Envois toi au ciel

Niels

      J'avais ces tickets d'avion depuis au moins deux mois. Avec Rachel on s'était dit que Madrid pouvait être cool à visiter pendant les vacances de Pâques. A deux. En amoureux.

Évidemment, c'était sans compter sur l'autre enculé. Il était rentré dans la vie de Rachel en tant que « meilleur ami », puis dans ma vie en tant que « meilleur ami de ma copine », puis dans notre vie de couple, toujours là, chez nous. Puis il lui était carrément rentré dedans. Quelque allers-retours avaient suffit à la séduire. Ces quelques minutes avaient fait oublier à ma dulcinée nos deux années de vies communes, nos rires, nos disputes, nos baises.

Je les avais surpris, dans notre lit. Elle, à genoux. Lui, l'air con. S'activant derrière. Elle n'avait pas contesté ni même essayé de se faire pardonner. Elle m'avait juste jeté comme il fallait et je m'étais retrouvé comme un connard, la veille des vacances, sans copine, ni amis.

Il faut savoir que Rachel était très possessive. Durant notre relation elle avait réussi à faire fuir tous mes amis. Au final, ça ne m'avait pas vraiment dérangé, je l'aimais, elle m'aimait, et ce n'était pas vraiment mes potes. Je m'apprêtais à vivre ma vie avec elle, fonder une petite famille et monter de grade tous les dix ans dans ma boîte de comm'. Encore une fois, c'était sans compter sur l'autre enculé.

Donc me voilà, veille du départ vers l'Espagne, mon ex, culottée au possible, m'appelle et me demande si je ne veux pas lui donner mon billet d'avion pour qu'elle parte avec son ancien meilleur ami, son nouveau moi. Gentil de nature mais pas con à l'extrême, je lui réponds d'aller se faire enculer, vu qu'elle avait l'air d'aimer ça, et pris la décision de partir seul visiter la capitale de la paella et du chorizo.

Oui je sais, les stéréotypes c'est mon truc: le pauvre mec largué la veille des vacances et qui associe l'Espagne au chorizo (prononcez ici Korizo pour compléter l'affaire), c'est moi.

Une valise vite fait, un taxi, une heure d'attente, un vol de même pas deux heures et me voilà en péninsule ibérique. Sans états d'âme ( mais accompagné en permanence par la tristesse et le dégoût) je me rendis à l'hôtel que nous avions réservé ensemble après de longues heures de discussions. Tout était déjà payé, et par chance, à mon nom. Plein centre ville, chambre de luxe, vue magnifique, temps radieux, lit double pour célibataire: la vie craignait.

Après un rapide passage à l'office du tourisme (« la oficina de turismo, olé! ») et par flemme de marcher, je pris la décision de commencer par l'attraction la plus cul-cul de la ville: le téléphérique. Zéro minutes de queue plus tard et huit euros dépensés pour vingt-deux minutes aller-retour, je pris place dans ma petite cabine bleue. Juste avant le grand départ, ils installèrent une autre personne avec moi. Une jeune créature aux cheveux d'ébène me fixait des ses grands yeux noirs.

Elle était magnifique.

Une beauté exotique pour un nordiste comme moi. Durant quelques secondes, nous nous scrutâmes. Une légère robe blanche laissait entrevoir ses courbes et la chaleur lui avait laissé un léger voile humide sur sa peau matte, tandis qu'un chapeau à la Audrey Hepburn cachait la moitié de son joli minois.

Elle était sexuelle. Mais elle n'était pas Rachel.

Je lui fis un léger signe de tête en guise de salut et détournai mon regard, me replongeant à cœur brisé dans ma dépression.

Pendant que la ville défilait sous mes yeux, mes pensées s'égaraient. J'étais perdu. Mon futur tout tracé avec Rachel était foutu et je ne savais plus quoi faire de ma vie. J'étais venu ici sur un coup de tête et le regrettais déjà. Peut-être aurais-je dû essayer de récupérer Rach… Un étrange parfum s'insinua dans mes pensées.

C'était cette fille. Elle avait une intrigante odeur. Loin des fragrances à la mode, elle semblait ne porter aucun parfum artificiel. Elle sentait l'humain, elle sentait la vie. Un mélange de bonne transpiration et d'hormones. Celle que le corps sécrète après l'amour, celle d'un corps sain. Des phéromones à l'état pur. Je l'observai discrètement.

Elle était, elle aussi, plongée dans une sorte de mélancolie, regardant la fenêtre comme une télévision, sans âme ni esprit. Je me perdis quelques instants sur son corps, mélangeant ses vallées inconnues avec la Sierra Madrilène et pour la première fois depuis des semaines, une fille autre que mon ex-promise m'excita. Ses courbes étaient parfaites. Assise, ses fesses rebondies dépassaient de chaque côté de sa fine taille. Son ventre plat remontait vers une petite, mais ferme poitrine, dont les tétons commençaient à poindre le bout de leur nez, sous sa robe en toile, seul habit qu'elle avait l'air de porter. Je continuais mon exploration, et après avoir longé son cou gracile, je tombai nez à nez avec elle, qui me scrutai aussi. Les yeux dans les yeux, je ne sus plus quoi faire durant un instant. Elle, elle gardait son mystérieux sourire et commença à baisser les yeux sur moi. Elle les descendit sur mon ventre bedonnant pour ensuite apercevoir la petite colline qui se formait sous mon short.

Gêné qu'elle m'ait surpris en train de la matter et surtout qu'elle voyait l'effet qu'elle me faisait, je lui tournai le dos, feignant l'intérêt pour une rivière que notre cabine survolait.

Nous arrivions au-dessus de la casa de campo, sorte d'énorme forêt accoudée à la capitale, que mon réceptionniste aux airs de Woody Allen avait décrit comme le poumon de Madrid. Des oiseaux volaient, des cyclistes roulaient et moi, je priais pour que mon sang aille voir ailleurs.

Déjà nous arrivions. J'avais prévu de m'arrêter en haut, et de déguster un bière sur la terrasse panoramique. Malheureusement, mon bâton de chaise m'empêchait de me lever et quand l'employé ouvrit la cabine, je lui fis comprendre dans un espagnol douteux que je redescendais tout de suite. Il me regarda d'un air complice, croyant sans doute que j'étais avec la créature pour un vol sexuel.

Elle ne fit pas mine de descendre et notre petite bulle en plastique fit demi-tour et s'engagea sur le câble de descente.

Mon Dieu, pourquoi n'était-elle pas sortie?

J'étais comme un adolescent, incapable de se contrôler, redoutant qu'on me surprenne avec une gaule inappropriée. Je pris mon portable et commençais à jouer à un de ces nombreux jeux débiles qui inondaient nos vies.

Je n'osais pas la regarder, ni même regarder ailleurs que mon écran, quand la cabine tangua.

Je levais les yeux pour voir le siège d'en face vide. Perdu, je voulu regarder vers la droite, mais on effleura ma cuisse.
Elle était là, à genoux au milieu de cet espace incongru. Le dos bien droit, les seins saillant, son chapeau à ses pieds, elle me regardait d'un air malicieux.
« - Tienes ocho minutos. Glissa-t-elle. »

J'étais tétanisé. Je ne comprenais pas ce qu'elle me voulait et ne savais ni quoi dire ni quoi faire. Je la vis poser ses deux mains sur mes cuisses, m'incitant à les écarter, les pressa plus fortement et s'avança vers moi. Ses mains remontaient mes jambes, suivant ses doigts habiles, m'escaladaient comme mille fourmis. Moi, j'étais le plus gros plouc de la terre, incapable de réagir. Elle me regarda d'un air attendri, mais désolé, et défit ma braguette pour y plonger sa main.
Le contact fut chaud et ferme. Elle attrapa ma queue, mordilla sa langue et dans un dernier coup d'œil empli de luxure, baissa la tête et me prit en bouche.
Doucement sa bouche descendait, suivant soigneusement chaque irrégularité de mon membre, ses lèvres parfaitement collées à ma peau, elle m'aspirait. Elle me prit jusqu'au bout, je baignais dans sa gorge et couvert de sa salive, j'admirais ses cheveux qui tombaient en cascade sur mes jambes.
Elle s'agrippa à mes poches, et se rapprochant encore plus, accéléra.

Je me sentais de trop, les mains posées sur le sièges, j'attendais une révélation.

C'est alors qu'elle leva les yeux. Sa bouche pleine ne masquait pas son sourire et c'est tout doucement qu'elle sortit mon engin de sa bouche, le longea de sa langue pointue pour aller lécher et mordiller la peau de mes testicules. Continuant de les malaxer de sa main, elle me reprit en bouche, m'avalant goulûment.
Je sentais l'orgasme arrivé, et enfin, pu réagir. Je glissai ma main dans sa crinière, pour la faire accélérer. Elle s'arrêta net.

« - Tienes cinco minutos. »

Encore une fois, c'était l'incompréhension.

Elle se leva, se colla de face à la fenêtre, faisant dangereusement pencher la cabine d'un côté, et d'une main releva sa robe sur ses fesses rondes. Sans culotte, sa peau foncée légèrement brillante par la sueur m'appelait. Elle avait le plus beau cul qu'il me fut donner de voir.

Elle tourna la tête et me lança :

« - Ven aqui. »

Sans parler l'espagnol, je compris le message, et comme dirigé par une force extérieur, me rapprochai d'elle. Je n'hésitai pas cette fois mais pris une seconde pour la contempler. Elle se donnait à moi, sans retenue, ouverte et chaude, prête à m'accueillir. Je la pénétrai.

C'était humide, c'était doux, c'était agréable. Seul ses gémissements et le bruit de nos peaux qui s'entrechoquaient emplissaient la bulle tandis qu'elle se balançait sous mes assauts. Je tentai de me concentrer, agissant comme dans un rêve.

J'étais sorti de mon corps et m'observais baiser cette inconnue dans cette frêle esquif.

D'un coup, je scrutais l'horizon et vis l'arrivée s'approcher dangereusement.

Je n'arrivais pas à me terminer. Sa joue à elle collée contre la vitre, elle balança ses bras en arrière, agrippa ma nuque et me rapprocha de son cou à elle. Je la sentais, la goûtait, la dévorais. Son goût joignait son odeur, une animalité presque humaine, un appel au plaisir.

Son rythme s'accorda au mien. Je sentais ses fesses sur mon bassin et entendais de sa bouche entr'ouverte son souffle court et de plus en plus rapide. Se cambrant brusquement, elle me fit jouir en elle. Une pression infinie se lâcha enfin et serré en elle par son orgasme, je sentis ses contractions tandis que son dernier râle laissait place au silence et que mon fluide se déversait en elle. Exténué, je tombai sur le siège.

Elle s'assit en face de moi, toute souriante. De ses yeux en amande, elle me fit comprendre que je devais me rhabiller car nous arrivions.

J'essayai tant bien que mal de ranger mon sexe encore dur dans mon slip trempé, le front dégoulinant de sueur, le souffle court. Je n'avais rien compris de ce qui venait de se passer, me rendant seulement compte de mon état de fatigue. Je sortais du marathon le plus court qu'il soit.
La cabine s'arrêta enfin et la porte s'ouvrit. Les jambes serrées et contorsionnées pour cacher mon entrejambe, je fis signe à la demoiselle qu'elle pouvait sortir avant moi.

« - Gracias rubio. »

J'admirais ses fesses alors qu'elle s'éloignait et je dus quitter la cabine sous le regard moqueur du groom.

Ma bite calmée, je me dirigeai vers le centre ville pour enfin déguster una cerveza. Je trouvai un bar à tapas et bu la plus petite bière qu'il me fut donné de voir dans ma vie, una caña. C'était ridicule. Tout était petit dans ce pays. Les tapas, les bières, les téléphériques.

Après dix de ces bébés bières, je trouvai le pays plus accueillant, mais fatigué de ma solitude, je rentrai à l'hôtel, accompagné d'une bouteille de sangria achetée dans une épicerie.

Je bus seul dans mon lit, pensant à Rachel et à cet enculé qui avait détruit et volé ma vie. Je pensai aussi à cette inconnue à la peau sombre. Je pensai à ma vie et me rendit compte que m'envoyer en l'air avec cette fille sans nom dans une cabine de téléphérique était sûrement la chose la plus belle que j'avais faite. Et je ne l'avais même pas embrassée.

Triste, je pleurai des larmes de sangria et m'endormis dans mon chagrin.


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