui provoqua un haut le cœur qu'il réfréna en prenant 3 longues respirations. Il ferma le sac en plastique avec un double nœud puis il sortit de son appartement pour descendre sa poubelle. Une fois au sous-sol, il se dit que remettre à plus tard la recherche du site de construction serait une erreur : Gauthier remonta un étage et il quitta l'immeuble pour aller jusqu'à l'université. Le temps était gris et un vent frais lui glaçait les os. Il était sorti de chez lui en T-shirt, sans penser qu'il irait se promener après s'être débarrassé de ses déchets. Son cerveau gauche,  qui fonctionnait à plein régime, lui signala que les éboueurs viendraient vider les containers le soir même, ce qui ferait sans doute disparaître les serpillères compromettantes. Demain à la même heure, elles seraient en train de brûler dans un incinérateur.

 

Alors qu'il était à mi-chemin de l'université, Gauthier tomba nez à nez avec Alice, qui lui sauta au cou avant de l'embrasser tendrement.

"J'étais inquiète, je ne t'ai pas vu en cours ce matin !"

"J'ai eu un empêchement... C'était bien ?"

"Je n'ai absolument rien compris ! Sans mon prof particulier, c'est tout de suite plus compliqué..."

Elle lui sourit avec un air complice tout en l'embrassant une nouvelle fois.

"Ce n'est pas le plus important, de toutes façons !"

"Ah bon ?"

"Tu ne vas jamais le croire, dit la jeune femme,

 

1/ j'ai eu un message de Jane !"

2/ mon appartement est inondé !"    



  • Ahaha j'adore trop la tournure que l'histoire est en train de prendre ^^. Bon par contre j'ai une très forte hésitation pour le vote ^^

    Ce sera finalement l'option 2 ;)

    · Il y a presque 6 ans ·
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    k3m-4nyx

    • Souvent, en votant, tu hésiteras...

      · Il y a presque 6 ans ·
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      nat28

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