Elle brille

escapadenuit

Lorsque l'Univers s'effondra, nous n'étions pas prêts à affronter le vide et à chuter dans l'incertitude. Nous avions fait trop d'erreurs pour espérer apercevoir l'ombre d'un Purgatoire.


Chapitre 1 : Le plus beau jour de nos vies


Toute cette tristesse aura animé nos vies du début jusqu'à la fin. D'aussi loin que je m'en souvienne, il n'y a jamais eu de répit. Bien sûr, il y a eu ces moments de bonheur, fragiles comme intenses, mais profondément dangereux. Car, l'espace d'un instant, le monde semblait oublier son péché originel et sa situation lamentable. L'once de lumière ne guidait pas les égarés mais poignardait la nuit mère, le foyer confortable des ténèbres. C'était mieux ainsi. Mieux de vivre aveugle et d'être un point imperceptible pour l'ennemie. Malheureusement, certaines bêtes développèrent la capacité de lire l'opacité la plus complète, ce qui fit de nous des proies idéales et en sursis. Beaucoup ont fuit, mais personne ne trouva le moyen de réellement quitter les mains des sous-terrains. Même les âmes de ceux qui brûlaient maintenant en Enfer restaient gravées sur les murs d'une prison dont nous nous étions tous finalement accommodés.

J'aurais aimé qu'il y ait moins de morts. J'aurais aimé que d'immenses joies surplombent la lourdeur de l'existence, réparent les cœurs brisés et nous sauvent de la damnation. La loi de Talion était trop ancrée en nous. Nous avions combattu la haine par la haine, les flammes par les flammes et le Néant remporta la bataille. Ensemble nous avions tué ce monde et égorgé ses habitants. Les combattants n'étaient pas différents des déserteurs car ils contemplèrent trop tard la beauté du monde. Aux portes de la mort, ils décidèrent enfin d'admirer leur propre perception et d'accueillir la lumière en amie dans leur cœur. 

Ce fut inutile, l'apocalypse arriva et étrangement elle surprit tout le monde. Ils se retrouvèrent au centre de l'oeil du cataclysme, totalement piégés et contaminés par des années, des siècles d'ignorance. Lorsque l'Univers s'effondra, nous n'étions pas prêts à affronter le vide et à chuter dans l'incertitude. Nous avions fait trop d'erreurs pour espérer apercevoir l'ombre d'un Purgatoire. Alors les adieux furent déchirants. Plus de place pour les vieilles rancoeurs, l'amour dans sa forme la plus pure prit possession de tous. L'euphorie remplaça la peur, la joie tant espérée explosa. Tourbillon, danse, grisant ....Ce fut le plus beau jour de nos vies.




Chapitre 2 : La robe blanche d'Hester



Les respirations s'accélérèrent, de même que les battement de cœurs. Une meute enragée déchainait sa frustration sur le village des Exilés. A défaut de ne pas atteindre directement le véritable ennemi, ils exterminaient les parasites. Cette logique aurait dû être implacable. Pourtant, par la fenêtre, deux grands yeux bleus épiaient le massacre qui avait lieu. Les mains accrochées fermement aux rideaux soyeux d'une chambre luxueuse, Hester désapprouvait se raid improvisé, mais elle n'avait pas son mot à dire sur ces agissements. Personne n'avait son mot à dire, leurs lèvres étaient scellées de force alors que c'était exactement ce pourquoi ils se battaient. La répression était totale et contaminait les deux camps aussi violemment que la peste. Ils étaient censés se battre pour le bien, mais la survie avait pris le pas sur l'honneur et la morale. Le sang se répandait sur toutes les terres, le désespoir pendait au coup de chacun, de plus en plus lourd. 


Hester dans sa longue robe blanche qui épousait son corps mince et élancé jeta un coup d'oeil au bien trop grand miroir de la pièce. Elle pencha légèrement la tête du côté droit, faisant glisser sa frange sur son front pâle marqué de rides prématurées. Il n'y avait rien de beau dans ce visage inquiet, défiguré pas trop de violence. A part peut-être ces yeux épargnés par la quotidienne douleur, des yeux aussi purs que le ciel d'antan, dénué de haine. L'abysse noir de sa pupille semblait se donner en spectacle entouré d'une marée théâtrale, d'une arène prête à tous les sacrifices pour admirer la paix. C'était son heure, le bout de ses doigts frétillaient. Le pouvoir contenu en son être était minimal, voir ridicule. L'autre camp voulait la voir s'agenouiller et lécher le sol sur lequel ils posaient leurs pieds. Son camp à elle se battait contre l'asservissement des faibles comme elle.


Hester descendit les escaliers en marbre du château qui était depuis trois mois sa demeure. La vue était magnifique, le bâtiment, au sommet d'une montagne invisible pour l'oeil ennemi, offrait des paysages si saisissants qu'elle aurait aimé qu'aucun être existe afin de ne pas gâcher la beauté de l'intouché. Elle haïssait tous ceux qui l'entouraient. « Aime ton prochain » avait-elle un jour entendu susurrer sa mère, le concept était aujourd'hui biaisé, elle sentait les cendres d'un final inédit caresser son corps et elle voulait s'en imprégner le plus possible. Arrivée en bas de l'escalier, elle retira sa robe blanche qui s'échoua à ses pieds et pris une grande inspiration. C'était la seule solution, le monde était malade, le mondé était perdu. 


«  Rhabille-toi » 


Hester se tourna vers la tête de son camp avec un sourire cynique.


« Ma robe blanche m'empêchait de profiter de l'air » fit-elle d'une voix si douce qu'elle en était effrayante. Ses yeux d'un bleu fluide ancrés dans les orbes noirs de son supérieur, elle continua « Ma robe blanche était si belle sur moi, je regrette le temps des bals et des coups d'un soir. Je me souviens de ce beau baron qui aimait me prendre sans enlever ma belle robe blanche. Elle est si douce cette robe, si saine sur moi, si suave et essentielle au déroulement de mes pensées. Mais le monde a changé, avec elle je ne vois pas la vérité. Nue, j'épouse une folie jouissive qui me fait valser vers l'unique solution de cette guerre sans fin et insensée. »


La jeune femme piétina sa robe de la pointe des pieds avec une lenteur sensuelle.


« Tal » souffla-t-elle avant de laisser échapper un léger ricanement. « Tes hommes massacrent un village innocent au pied de cette prison. Pourquoi torturer des faibles qui ne veulent pas se battre ? »


« Innocents ? » Tal esquissa un sourire désabusé. « Ma chère, nous n'avons pas la même définition du mot innocent ». 


« Je suis faible aussi, mes pensées sont considérées comme le Néant pour les Grands, les Géants ! Mais l'infini Univers n'est-il pas le propre du nihilisme ? Vos regards hautains ne... »


Hester continua à palabrer, seule, au bas de l'escalier, perdue depuis des années déjà dans l'aliénation de la guerre. Comme si la mort vivait ses plus beaux jours au sein d'un corps malade. Malade, elle ne l'avait pas été toute sa vie. Le sang slalomant dans les villes désertées, laissant cendres fumantes et étouffantes derrière lui. L'air glacé soufflant sur la nuque des réfugiés et paradoxalement, le soleil ardant, meurtrier, asséchant l'Espoir. Elle avait tout vu mais elle n'avait rien vécu. Elle résidait dans l'après. Et l'après était bien pire. Plat. Sans vie, sans rien. Latent. 


Au milieu de cette demeure trop grande elle était dénudée. Et le temps n'était ni figé, ni en mouvement. Existait-il seulement ? L'esprit d'Hester en était dénué. Dans ses yeux se battaient des nuées d'horreur et une douce envie de couler.








Chapitre 3 : Piège. 



L'armée de Tal arriva dans un vacarme retentissant. Des chants de guerre raisonnaient aux pieds de la montagne, des timbales sonnaient à un rythme entrainant, des voix graves s'élevaient dans le sentier qui menait au manoir. Etait-ce la joie ? Certainement pas. Juste un jeu itératif qui offrait la sécurité de l'habitude. Il était encore plus mortel de clôturer un massacre par le silence. Alors il fallait que ça crie, que ça chambre, que le monde frétille afin d'installer cette pauvre sensation et donner l'illusion. L'illusion de vivre sous la tutelle d'un bonheur possible. Jésus ne participait pas aux liesses générales. Ces combats qu'ils menaient ensemble n'étaient que des défouloirs à la fin déjà écrite. La vraie violence orgasmique était plus rare, plus précieuse. Elle emportait la blanche frayeur humaine remplacée par la folle ferveur du mal. La blanche frayeur, pensa Jésus tout en ramassant la robe qu'Hester avait abandonné aux pieds de l'escalier. En se redressant, le tissus tordu dans les mains, il croisa le regard de Tal et fut heureux de ne pas rencontrer le vide. Jésus lui tendit la robe qu'il refusa, puis la jeta à nouveau par terre, dans un coin poussiéreux, entre deux meubles d'époque. 


Jésus inspira. Le manoir puait, à en donner la nausée. Il détestait cet endroit plus que tout au monde. Plus que la guerre, plus que lui même, plus qu'elle. Le bon sens n'existait pas ici, les casseroles s'entrechoquaient la nuit lorsque la sorcière était de sortie. Et l'odeur du tabac, mélangée au sexe gras des soldats humides avait imprégné les tapisseries délavées et les murs bavards. Le silence, il en rêvait, mais ce bourdonnement ne s'arrêtait jamais. Il aurait aimé être fou pour pouvoir le justifier. Je ne dois pas tomber dans le piège, se dit-il, Ne tombe pas dans le piège. La race humaine entière en ces temps de chaos souhaite la démence.


Sombrer est proscrit dans les bas-fonds de l'irraison. Seules les flammes de l'inconnu peuvent vous engloutir. Sauver le monde est un mensonge. Sauver son âme et son corps contre l'irrémédiable est sa mission. Face à l'apocalypse, sa renaissance ouvre les portes d'une belle journée. 




Chapitre 4 : Scène obscène



Une bataille se préparait. Peur. C'était le mot qui résonnait le plus fort et pourtant c'était un tabou irréalisé par la parole. Invisible scintillement dans l'atmosphère empli de sueur, sentiment muet preuve de l'effet de la pensée sur le corps humain et du corps humain sur la pensée. Cercle infini dont l'origine est indéterminée. La peur physique. La peur psychique. La lutte avait déjà commencé et il était aisé de deviner les premiers morts parmi la foule excitée. Leurs orbes étaient figés. 


Tal, inquiet, promenait ses doigts sur le bois abimé de la table du salon principal. Une large écharde vint se loger dans son index, mais la peau de ses mains était si dure et rigide qu'il ne sentit qu'un picotement superficiel. Le salon était immense, imposant et en son centre, un troupeau de soldat serré les uns contre les autres semblait ignorer l'espace abondant qui les entourait. Haletants, trempés, tétanisés, ils s'imaginaient déjà la défaite, prévoyaient le deuil. Une petite mort ; celle qui précède la réalité d'un futur tomber de rideau. Les corps solides se pressaient ensemble, les paumes blessées caressaient les épaules tremblantes. Les respirations lourdes se mélangeaient aux gémissements légers mais perçants. Les poitrines se soulevaient aux rythmes des émois, les lèvres épousaient la sensation chaude de l'air consumé et de l'oxygène consommé. La réalité prochaine, en suspend, s'immisçait dans toutes les consciences. 


Jésus se tenait aux côtés de son ami et supérieur, il observait l'obscène tableau des adieux annoncés, mais il ne parvenait pas à ressentir ce désespoir pénétrant. Il se savait fort et hors de portée de la certitude mortuaire. Son souhait le plus cher était de parvenir à annihiler cette erreur qu'il avait faite. Une toile honteuse s'offrait à ses yeux de spectateur et il en faisait parti. Le plaisir imbibait les murs du manoir et les hormones des mâles et femelles gonflaient le bois des portes massives, c'était irrespirable.Voyeur et personnage il apportait un mouvement en rupture avec la morne beauté sensuelle du dernier battement. Ses yeux scrutaient un cadre qui l'englobait lui aussi. Dédoublé, il existait dans sa propre vision en tant qu'observateur et protagoniste observé. Même à travers ce rôle épique, le monde restait inaccessible et dénué d'une logique compréhensible. Les formes réflectives ambiantes étaient répréhensibles mais profondément jouissives. Jésus et Tal finirent pas se mêler à la masse poisseuse. Ils épousèrent la félicité du moment. Leurs membres puissants tendus sous leur peau mouillée, ils s'envolèrent en direction de la guerre.


Chapitre 5 : La patrie



Les hanches se balancent comme une barque sur la houle. Les cuisses marquées par des griffures rougeâtres accompagnent la tempête. Les jambes sont puissantes et s'arquent à chaque pas. Les talons dorés claquent avec confiance. Territoire possédé, le regard bovin accentué d'un large trait noir traine sur les murs et se perd dans l'espace. Il est aussi intense qu'une flamme bleue égarée et lascive. Le nez est proéminent, caractériel et d'une finesse exquise. Physique royal, beauté hallucinante et meurtrière, le blanc ocre de ses yeux s'efface, presque englouti par la noirceur de l'oeil. Pupille et iris, indissociables. Blanche pureté devient grise débauche. Dans les couloirs de la pyramide à peine éclairés par les torches vacillantes, une jeune femme nommée Jeanne attirait toute la lumière et semait autour d'elle une sourde angoisse. 



Cachés dans une réserve d'essences envoutantes, trois ébènes à la crinière d'un blond éclatant chuchotaient. Ils flottaient dans l'obscurité percée d'un mince halo de lumière dont la source était invisible. Une révolte se préparait doucement à travers les mots. Aucun geste n'était esquissé, seules les lèvres bougeaient sans cesse. Personne ne s'écoutait réellement, pourtant, ils se comprenaient parfaitement. Lorsque le silence étouffa à nouveau les gorges, le plus hardi des triplets se leva, la plante de ses pieds balaya le sol propre et lisse. Il ouvrit la porte et fit signe à ses frères de sortir discrètement. Mains dans la mains, ce trio atypique aux mâchoires angulaires, aux yeux bleus hypnose vivaient leurs derniers instants. 


Jeanne croisa la route de ces traitres angéliques. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire sarcastique ajoutant à la froideur de ses traits une dureté aliénante. Les triplets ne baissèrent pas la tête à l'approche de l'aura divine. Au détour du couloir, Jeanne glissa d'une voix sensuelle et terrifiante :


« Vous devriez être plus prudent. » 




Chapitre 6 : La guerre n'a pas eu lieu



Le temps avait arrêté sa course pour admirer le spectacle comique qui se déroulait entre les deux collines. Chaussures pointues et morceaux de barbes bouclées s'envolaient au rythme d'une légère brise, puis retombaient sur les corps bleutés des soldats décapités. Les têtes roulaient sur le sol et terminaient noyées dans un lac aussi écarlate qu'un nez de clown. Pure euphorie. Un soldat au torse nu et tailladé se dandinait sur un joyeux refrain, ses talons claquaient l'herbe humide, son fessier rebondissait et ses épaules tressautaient avec harmonie. Quelques secondes plus tard, les couteaux aiguisés qu'il essayait d'éviter vinrent se planter dans sa gorge et sa danse prit fin. Position cocasse. 





Et c'est ainsi que le monde commença à s'effondrer ; lorsque les yeux de Jésus fixèrent le plafond de sa chambre, l'esprit brouillé par l'incompréhension. Son front, mouillé par une nuit de sommeil emplie de rêves saturés, donnait suite à un nez fort et légèrement tordu adouci par une paire de lèvres rondes et confortables. Son menton, lui aussi de travers, sur lequel reposait un duvet bouclé à peine développé, le faisait souffrir et une forte douleur le foudroya lorsqu'il essaya d'ouvrir la bouche. Le reste de son corps était indolore, à vrai dire, il ne sentait rien, ni ses bras, ni ses jambes, ni son cœur, il avait cette impression terrible de n'être qu'une tête décapitée posée sur son oreiller. Son corps d'athlète, son corps de guerrier, mort, insignifiant. Était-il aux enfers, dans les limbes de ses propres peurs ? Était-il au moins un martyr, mourir en vain serait une honte pour son âme résidante de l'au de là. 


« Tu n'es pas mort idiot »


Jesus reconnut la voix d'Hester. 


« Il a fallu te recoudre puis te soigner ce n'était pas joli à voir mais tu es en vie et bientôt en pleine santé. La drogue administrée doit sûrement endormir tous tes membres, ne t'inquiètes pas tu marcheras à nouveau tu es celui qui marche sur le sang, tes jambes ne peuvent se figer. »


Je n'ai marché sur aucun champs de bataille, où est la guerre, où sont les guerriers ? Se demanda-t-il.


« La guerre n'a pas eu lieu » murmura Hester répondant ainsi à la question silencieuse du blessé.


Mensonge. La guerre est quotidienne, seul l'affrontement avait disparu de ses souvenirs. La guerre était sa seule raison de vivre, si la paix prédominait son existence deviendrait injustifiée. Il espérait secrètement voir l'Univers exploser sous les mains meurtrière de l'humanité. 


« La guerre n'a pas eu lieu...pour toi », rectifia Tal d'un ton sombre. il venait d'entrer dans la pièce exiguë et tira Hester vers lui puis la poussa vers la sortie sans qu'elle ne rechigne, « n'écoute pas les paroles dénuées de sens de cette sorcière, tu n'as pas encore perdu ton pilier psychologique, tu es encore sain d'esprit et nous les Hommes normaux, nous pleurons nos combats manqués. La mémoire te reviendra, la vérité sera douloureuse mais ne lui en veut pas, un jour tu comprendras que ce que l'on voit n'est que fiction perpétuelle. Pardonne moi car je t'ai tenu à l'écart, tu es un danger de tous les instants et te protéger n'est pas ma priorité. » 


Jesus fut soufflé par le discours de Tal dont il ne saisissait que la moitié, et les relents logiques de son esprit furent bientôt étouffés par un mal de crâne intense, encore une fois les ténèbres couvrirent ses yeux d'une main douce et délicate, ce n'était plus Tal, une mélodie enfantine s'éleva dans les airs, le ramenant des années en arrière, là où tout avait basculé. 


Il se revit sur son vélo pédalant à toute vitesse et guettant la maison voisine dans l'espoir d'apercevoir la jolie petite fille aux yeux de fauve qui y résidait. Il n'avait que 7 ans à l'époque mais déjà son cœur s'accélérait à la vue du coup gracile et élégant de cette beauté inédite et affirmée. Son nez n'était pas celui fin et retroussé des actrices mais sa forme imposante lui donnait des airs d'impératrice. Et lorsqu'elle sortait à l'ombre des pommiers et qu'elle s'emparait d'une pomme pour la croquer à pleine dent, elle brillait de mille feux comme une étoile vivant ses derniers moments. Il se souvint qu'elle était la nièce de Tal et aussi sa filleule. Le parrain venait rendre visite à la petite et à ses parents cinq fois par semaine et restait des heures à papoter. Jesus passait ses après-midi avec eux, il aimait tout particulièrement le paternel, lui qui n'en avait jamais eu. Parfois il l'emmenait pêcher au bord d'une rivière à dix kilomètres de là , Tal les accompagnait souvent et tous les trois partageaient des instants de bonheur impensables aujourd'hui. Jeanne restait la plupart du temps avec sa mère et celle de Tal profitant des discutions intellectuelles des deux jeunes femmes éduquées. Quelque fois elle suivait son père et s'asseyait contre un arbre un livre posé sur les genoux. C'était agréable...


Bien sûr, la guerre éclata et la quiétude du petit village s'évapora dans les nuages toxiques de l'armée ennemie. Un matin un coût d'état eu lieu et le gouvernement fut remplacé par une bande d'extrémistes. Ils assassinèrent les parents de Jeanne qui avaient essayé de créer un semblant de révolution et enlevèrent cette dernière dont le potentiel et le charisme enchanta le camp adverse. Tal décida alors de prendre la suite de son défunt frère et emmena avec lui Jesus et sa mère Hester dans les tréfonds de la misère humaine. Depuis, la mort devint le destin de tous les êtres vivants guettés par une apocalypse libératrice. 


Chapitre 7 : Lumière, Liberté et Pardon


Hester contemplait son fils. Fort, solide, il ignorait tant de choses qu'il en devenait attendrissant La bonté humaine s'était évaporée, son cœur n'acceptait que la violence du chaos. Alors, comment lui avouer qu'il avait été floué ? Que l'origine de sa haine n'était elle aussi qu'une victime courageuse. Jésus ignorait que sa vie n'était que l'oeuvre d'un incroyable sacrifice, que la souffrance et la folie avaient façonné les rosaces de son âme guerrière. 



Jeanne finit par y croire. Ce n'était qu'un rôle, pourtant ses orbes avaient perdu la pureté de l'innocence et s'étaient habillés d'un linceul absurde. Mais son unique raison, son passé, résonnait pour toujours dans un coin de sa tête. Lorsqu'elle vit Jésus au centre d'un effondrement annoncé, presque mort, elle oublia sa mission, le pourquoi de son existence et souleva à bout de bras le jeune homme qu'elle conduisit au manoir. Il fallait qu'elle l'éloigne de la guerre, qu'elle le sauve temporairement de sa propre fin.


...


Lorsque le regard de Jésus croisa celui de son plus grand tourment, l'apocalypse fit un pas de géant vers le monde en sursis. Tous deux comprirent que la lutte avait pris un nouveau tournant, car deux esprits damnés ne pouvaient avancer ensemble vers la victoire. Jeanne n'appartenait à aucun lieu, ils étaient tous plongés dans le noir. La seule solution était de faire une brèche dans les voûtes froides et monumentales de leurs vies. Il était temps que les enfers embrasent les Hommes pour que l'Etoile mère règne à jamais. Plus rien n'avait d'importance, ni les mensonges, ni les vérités. 



L'Univers s'effondra pendant sept jours . Le premier jour, le ciel fut le premier à cesser son activité et déposa sur la mer un poison contagieux qui embrassa, le deuxième jour, la terre. Le troisième jour, les arbres malades et à l'agonie devinrent poussières, le quatrième, jour l'air fut irrespirable, la faune, la flore, la vie perdit son sens premier.

C'était la bénédiction du Dieu Chaos. D'autres auraient appelé cela les affres d'une Guerre totale. Qu'importe l'appellation, le cinquième jour, Jeanne offrit à Jésus le pardon divin. Il se réveilla au centre des ténèbres, les vestiges de la fin du monde, reposant sous forme de talisman, dans les paumes de ses mains. Le sixième jour, Hester enlaça son fils à la fois heureuse et profondément triste, elle l'entraina dans les cieux et se dirigea vers le seul astre de cette sombre toile. Aux pieds de Jeanne, un vieux pinceau gisait sur le sol. Miséricorde avait été accordé, vint ensuite, le répit. 


Le septième jour, à minuit, le monde fut sauvé « Dieu nous a pardonné, en toi à éclot le chaos et à travers toi nous obtiendrons le salut. Laisse moi te guider vers des jours justes, j'illuminerai ton chemin. » 


Ce fut le plus beau jour de nos vies.



FIN










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