Elle, dehors
My Martin
Mésopotamie
Il y a plus de quatre mille ans, des tablettes d'agile
Les tablettes sumériennes d'Ur
La tablette de l'épopée de Gilgamesh. 18 au 17e siècle av. J. -C. Poème en akkadien
Sur le bord de l'Euphrate, un démon ki-sikil lil-la-ke s'installe dans le tronc de l'arbre huluppu (un saule, un peuplier ?)
L'arbre est transplanté à Uruk (Irak Sud), dans le jardin sacré de la déesse Inanna -l'amour et la guerre
Le héros Gilgamesh effraie le démon (Lillake), qui s'enfuit dans le désert, lieu de son séjour habituel
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Basse Mésopotamie
-2 325-à -2 190 avant J. -C. La cité d'Akkad, le long de la rive occidentale de l'Euphrate. Cité, État et dynastie
Les « Lils ». Terme générique
Sous cette dénomination, les Akkadiens regroupent les forces incontrôlables de la nature
Personnages démoniaques, le vent ou la tempête prennent corps
Les démons Lilu (mâle), Lilitu et (w)ardat-lili dominent les vents
Les démons (femelles) Lilitu et (w)ardat-lili cherchent à séduire les hommes
Lilitu n'a pas de mari. Stérile, elle ne peut avoir d'enfant. Elle cherche à entrer dans la maison d'un homme par la fenêtre. Elle s'enfuit à travers les fenêtres ou s'envole, comme un oiseau
-1 595 à -1 080 avant J.-C. À partir de l'époque médio-babylonienne, Lilith (forme hébraïque) est assimilée à la démone Lamashtu
Elle s'attaque aux femmes qui accouchent, ainsi qu'aux nouveau-nés
Pour se protéger de Lilith, invoquer d'autres démons, notamment le roi des lilû, Pazuzu
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Babylonie. Ville de Nippur, à 160 km au sud de Bagdad. Fouilles archéologiques, par l'université de Pennsylvanie (Philadelphie)
6e-7e siècle avant J.-C. Des dizaines de bols à incantation
Ils portent des textes magiques, en araméen (langage sémitique, proche parent de l'hébreu et du phénicien). Ils assurent la protection des maisons contre les démons. Certains textes sont dirigés contre Lilith et les Liliths
La région comptait alors une importante communauté juive, mais aussi mandéenne (Sémites -dialecte oriental de l'araméen)
Ils confirment la crainte qu'inspire Lilith et sa nature démoniaque
Si elle s'attache à un humain, un guet (acte de divorce) peut être nécessaire pour la faire partir
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Dans la Bible hébraïque (l'Ancien testament), « Lilith » est mentionnée une seule fois
Livre d'Isaïe (34.14). Prophétie sur la fin du royaume d'Édom
La Petite Apocalypse. Le jour du Jugement Dernier. Lilith (?) et douze Bêtes sauvages se répandront dans le pays d'Édom, dévasté
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La création de la première femme, la Genèse n'est pas explicite. Deux textes primitivement indépendants
Genèse 1. Texte du temps de l'Exil (587-538 avant J.-C.) Genèse spirituelle, parfaite. L'homme est à l'image de Dieu
Genèse 2. Un texte plus ancien, 10e ou 9e siècle avant J.-C. L'homme est charnel, mortel, périssable et mauvais
Cette divergence a donné corps à la présomption de création d'une première femme. Créée en même temps qu'Adam ("argile" ou "glaise"). Donc égale à lui
Antérieure à Ève, créée à partir d'une côte d'Adam. "Celle-ci est l'os de mes os, la chair de ma chair"
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Moyen Âge
10e siècle. Alphabet de Ben Sira, texte médiéval anonyme. Lilith est avant Ève, la première femme d'Adam
Une vignette. Les trois anges. Au-dessus, la phrase « Adam et Ève. Lilith dehors »
Mésentente avec Adam. Lilith s'enfuit du jardin d'Éden. Elle refuse de revenir, de suivre les trois anges envoyés par Dieu. Les anges menacent de la tuer
Lilith fait le serment de ne pas s'en prendre aux enfants nouveau-nés, dès lors qu'elle voit les anges, ou leurs noms
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Jusqu'au 7e siècle, un culte associé à Lilith survit parmi certains Juifs. Lilith, son pouvoir de nuisance contre les femmes en couches et les enfants, était contrecarré par le port d'une amulette, sur laquelle étaient inscrits les noms des trois anges responsables de la médecine. Senoy, Sansenoy et Semangelof
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Le Zohar, le Livre de la splendeur. L'un des ouvrages majeurs du mouvement cabalistique -la tradition ésotérique du judaïsme
À la fin du 12e siècle, il commence à se répandre dans le judaïsme
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Somptueuse, terrifiante, Lilith reste liée au judaïsme qui, siècle après siècle, lui donne sa forme
Elle incarne la transgression. La rébellion. Le mal
Insoumise, elle refuse la domination masculine -ni vierge, ni mère, ni prostituée
Scandaleuse, séductrice. Insatiable appétit sexuel
Au lieu de donner la vie, elle sème la mort
Existe-t-il une filiation entre le féminin et le démoniaque ?
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Pour les féministes, une icône
Lilith incarne
l'insoumission des femmes
et la libération sexuelle
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Dante Gabriel Rossetti 1828-1882
Peintre, poète, traducteur et écrivain britannique
Lady Lilith (1866-1868)
Huile sur toile
Hauteur 97,8 cm. Largeur 85,1 cm
États-Unis. Delaware. Wilmington
Delaware Art Museum
Assise, Lilith à sa toilette
De sa main droite, elle peigne ses magnifiques cheveux roux
Elle contemple son reflet dans un miroir, qu'elle tient de la main gauche. Yeux clairs, visage froid
Sur ses genoux, une couronne de fleurs
Dans la littérature judaïque, Lilith est décrite comme la première épouse d'Adam
Associée à la séduction des hommes et au meurtre des enfants
Dans la peinture du 19e siècle, la représentation des femmes comme des tentatrices puissantes et maléfiques, est fréquente ; en particulier, chez les préraphaélites
Lilith est une femme emblématique, avec ses cheveux longs et flottants
Dans un vase de verre (coin inférieur droit), un coquelicot. La paix, le sommeil, la régénération, la résurrection
Johann Wolfgang von Goethe 1749-1832. Faust (1808). Elle surpasse toutes les femmes par la magie de sa chevelure. Lorsqu'elle l'enroule autour du cou d'un jeune homme, il sera prisonnier à jamais
La maîtresse de l'artiste, Fanny Cornforth (1835-1909), est le modèle pour cette toile
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John Collier 1850-1934
Peintre et écrivain britannique préraphaélite
Le préraphaélisme. Mouvement artistique né en Angleterre, en 1848. Ce mouvement tient la peinture des maîtres italiens du 15e siècle, prédécesseurs de Raphaël (1483-1520), comme le modèle à imiter
Lilith (1887)
Huile sur toile
Hauteur 194 cm. Largeur 104 cm
Angleterre. Southport, sur la côte de la mer d'Irlande. Atkinson Art Gallery
Femme nue, debout
Tête inclinée, yeux fermés, doux sourire
Longue chevelure rousse
Un serpent autour de ses chevilles, de sa jambe droite, de son corps
Sur son épaule droite repose la tête du reptile
Le menton et la joue de Lilith, contre la tête du serpent
L'émancipation moderne a choisi Lilith comme symbole de l'indépendance de la femme
La contrepartie d'Ève, soumise à la règle patriarcale
Forte, érudite, Lilith résiste aux tentations du diable et défie le règne d'Adam
Selon une autre tradition, elle conduit Dieu à trahir son saint nom. Elle demande des ailes à Dieu et s'envole
Dans l'œuvre de John Collier, Lilith est mise en scène comme une antithèse à Ève, une alliée du côté obscur
Dans le monde moderne des médias, elle assume le rôle du mal