En émail vieux rose

zelittle_a

Je prends une photo écornée de ma correspondante anglaiseet puis la boîte à dents de lait en émail vieux rose.Je prends le gros poste à cassettes, rouge et vert made in Taiwanet le plaid à carreaux offert par Frigel.Je prends aussi la pierre carrée de sous les pavotsainsi que la pompe à eau rouillée du potager.Je mets les embruns d'automne des remparts de Saint-Maloet les piqûres d'orties et les sangsues d'étangsdans un flacon d'exposition de Paris Yves Saint Laurent.J'ajoute à cela le sifflement du voisinet un zeste de la corne de mes pieds.Et puis la peur des chiens de la casseet les mobylettes décharnéesJe prends aussi le chuintement de la chouette effraieet la queue d'un lézard vert.Je mets les odeurs des soirs de moissonet les salles de répéte et la messe de Pâquesdans le flacon d'exposition de Paris Yves Saint Laurent.Et puis ensuite j'ébouillante le flaconle secoue jusqu'à l'émulsion de la substance.Légère et pétillante, vieux rose, elle est appétissante.Et j'en bois trois goulées, c'est encore chaud.Et puis je fonds juste quatre secondesavant de refaire surface et de reprendre l'air.Puis je cherche la carte routière des Bouches-du-Rhôneet puis la boule grasse du siphon de ma doucheet aussi les graffitis de la poutre droite de l'abri busPour mettre tout ça dans une enveloppe en mousse.Et l'esprit reprend sa fuite, se recyclant durablementintégrant parfois des liqueurs immondes.C'est pas toujours vrai qu'on retient que le bien.Même si c'est bon de fondre juste quatre secondesavant de refaire surface et de reprendre l'air.Et la raison écrit la suite, remâchant à tout momentce que le passé offre de fondations au grand pariEt l'histoire en tricycle récupère des bribes d'égoutsentre deux absences de quatre secondesqui ramènent à la surface à coups d'instants de répit.
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