Entre ciel et terre

mamky

Je traverse le ciel et je ne cesse d'avoir peur de ce qu'ils me reflètent. Je n'ai qu'une seule envie, fermer mes yeux pour ne plus voir leurs malheurs, leurs vices et leur ignominie. Mais, sans mes yeux, j'ai peur d'oublier à quoi servent mes ailes et de tomber dans leur prison. Ils m'enfermeront alors avec eux, et me changeront pour que je leur ressemble, parce qu'ils ne savent pas qui je suis. Ils ne savent pas et ne veulent pas savoir car eux aussi, ils ont peur. Parfois seulement, j'aime les détester, et je crache sur eux pour qu'ils le sachent, pour qu'ils le comprennent, pour qu'éclatent devant leurs gueules sordides ma fureur et ma rage.

Un jour, alors qu'ils seront trop occupés à se contempler, je descendrai comme un fantôme, je passerai parmi eux et ils ne pourront pas me voir, je fixerai leurs yeux et ils se défileront, puis s'écraseront. Ce jour-là, je reprendrai tout ce qui est beau, tout ce qui est mien, je reprendrai leurs arbres et leurs montagnes, leurs lacs et leurs déserts, leurs musiques et leurs tableaux, et puis je ne reviendrai plus. Sauf peut être s'ils me supplient, s'ils m'implorent avec leurs yeux devenus alors, à force de déverser des torrents de larmes, aussi secs que la plus aride des terres ; peut-être que là mon cœur me trompera et se prendra de pitié pour eux.

Mais je sais que si je leur pardonne, ils me cracheront dessus à leur tour. Se lèvera parmi eux un ignoble sournois, il se dressera au milieu de ces êtres perdus et s'époumonera avec véhémence: « Il n'est pas notre sauveur, il est là pour nous abaisser plus bas que terre, avec les rats et les vermines. Il est habité par le diable, écorchons-lui la peau et nous verrons de nos propres yeux le mal qui coule dans ses veines». Une armée de soldats vociférera alors ces mêmes paroles, ne distinguant plus la voix originelle du sournois et leur écho, ils croiront que ces fleuves de boue proviennent de leurs propres bouches et se délecteront de ces mots infâmes qui résonneront comme une symphonie céleste à leurs oreilles sourdes. J'essaierai d'échapper à leurs griffes mais leur haine sera bien trop dévastatrice, leur force sera bien trop destructive pour que je puisse me sauver. Leurs hurlements de bonheur rempliront cieux et terres, et couvriront les flammes de mon autodafé; et moi, je continuerai à les regarder, le cœur en lambeaux, mais plus que jamais rempli de pitié pour eux.

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