Elle.
unpseudo
Je pénètre dans la chambre nimbée d'une clarté opaline. Sur le lit défait dont les draps témoignent d'une agitation nocturne, plus semblable, me semble-t-il, au combat sanglant entre deux gladiateurs féroces écumant de bave, que celle, sereine, d'un chérubin revivant nerveusement de tous les membres de son petit corps pur et vierge de toutes les salissures de la vie, candide, naïf, insouciant encore, les émotions de sa journée. Je parle là de ces petits réflexes musculaires des doigts, des pieds, qui offrent à voir un corps digérant dans son sommeil ses émotions, sa liberté.
Là, le lit, malgré la luminosité aveuglante de la pièce, est sombre, sombre et violent. Il trône au milieu d'une chambre baroque où se côtoient le grotesque et le sublime, anges et monstres. Il est là, ici. Il a été déposé et non placé. Perdu parmi ce fouillis de bibelots rococos rutilants.
A terre, une toile représente une femme égorgée dont la poitrine ploie sous le poids du gigantesque pieds d'un soldat éblouissant de vigueur et de beauté. Un éphèbe à l'allure pubescente, tueur juvénile, fier, au regard sombre et lumineux. Ses cheveux ondulant dans la lumière en clair-obscur semblent être entourés du halo d'un saint. Dans sa main droite il tient l'arme fatale vomissant encore le sang de sa victime ; de l'autre il serre contre son flanc une femme au sourire gâté, à la figure difforme et immonde. La syphilis a rongé, dévasté son visage qui n'est plus que crevasses et boursouflures d'où émane un liquide abject, étonnant de blancheur, seul élément de ce personnage éclairé par le peintre.
La victime, elle, était inexorablement belle.
Là réside le monde, la beauté côtoyant l'immondice, la violence étreignant la tendresse, la pure jeunesse soumises aux tentations du crime.
J'observe encore la pièce, les murs sont recouverts de miroirs de toutes formes, toutes tailles, mais tous entourés de cadres d'or ; le miroir reflétant la grande illusion de la vie. Totus mundus agit histrionem. Je lis ces lettres de feu gravées au-dessus du plus grand des miroirs. Puis mes yeux se tournent vers la jeune fille au regard vide, hagard. Elle est nue, ses membres comme morts, coulent, suintent, gouttent. Je scrute cette masse de peau diaphane, à travers laquelle l'on peut entrevoir le tas d'ordures qui lui donne cette forme si difforme. J'observe la jeune fille se mouvant, levant la main, la portant à son visage, la laissant glisser le long de sa joue jusque sous son menton qu'elle pince violemment, tirant cette peau dont elle semble vouloir s'extraire. Sa poitrine gonfle, se bombe : elle respire mais parait étouffer... Je cours alors la délivrer, lui ôter cette peau, véritable prison pour son âme. J'enjambe la masse de bibelots qui jonchaient le sol : une plume dorée, un couteau diamanté, une poupée de porcelaine énuclée ; mon pied butte sur des pantins aux figures déformées par un rictus de douleur qu'ils ne peuvent pourtant ressentir ni comprendre. Est-ce la leur ou celle d'un autre ? J'atteins la jeune femme et plonge mon regard dans le sien. Je frémis et me fige : je vois mes yeux dans ses yeux, mon reflet dans son miroir.
« L'enfer c'est les autres » a-t-on dit…L'enfer c'est cette autre : c'est moi.
un talent d'écriture certain.
· Il y a plus de 7 ans ·une écriture toute de propriété et d'omnipotence sur sson sujet d'etude.
gagnerait en un subtil décentrage.
formule de fin grand-guignol. on passe
Hi Wen
avis pris en considération ! merci !
· Il y a plus de 7 ans ·unpseudo