Eloge de la paresse

hana-capnik

Eloge de la paresse ... (tout référence à un titre connu étant totalement non fortuite ! )

        Telemarket, mon amour, je prends enfin la plume aujourd'hui pour te dire à quel point tu as changé mon quotidien. Depuis que tu partages ma vie j'ai retrouvé des samedis sereins et je ne cours plus le caddie à la main.
Adieu bouchons à la sortie n°38 de l'A15, direction "Conso-land centre-ville", adieu parkings bondés de break familiaux et autres monospaces dont le coffre a été spécialement étudié pour y mettre 4 chariots entiers pleins à craqués ... sauf que les chariots on n'a pas le droit de les mettre directement dans la voiture, alors cela n'a aucun intérêt.

Je ne compatirai plus en regardant Mme X épouse Y extraire avec calme et sérénité les denrées familiales de leurs cage métallique pendant que les aînés jouent avec les essuie-glaces de l'auto, que le petit dernier encore assis dans le chariot s'accroche désespéramment à sa boite de Kiri en hurlant "j'voulais la vache qui rit aussi !" et qu'une file de six voitures s'est constituée derrière celle qui s'est immobilisé à 2 mètres, clignotants allumés, en attendant que la place se libère. Si aucune ne s'était encore mis à klaxonner çà n'allait pas tarder ...

Quand enfin les 5 packs de laits et l'énorme sachet de croquettes du chien étaient casés sur la plage arrière on sentait que le calvaire touchait à sa fin et c'est à ce moment là que je commençais à l'envier d'en avoir terminé alors que moi je n'avais même pas encore commencé !

 Il me restait encore à arpenter toute la galerie marchande avec le chariot qui, comme d'habitude avait la roue arrière gauche voilée et m'obligeait à marcher en biais, me donnant une démarche gracieuse et chaloupée.

Seulement quand, enfin, j'atteignais les petits portillons automatiques, j'entrais dans l'arène ... d'ailleurs pour être sûr qu'on ne se trompe pas de direction ils ont peint sur ces petites portes métalliques de grosses (mais jolies) flèches directionnelles bleues sur fond blanc au cas où on se poserait encore des question sur la localisation exacte de l'entrée de notre temple de la  consommation assistée.

Le chariot, imitant toujours la démarche d'un crabe handicapé, m'imposait un calcul de trajectoire savant entre les têtes de gondoles bariolées, chargées à craquer de promotions "2 pour le prix de 3" qui ne m'intéressaient jamais.

Par contre je zonais longtemps au rayon cosmétique car c'était toujours pour moi l'occasion de répondre à quelques questions fondamentales et existentielles sur les crèmes de jour (liposomes-restructurants-biodensifieurs-enlumineurs ou microcapsules-zinc-cuivre-dermochauffantes-anti-brillance ?) ou sur le gels douches (parfum sensuel pour le bain du soir ou tonique énergisant pour la douche du matin ? Allez, les deux, on verra bien. Choix dermatho-cornéliens s'il en est !

Un autre univers qui avait mes faveurs était celui des produits laitiers. Sans cesse augmenté de nouvelles références à tel point que la comparaison des prix au kilo devient presque impossible à qui n'a pas les capacités de calcul mental de Rain Man. Une fois que vous avez passé en revue les dessert lactés avec chocolat, sans chocolat, les desserts tout court, les fromages frais, les yaourts natures, les sucrés, les fruits entiers, les fruits mixés, les crèmes sur lits de fruit, les aromatisés, les caramélisés, les vanillés, les petits-suisses comme avant et le fromage blanc il ne vous reste plus qu'à vous retourner, de l'autre côté il y a exactement les mêmes en 0%, tous bien moins bons à raison d'1,47€ de plus par calorie économisée.

Adieu aussi l'auto psychanalyse accélérée dans le genre "Es-tu sure de ne rien avoir oublié ?" quand le chariot enfin rempli je me dirigeais vers la caisse qui de toute façon avançait moins vite que celles d'à côté puisque c'est celle que j'avais choisie. C'est à ce moment là que je visualisais mentalement le contenu de tous mes placards (incroyable ce que nous permet la persistance rétinienne tout de même), cherchant LE truc qui m'aurait échappé. Sauf qu'invariablement je ne pensais qu'à tout ce qui était déjà dans mon caddie, la révélation n'arrivant qu'une fois garée devant la maison.

Adieu encore l'attente interminable à la caisse derrière mamie Ginette qui a malheureusement décidé d'acheter le dernier pack de gants Mappa rose à pois verts et dont le code barre est bizarrement illisible. Qu'à cela ne tienne, c'est là qu'intervient la grande blonde en roller qui peine à se faufiler entre les files de clients fatigués, elle ne va pas plus vite que si elle avait été à pied mais c'est pas grave, elle se la pète tout de même d'être la seule du magasin montée sur roulements à défaut d'être bien roulée (oulala c'est pas très gentil ça ...tant pis).

Adieu la course à l'ensachage speedé parce que, alors que je n'avais pas encore fini de vider mon chariot, Annabelle L. au sourire ravageur avait déjà commencé sa frénétique Bip symphonie en Ré mineur, balançant avec la douceur qui la caractérise mes 12 oeufs bientôt brouillés au milieu des achats mamie Ginette qui n'avait pas encore commencé à remplir son petit cabas à roulettes. Un peu plus et elle pouvait se faire une omelette à mes frais ! Je rêve !

Une fois sur le parking je repensais à Mme X épouse Y, en essayant de me convaincre que je n'étais pas tout à fait aussi pathétique qu'elle simplement parce que moi j'avais jusque à présent réussi à éviter le sac (version Lafarge) de croquettes Frolic. Tu parles ! Pathétique ou pathétique et demi, même combat, même galère !

Arrivée enfin à la maison après 3h de bons et loyaux services en tant que ménagère à plein temps me voilà chargée de mes sacs inusables de grande capacité qui me lacèrent les phalanges, au pied de mes escaliers, les yeux levés vers le ciel en implorant le seigneur de transformer en un miracle aussi soudain qu'improbable mon 2ème-sans-ascenseur en rez-de-chaussée-meme-pas-surelevé.

Mais aujourd'hui tout cela c'est du passé ! Adieu donc viles corvées ingrates !

Maintenant je fais mes courses confortablement installée dans mon canapé ou même bien au chaud dans mon lit avec mon portable sur les genoux, tous les produits sont triés par prix au kilo et je n'ai qu'à faire un tour dans la cuisine pour vérifier que je n'ai rien oublié avant de valider ma commande. J'ai gagné une demi-journée de vacance par semaine et même le plus convaincant des syndicats n'aurait pas pu faire aussi bien ! Et tout cela, Telemarket, c'est grâce à toi !

Lorsque tu sonnes à ma porte pour m'apporter, tout bien emballé, mes céréales préférées et mes 4 packs de lait je me sens comme transportée par la joie de ne pas m'être ampoulé les mains à les porter.

Telemarket, je ne pourrai plus me passer de toi. Je sais que je t'ai trompé une fois avec Hourra et même avec Ooshop, j'avoue ... mais c'est bien toi que j'aime, les autres n'étaient que des passades sans lendemain, des écarts de conduite que j'ai tout de suite regretté.

N'ais crainte, tu m'apportes tant de bonheur que je continuerai encore longtemps à dépenser quelques euros de livraison pour entretenir notre passion !

PS: demain quand tu viendras me livrer, n'oublie pas tout de même d'essuyer tes pieds avant d'entrer...

Je précise que je ne travaille pas chez Telemarket, lol...

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