En marchant sous la bruine

katondutick

Quand on se promène au bord de l'eau...

La saison fait revivre  les écharpes.Dans la glace, il n'y a qu'un reflet infidéle, sans émotion,  usant la trame de la ritournelle.Pas même bien ficelée la chanson.Dans l'indifférence de tout un chacun, de l'autre côté de la rue, une façade se chamaille avec la  suie. La pluie marmonne des choses plutôt douces à l'oreille des passants.Mais il ne passe personne.Je grignote des biscuits aux amandes, ceux qu'aimait ma grand-mère.Chaque coup de dents entre comme un soc dans la matière des rêves. Encore quelques minutes de gourmandise et je serai aussi nu qu'un ourson sur la banquise .Le long des escaliers la mousse avance sans souci des gardiens. N'est pas Kafka qui veut en ce mois de novembre.Vite recapturer mon souvenir d'hier avant qu'il disparaisse…Dussollier arpente une scène. Un quatuor joue du jazz.Le comédien, pourtant pas un novice, se cramponne  auprès  des flots comme s'il courait dans la mélasse. Faisant fi du saxo et des trilles du xylophone, il s'assied sur sa valise et s'abandonne. Il a quitté le tragique du métro et repris son envol. Peut-être vient-il d'entendre tout un après-midi une sonate pour baryton du maître de Mozart ? Délaissant l'idole des houles, il vient  dire quelques poèmes inventés sur le champ, sautant par-dessus les attentes du public. Les yeux mi-clos, la voix chaude,  le steward du couffin, se sent inspiré par la chevauchée des astres. Qu'il est loin le théâtre  !Un promontoire avec des zébrures couleur d'argent comme sur l'île d'Ithaque. Dussolier enjambe le ciel neutre et se fait fort de construire une avenue couleur d'algue. On pourra y passer la plupart des fêtes du calendrier, la tête fière, le front en sueur, en attendant que vienne la promesse d'un retour en arrière. Le silence dans la salle est lourd comme une porte chez Jupiter  .Il y a eu, dit l'acteur  , naguère, de ces êtres difformes avec des griffes à la place des doigts. Pas de quoi rassurer le passager  des autobus.  Il va  entrer en transe  et farfouiller apeuré dans sa poche où reste un brin de verveine . « Au lieu de plaisanter avec  la seule boulangère qui fait le signe de la croix sur le pain sorti chaud du four, tu ferais mieux de compter les serments que  tu n'as  pas tenus. » C'est à moi que l'on s'adresse. Aucun geste  ne m'accuse ,mais j'ai saisi l'allusion . Glauque, abîmé, lourd de tous ces poids tenus secrets, je me demande si ne va pas surgir un archange affublé de dents de sanglier au milieu du sommeil…

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