Elles
la-musique-de-l-ame
Elles étaient deux et moi simple collégien, fils d'un professeur de mathématiques-physique dans cet établissement nommé Dumont D'Urville. Âgées d'environ quarante ans toutes les deux - je n'ai jamais eu le compas dans l'œil pour ces choses-là - l'une était proviseure adjointe, l'autre professeure de technologie. Elles étaient sœurs, du nom de D'Hostingue, respectivement Madame et Mademoiselle. Quelques signes les distinguaient : la première était brune aux cheveux très courts et ne portait pas de lunette. La seconde en portait sous ses cheveux plus longs, châtains et bouclés. Pour se vêtir Madame préférait le noir et les couleurs vives telles que le rouge. Mademoiselle semblait avoir un faible, presque une addiction pour les tons bruns, du plus clair au plus foncé. Des différences de couleurs qui s'expliquaient par leur écart hiérarchique, j'imagine, et par une sorte de code vestimentaire attaché au poste occupé. Le reste en revanche les rapprochait pleinement : toutes deux n'apparaissaient qu'en tailleur jupe et talons hauts, veste et chemisier souvent de soie, foulard assorti. A y repenser maintenant je me demande si mon goût prononcé pour les allures strictes ne remonte pas à cet âge. Le tapotis des pointes sur le sol, les coupes droites et cintrées, les postures rectilignes, atouts en avant...