Epicurieux

Sébastien Stasser

Une mouche gourmande rencontre une araignée végétarienne.


Prologue


Saveur irrésistible et douce,

Une récompense bien méritée,

Comme un cadeau tant attendu,

Rien que pour nos papilles,

Et on fonce tête baissée !


Lorsque l'on est une mouche, on est forcément attiré par le sucre. Alors lorsqu'une fenêtre d'une maison perdue au milieu des bois est ouverte et que sur l'appui de fenêtre traîne une tarte aux myrtilles, forcément on va y jeter un coup d'œil... question de principe !

Il ne s'agit ni d'instinct, ni de besoin, mais plutôt d'une obligation. Un genre de commandement...


D'un beau jaune vif et rayé de bande noire, Episyrphe sortait du petit buisson où il s'était dissimulé. Une fois par semaine, il guettait l'ouverture de la fenêtre... Ses grands yeux globuleux d'un rouge brun pâle attendaient le signal. D'abord son odorat se mettait en mode recherche, des effluves sucrés sortaient de la petite buse d'aération de la maison remontant jusqu'à sa position de guet. Ensuite, il fallait attendre encore une petite heure avant que la porte du bonheur ne s'ouvre...

Aujourd'hui, il y avait de la tarte. La semaine dernière, il avait eu droit à un bon gâteau au chocolat. Mais, le petit syrphe préférait la tarte et encore plus celle aux myrtilles. Un peu plus loin de son poste d'observation hebdomadaire, il y avait un petit bosquet et en son centre, un buisson rempli de ces délicieux fruits rouges. Souvent, il s'y perdait plusieurs heures dans la journée à se remplir l'estomac. Mais, lorsqu'elles étaient transformées par les géants qui habitaient la maison, qu'elles étaient cuites et reposaient sur un nid de vanille, elles étaient encore bien meilleures.


La fenêtre venait enfin de s'ouvrir et le fumet de la douceur sucrée explosa dans son nez, il pouvait presque voir les notes sucrées traversant l'habitation et remontant jusqu'à lui, dansant au grès de la fine brise qui balayait les arbres-alentours. C'était le moment, il fallait s'envoler et se poser discrètement sur la préparation humaine. Et puis, c'était l'extase... il suffisait de butiner les fruits encore légèrement chauds et parfois lécher un peu de ce pudding à la vanille. La pâte, ne l'intéressait vraiment pas, c'était dur et souvent encore trop chaud, puis sa goûtait souvent le brûlé...

Episyrphe se posa sur la pâtisserie et commença à savourer ce met qu'il appréciait tant. Il restait prudent malgré tout, une main de bipède pouvait le chasser de sa position ou encore tenter de l'écraser. Enfin, pas dans la tarte ! Alors il restait sur le rebord du clafoutis continuant de s'en mettre plein les mandibules. Après quelques minutes et le ventre bien rempli, il décida de quitter les lieux par où il était entré. Il fit battre ses ailes et s'élança !

Il ne parvenait pas à prendre de l'altitude, il avait encore beaucoup trop mangé. Alors, il zigzaguait au ras du sol tant bien que mal. Il finit par se poser sur une rose qui se trouvait au fond du jardin pour reprendre son souffle. Décidément, il n'arrivait jamais à se raisonner quand il s'agissait de myrtilles... Il resta là quelque temps encore pour digérer, il aurait beaucoup plus facile à retourner chez lui par la suite. Oui, une pose digestion, une petite sieste et il rentrerait.


Le soleil se couchait derrière les grands arbres laissant peu à peu la lumière du mois d'avril s'estomper lorsque Episyrphe sortit de son sommeil. Ses ailes étaient engourdies et la chaleur de l'après-midi retombait. Il regarda tout autour de lui, le soleil avait disparu... Il était en retard, s'il ne se dépêchait pas de rentrer, ses amis s'inquiéteraient pour lui. Il se sentait beaucoup moins lourds que plus tôt dans la journée et il décolla avec aisance et encore moins au ras des pâquerettes. Direction sa petite maison située non loin de là, dans le creux d'un arbre centenaire lui avait-on dit ! Ses amis devaient l'attendre...


Chapitre 1


Bombus venait de rentrer des champs. Le soleil déclinait depuis un moment déjà et il avait senti l'air se rafraîchir. Il était temps de retrouver son petit creux d'arbre. Il avait décidé de quitter sa colonie quelques semaines après la fin de l'hiver. Collecter le nectar pour ses frères ne l'intéressait pas du tout. Il préférait butiner à son propre compte et s'en mettre plein la bouche. Il était couvert de pollen et son estomac était une fois encore bien trop rempli, à la limite de l'indigestion... Il volait comme il pouvait, se posant tantôt sur une fleur qui s'affaissait sous son poids, tantôt sur une brindille d'arbuste pour reprendre son souffle. Il rotait, il pétait, il bâillait. Le pauvre bourdon obèse finit quand même par arriver aux portes de sa nouvelle demeure.

La porte était fermée... il frappa à l'aide d'une de ses six pattes. Pas de réponse...

Clono tournait en rond depuis une demi-heure maintenant. Il attendait que ses amis rentrent. Et, ils étaient en retard. Il ne comprenait pas, l'heure, c'est l'heure. En rentrant à la tombée de la nuit, ses compagnons de chambrée risquaient de se perdre ou pire encore, rencontrer des prédateurs. Il avait fermé la porte par sécurité. On ne savait jamais ce qui pouvait entrer une fois passer une certaine heure. Si cela continuait ainsi, il finirait seul et abandonné. Un de ces jours Episyrphe ou Bombus ne rentreraient pas, dévorés par un oiseau ou vidés de leur sang par une araignée...

On frappa à la porte. Le phasme fit le moins de bruit possible et zieutât au judas de la porte d'entrée. C'était Bombus qui rentrait. Enfin ! Il ne finirait pas seul comme il le pensait. Il attendit encore quelques instants avant de daigner ouvrir à son ami. Ça lui apprendrait l'heure au moins !

̶ Allez Clono ouvre cette porte, je sais que tu es derrière, je vois ton œil à travers le judas...

Bombus s'impatientait, il commençait à faire froid là dehors, il savait aussi que son ami le laissait attendre volontairement, juste parce qu'il était en retard...

̶ Tu as le code ?

Le bourdon ne comprenait pas, c'était bien lui, Clono le voyait bien maintenant, il n'était pas aveugle tout de même ? Et ce code, à quoi servait-il au final. Ils n'étaient que trois à vivre ici...

̶ Si tu manges trop, tu seras gros !

La porte s'ouvrit enfin et Bombus put entrer pour se réchauffer. Clono était satisfait, son code marchait bien, facile à retenir et en plus ça rimait,

̶ Entre ! Tu es en retard ! Et Episyrphe, des nouvelles ?

Le bourdon se posa dans le petit fauteuil qui se trouvait à l'entrée, il avait froid, dehors on avoisinait les 5 degrés et son corps avait commencé à s'engourdir,

̶ Non, je n'ai pas de nouvelle. En plus aujourd'hui c'est le jour des tartes. Alors à mon avis, il a encore dû se goinfrer. Ne te tracasse pas, il rentrera bientôt !

Le phasme n'écoutait plus, il se trouvait contre un mur, les pattes allongées vers le haut. Clono regardait son interlocuteur, retenant sa respiration,

̶ Alors, t'en penses quoi ?

En penser quoi de quoi ? Depuis qu'il était rentré, la brindille n'avait pas bougé, Clono restait planté là, dans une position statique. Alors non, il ne savait pas quoi penser,

̶ Tu fais quoi au juste ?

Clono reprit son souffle et s'assit sur une des chaises de la table du salon. L'insecte était consterné, voir vexé. Il était un phasme et tentait tous les jours d'imiter une branche d'arbre. Et jamais personne ne remarquait la difficulté du mimétisme dont il était l'esclave... En plus, on le voyait à chaque fois...

̶ Non rien, j'imitais juste une branche et je voulais savoir si tu me voyais !

La réponse de l'hyménoptère fut rapide, presque instinctive, une branche dans le salon, bien sûr...

̶ Je vais être franc avec toi, je t'ai reconnu tout de suite ! En plus ici, il n'y a pas trop de brindille dans ton genre alors, bonjour la discrétion...

Les deux insectes se regardèrent un moment, se demanadant ce qu'il advenait de leur mouche favorite...


Chapitre 2


Toujours à la tâche,

Inlassablement,

Sous les arbres,

Suivant un schéma complexe,

Elle brode...


Tisse, tisse, tisse... Bagheera tissait sa toile depuis ce matin. Elle n'en avait aucune utilité. Tout comme sa famille, elle se nourrissait de sève d'acacias. Une particularité bien regrettable lui avait dit son père. Ils étaient arrivés ici une paire de mois plus tôt et par avion s'il vous plaît ! La famille d'arachnide provenait du Guatemala. Son père avait le goût du voyage et les avait emmenés faire le tour du monde. Alors, ils s'étaient arrêtés ici, en Belgique, dans le sud plus précisément pour ce qui devait être un séjour de quelques semaines. Un des scientifiques présents en Amérique centrale provenait de ce petit pays du centre de l'Europe. L'homme était rentré chez lui pour prendre des nouvelles de sa femme et toute la petite famille d'arachnides en avait profité pour voyager jusqu'ici.

L'entomologiste qui les avait ramenés dans ses valises à son insu habitait une petite maison au milieu d'une forêt. Bagheera avait vu les photos de l'humain et de sa famille dans la tente où il dormait chaque soir. Elle en avait parlé à son père et celui-ci était venu inspecter le tipi du chercheur en faisant bien attention de ne pas se faire piétiner par l'une de ses grandes pattes. Et, il avait tout de suite remarqué sur les photos du géant que la maison perdue au milieu des bois où il vivait possédait un grand acacia, planté dans ce qu'il appelait un Jardin. Alors, oui, sa famille et lui partiraient pour la Belgique. Sa femme avait préparé des vivres pour le long trajet qui les attendaient, non moins de 24 heures, le tout à l'étroit dans une valise... Mais, les voyages faisaient partie de leur vie maintenant et après la Californie, ce serait la Belgique !

Bagheera repensait au voyage et surtout à l'excès de vivre que sa tendre mère avait emporté pour le trajet. Aucun d'eux n'avait pensé qu'ils passeraient tout le voyage dans les soutes de l'avion. Si bien que durant tout le vol, ils s'étaient retrouvés gelés, la nourriture à porté de mandibules, mais dans l'incapacité de la consommer. Ils étaient figés, cryogénisés. C'est en arrivant à l'aéroport de Findel situé au Luxembourg qu'ils parvinrent enfin à se mouvoir. Quelle aventure quand même ! Elle avait adoré les sensations lors du décollage, cette impression de quitter le sol, et le besoin de boucher son nez et de souffler très fort dedans pour éviter de se faire exploser un tympan. Et, l'atterrissage, ce moment où l'avion pose à nouveau ses roues sur la terre ferme. Enfin cette drôle de coutume humaine consistant à applaudir lorsque l'avion touchait à nouveau la terre ferme... Elle ne comprenait pas, mais son père lui avait dit que c'était comme une tradition. Un peu comme la leur qui consistait à tisser des toiles pour ne rien attraper. Elle ne consommait pas de viande, alors à quoi bon tisser... Tradition lui avait dit son père,

̶ Toutes les araignées tissent des toiles et même si nous n'en avons pas besoin, nous faisons comme les autres, comme ça notre défaut passe inaperçu !

Elle ne comprenait pas toujours son père, pourquoi se fondre dans la masse. Être végétarien, c'était du genre tendance à notre époque, elle lui avait alors répondu:

̶ Tu penses vraiment que c'est un handicap de manger de la sève papa ?

Thyccus avait compris le sens de la question de sa fille, il ne s'agissait pas d'un handicap, certainement pas. Mais, disons qu'ils appartenaient à la seule espèce vivante d'araignée qui ne se nourrissait pas d'insectes. Et par rapport à leur congénère, ils se devaient de faire comme s'ils étaient du même régime alimentaire et éviter d'attirer l'attention. Il y avait pas mal de chance que si ce genre de détail parvenait aux oreilles de leurs cousines, cela provoquerait pas mal de remous, même un rejet total de leur mode de vie. Leur espèce pourrait en être dégradée et peut-être même ne plus être considérée comme faisant partie des araignées.

̶ Ce n'est pas un handicap ma chérie, disons une particularité et personne d'autre que nous n'a besoin de le savoir. Tu comprendras plus tard...

Plus tard, toujours plus tard. Son père ne savait dire que ça. Quand les parents n'arrivaient pas à expliquer quelque chose, ils terminaient toujours la conversation par cette phrase...

Sa toile avait bien grandi, elle était fière de son travail. On aurait dit une œuvre d'art. Le soleil jouait à cache-cache avec les branches, le soir arrivait et bientôt la nuit. Bagheera allait rejoindre ses parents lorsqu'elle sentit une vibration courir le long de ses 8 pattes. Une mouche où plutôt une guêpe venait de se prendre dans sa fine dentelle. Elle ne distinguait pas très bien, il faisait sombre à cette heure...


Chapitre 3


Episyrphe remontait vers sa maison aussi vite que possible. Il savait que son ami Clono était inquiet à son sujet, le phasme aimant la ponctualité ! Et surtout, il avait toujours peur qu'un drame ne se produise. La nuit tombait et bientôt, il ferait noir... Vite, il fallait rentrer !

Il regarda derrière lui, la maison de sucre se trouvait maintenant à bonne distance. Bientôt , il passerait devant l'acacia situé au fond du jardin, ensuite une centaine de mètres à travers les arbres et il retrouverait son trou de mini pouces.

Soudain, il sentit comme un lourd déplacement d'air au-dessus de sa tête. Sa vision panoramique aperçut une ombre fondre sur lui... Un oiseau !

Episyrphe plongea alors vers le sol en zigzaguant, évitant ainsi l'attaque du piaf insectivore. Il rasa l'herbe fraîchement coupée, le prédateur le manqua de peu. Le jeune syrphe pivota sur lui-même en prenant un virage serré et esquiva une nouvelle attaque du moineau... Il n'arriverait jamais dans la forêt, il devait se cacher au plus vite. L'acacia se rapprochait de lui, il serait son échappatoire. Une fois caché dans ses feuilles hautes, il serait à l'abri des attaques du vertébré ailé. Il rassembla ses dernières forces, son cœur battait si vite, il allait bientôt exploser s'il ne se reprenait pas. La mouche chassa la peur de son esprit et fonça vers l'arbuste. Le petit moineau continuait de talonner l'insecte, mais lorsque celui-ci disparut dans les branches et les feuilles de la plante importée d'Australie. Le passereau abandonna les recherches , il s'en retourna chez lui, sans friandises !

L'amateur de sucre était passé juste sous le feuillage du petit arbre et était remonté se cacher sous un amas de feuilles. L'insectivore chercha encore quelques instants, volant autour de l'épais feuillage et finit par reprendre sa course, il ne mangerait pas de mouches avant de rentrer dormir dans son nid.

Episyrphe haletait, il avait du mal à reprendre son souffle, il venait de l'échapper belle. Un peu plus et il finissait dans le bec d'un oiseau. Il se reposa quelques instants et profita du répit pour nettoyer ses ailes. Il faisait froid maintenant et la nuit était tombée sur le jardin. Dans le ciel, on distinguait encore quelques rais de lumière, mais déjà la lune pointait le bout de son nez. Allez, plus que cent bons mètres et il rentrerait chez lui et pourrait expliquer son aventure à ses amis. Il redécolla et sortit de sous les feuilles où il s'était dissimulé... pour se jeter dans une toile d'araignée !

Ce n'était vraiment pas son jour, il venait d'échapper à un prédateur pour se jeter dans les pattes d'un autre. Le moucheron allait finir dévoré par une suceuse de sang ! La mouche commença à se débattre de toutes ses forces, tentant de se défaire de cette étreinte, mais rien n'y fit. Après quelques secondes, elle se trouvait complètement engluée dans le piège de dentelle.

Bagheera était, elle aussi cachée sous une feuille. Elle avait suivi la folle course du syrphe avec l'oiseau, voyant comment le diptère avait manœuvré pour éviter de finir dans le fond de l'estomac du volatil. Lorsque sa proie finit par abandonner de se défaire de son œuvre d'art, elle décida de sortir de sa cachette pour l'aider. Elle avait peur, elle ne savait toujours pas si c'était une guêpe ou une mouche...

Le jeune Episyrphe sentit la toile bouger, alors qu'il ne se débattait plus. À nouveau la peur s'empara de lui, sur sa gauche, il aperçut une ombre sortir de l'épais feuillage. L'arachnide approchait pour l'emballer dans un cocon de salive et de soie et l'emmener dans son antre. Au final, il finirait dévorer par un insecte , vider de son sang ! Un bonbon mal emballé et dévorer lentement au grès des envies du monstre à 8 pattes. Dans sa tête de vieux souvenirs remontèrent. Sa rencontre avec Clono, le phasme qui avait profité de l'inattention de son geôlier lors d'un nettoyage pour filer, errant dans la pelouse du scientifique mimant à chaque bruit qu'il percevait, une brindille parfaitement immobile! Et Bombus qui avait quitté sa colonie pour voler de ses propres ailes et surtout manger tout ce qu'il voulait pour son propre compte.


Chapitre 4


La jeune araignée avançait précautionneusement, elle se rapprochait de sa proie emmêlée. Elle ouvrait ses yeux le plus possible, l'insecte entoilé était jaune et arborait des rayures noires... une guêpe ! Son père lui avait raconté beaucoup d'histoires à leurs sujets. Elles étaient carnivores, enfin leurs larves, les adultes se nourrissant de nectar et découpant les insectes comme elles pour nourrir leurs progénitures. Elle ne voulait pas finir en 1001 petits morceaux... En plus, elles pouvaient vous piquer à l'aide de leurs dards empoisonnés. Bagheera s'immobilisa à mi-chemin, non, elle allait rentrer et laisser ce prédateur se débrouiller tout seul et avec de la chance demain, il serait parti comme il était venu.

Le syrphe ne comprenait pas l'attitude de son bourreau, la bête à 8 pattes venait de s'arrêter, semblant ne pas vouloir s'en occuper pour le moment. Normalement, il devrait déjà être emballé sous des mètres de salive et là, rien ne se passait. Alors, il tenta sa chance, il n'avait plus rien à perdre de toute façon...

̶ Bonjour ou bonsoir !

La guêpe venait de parler et Bagheera se décida à écouter ses doléances...

̶ Euh, madame l'araignée, je me sens comme qui dirait emmailloté !

La coupeuse d'insecte continuait de parler, Bagheera ne comprenait pas. D'abord intriguée, elle se rapprocha de la grosse mouche jaune,

̶ Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

Enfin, une réponse, l'arachnide n'était pas muette. Episyrphe continua son monologue, peut-être arriverait-il à se sortir de ce guêpier...

̶ Je m'appelle Episyrphe. Ce que je veux, c'est sortir d'ici et rentrer chez moi !

La tension que ressentait la jeune araignée se relâcha un peu. Elle s'était suffisamment rapprochée pour remarquer que l'insecte qui se trouvait pris au piège dans sa toile ne possédait que deux ailes et non quatre comme les guêpes...

̶ Tu n'es pas une guêpe, mais tu y ressembles étrangement !

Oh que non, il n'était pas une guêpe, serait-ce un avantage pour sa survie ? Il ne savait pas, mais au moins la conversation était lancée et deux de ses pattes commençaient à tailler les filaments qui le retenaient prisonnier, il fallait gagner du temps !

̶ Non effectivement, je suis un syrphe, ça ne se voit pas ?

̶ Disons que tu as de drôle de couleurs qui font plutôt penser à une guêpe...

Episyrphe commençait à comprendre, l'araignée ne s'approchait pas de lui de peur de se faire piquer. C'était sa chance, son mimétisme qui le rapprochait d'un chasseur d'insecte bien connu allait le sauver. L'étreinte des filins se relâchait de plus en plus...

̶ Euh, en fait je suis une méchante guêpe, mais pour te tromper je t'ai menti !

Il rugit de toutes ses forces et bomba son torse, ce qui eut pour effet de resserrer les liens qui le maintenaient saucissonné depuis quelques minutes... Ses deux pattes ne lui servaient plus à rien maintenant...

Bagheera se rapprocha finalement de son repas, elle avait compris que la créature en face d'elle avait aussi peur qu'elle et que surtout, ce n'était pas un frelon à la recherche de nourriture pour ses enfants...

̶ Bon, Episyrphe, je vais te libérer. Laisse-toi faire.

Elle allait le libérer et le laisser rentrer chez lui sans même lui ponctionner une goutte de sang ? Episyrphe rêvait, ce n'était pas possible. Son garde-manger devait être plein !

̶ Je ne comprends pas, tu ne devrais pas m'emmitoufler de ta salive et me ramener dans ton antre pour me dévorer ?

L'araignée sourit, avec ses mandibules, elle coupa les liens qui retenaient son prisonnier en prenant soin de ne surtout pas le blesser. Oui, il s'agissait bien d'une mouche, mais celle-ci était simplement camouflée en guêpe...

̶ Je me nomme Bagheera et je suis végétarienne !


Chapitre 5


Clono et Bombus avaient vu la nuit tomber. Et, toujours pas de nouvelles d'Episyrphe ! Ils étaient plantés dans le salon ne sachant que faire. Le phasme finit par se lever et se dirigea vers la porte d'entrée,

̶ Allez, on y va ! On va chercher notre ami !

Le bourdon regarda son compagnon avec circonspection, il le connaissait bien et il savait très bien que la brindille ne croyait pas du tout en ce qu'il disait...

̶ Ah bon ? Et, tu sais qu'il fait nuit noire dehors ? Ça va être tout noir !

Clono venait de s'immobiliser en entendant ces mots. Il restait planté là, sans bouger. Lorsqu'il commença à virer au bleu, Bombus prit à nouveau la parole,

̶ C'est bon là ! Je t'ai vu ! Et ça ne te servira à rien ce soir !

Une nouvelle fois, il avait été découvert. Il ne comprenait pas, son imitation d'une branche morte était pourtant parfaite. Clono souffrait du manque de congénères de son espèce, il avait dû apprendre les techniques de camouflage seul. Le jeune phasme s'était enfui de sa prison avant que les cours sur le camouflage ne commencent. Clono venait d'Espagne, c'est l'entomologiste qui habitait un peu plus loin qui l'avait ramené de là bas... et plongé dans une verrière avec 11 autres phasmes comme lui.

̶ J'ai encore pas mal de travail, tu as raison, on ne changera rien à la situation en partant ce soir...

Il avait compris, enfin ! Bombus voulait aussi faire quelque chose, mais cette nuit, il réfléchirait à la situation et se reposerait autant qu'il pourrait. Demain, il partirait avec son ami à la recherche d'Episyrphe...

̶ On ira le chercher demain Cloclo. On va se reposer et réfléchir. Je pense que ce bougre est simplement resté coincé dans la maison. Il a dû s'empiffrer comme à son habitude et s'endormir...

Le phasme qui comprenait ou le bourdon voulait en venir renchérit,

̶ Et quand il s'est réveillé, la fenêtre devait être fermée... le pauvre ! Seul dans une grande maison avec une tarte ! Il va prendre des kilos si on - l'y laisse trop longtemps ! On devra l'appeler Grosyrphe !

Les deux insectes éclatèrent de rire. Malgré leurs craintes pour la vie de leur compagnon, ils parvenaient encore à chasser par moment leur inquiétude.

Leur nuit fut agitée et ils ne dormirent pas beaucoup. Bombus se retournant sans cesse dans son petit lit. Clono accroché au plafond de sa chambre tendant ses membres dans tous les sens...


Chapitre 6


̶ Il est tard, je pense que tu ferais mieux de rester ici !

Elle n'avait pas tort cette petite araignée végétarienne. S'il rentrait ce soir chez lui, il risquait de croiser des prédateurs encore plus coriaces qu'un moineau. Et puis, il risquait aussi de se perdre dans la forêt. Il valait mieux attendre demain matin et rester ici. Son sens de l'orientation n'était pas fort développé...

̶ Je dirai que tu as raison Bagheera. Je vais suivre ton conseil. Mais, une nuit seul sous les feuilles ne m'enchante guère...

La tisseuse de toile s'attendait à cette réponse. Et, elle avait tout prévu, enfin presque. La mouche allait la suivre dans la maison de ses parents. Elle trouverait un moyen de le faire entrer sans que son père ne sache qu'elle fréquentait un garçon syrphe. Et il dormirait sur le tapis à côté de son lit,

̶ Suis moi, tu vas dormir à la maison. Je ne me sens pas de te laisser dormir ici, il fait bien trop froid !

Le syrphe était ravi de l'invitation. Il ne dormirait pas dehors cette nuit. Demain, il rentrerait voir ses amis pour leur expliquer ce qui lui était arrivé. Son histoire serait épique ! Il suivit l'araignée qui descendait le long des branches et se dirigea vers le tronc d'arbre aborigène. Comme pour la maison des trois compagnons, la chaumière de l'araignée était située dans un des nombreux creux de l'acacia...

̶ Tu vas attendre là, je vais voir si la voie est dégagée !

Attendre quoi ? Elle venait de l'inviter à entrer chez elle et maintenant elle le faisait attendre ? Avait-elle honte de présenter une mouche à sa famille ou à ses amis ? Episyrphe attendit un bon moment avant que Huit Pattes ne revienne pour lui ouvrir...

̶ Bon, voilà mon grand. Mets ces habits et surtout ne dis rien. Mon père est encore debout et il va te poser un tas de questions. Laisse-moi répondre et tout se passera bien ! Il a peur que je ramène un garçon à la maison...

Il prit les vêtements que lui tendait Bagheera. Des fringues de filles ?

̶ C'est une blague ? Je suis une mouche mâle !

L'arachnide soupira, elle savait qu'il était un garçon et elle connaissait aussi les réactions de son père. Jamais de garçon dans sa chambre le soir . Une guêpe, n'en parlons même pas...

̶ Ne te vexe pas, c'est juste que mon père va péter un fusible s'il voit que je ramène un gars dans ma chambre le soir. Détail important, tu ressembles à une guêpe, alors je ne te raconte pas la soirée s'il s'en rend compte ! Habille-toi et laisse-moi faire !

Elle lui jeta un sourire ravageur qui finit par convaincre le syrphe d'obtempérer à ses injonctions. Il se rappela une des nombreuses phrases que son père lui avait enseignées : «ce que femme veut, homme consent ! ». Il comprenait enfin le sens de cette phrase !

Après quelques instants, il portait une robe bleue qui couvrait ses ailes. Bagheera accrocha deux petites brindilles supplémentaires sur chacun des côtés de la tunique couleur ciel,

̶ Voilà jeune fille c'est parfait ! On dirait que tu as 8 pattes comme moi !

À nouveau ce sourire sur ses lèvres, elle avait de la suite dans les idées cette drôle de princesse. Il avait 8 pattes maintenant...

Les deux insectes pénétrèrent enfin dans la maison pour se réchauffer. Episyrphe grelottait et il pensait au père de sa nouvelle amie !


Chapitre 7


Le creux était vaste. Juste derrière la porte d'entrée s'étalait le salon. En face de lui une porte donnait sur la cuisine. Sur la droite du séjour, un escalier montait en tournant sur lui-même. Étrangement ce trou ressemblait au sien. Dans le living-room, il y a avait tout le confort rêvé. Une grande table pour manger les bons plats que la mère de Bagheera devait préparer. Autour de celle-ci 4 chaises. De chaque côté de la pièce, des meubles de rangement et une bibliothèque où reposaient des dizaines de livres. Un petit meuble bas était situé juste à côté des escaliers, accueillant une grande télévision. Juste devant, le père de l'araignée... Il dévisageait Episyrphe de ses 4 yeux !

̶ Bonsoir jeune fille ! Alors on s'est perdue ?

Bagheera enchaîna aussitôt, elle ne voulait pas laisser trop de temps à son père pour poser des questions,

̶ Oui, elle s'est perdue et comme il fait noir, je la raccompagnerai demain matin chez elle.

Thyccus observait la drôle d'araignée qui se trouvait en face de lui. Elle était bien plus grande que sa femme. Dans leur espèce, les femmes étaient plus grandes que les hommes, mais devant lui se trouvait une géante. En plus, elle semblait n'avoir que deux yeux et la pauvre avait deux pattes atrophiées qui pendaient mollement,

̶ Vous portez une robe, carnaval est pourtant passé ?

La jeune araignée entraîna Episyrphe vers les escaliers. Vite, il fallait monter dans la chambre, là-bas, ils éviteraient les questions de son padre,

̶ Oui, elle revient d'une boum et le thème... c'était les... les princesses Disney ! Allez on monte à demain papounet ! Bisous !

Le père de famille regarda les deux jeunes filles monter vers les chambres. Il se rappelait la Reine des abeilles, la nouvelle venue avait dû vouloir se déguiser de la sorte... et c'était plutôt raté. Enfin, elle ne chantait pas tissée, retissée, c'était déjà ça ! Sa femme et lui en avaient soupé de cette mélodie lors de la sortie du film d'animation. Bagheera la repassant en boucle toute la journée... Thyccus attendit encore un peu et se dirigea vers la chambre de sa fille. Il monta les escaliers sans faire de bruit...

Ouf, tout s'était passé comme elle l'avait prévu ! Elle n'avait pas laissé le temps à son père de trop parle et Episyrphe n'avait rien dit non plus. Quel soulagement ! Elle referma la porte de sa chambre, mimant au syrphe de s'asseoir sur son lit. Elle resta cependant plantée devant la porte. Elle attendait quelque chose, elle ne bougeait pas et ne parlait pas non plus...

̶ Euh, merci de m'accueillir ici Bagheera. Mais, étrangement tu me rappelles un ami. Tu ne cherches pas à te camoufler ? Parce que là, c'est raté !

L'arachnide ouvrit la porte d'un coup sec, son père se trouvait devant, l'oreille collée à la serrure. L'arachnide faillit même basculer vers l'avant, entraîné par son poids...

̶ Papa, arrête ça tout de suite ! Ici, c'est le sanctuaire de mon intimité alors, descends et va regarder les informations. C'est l'heure !

Thyccus était dépité, il voulait en savoir plus sur cette invitée-surprise. Hélas, sa fille le connaissait trop bien. Il se redressa et redescendit les escaliers 8 à 8,

̶ Désolé Baghee, je vous laisse entre filles !

Bagheera attendit encore quelques instants devant la porte. Une fois convaincue que son père n'était plus là et était bien redescendu dans le salon, elle lâcha en soufflant,

̶ Les parents !

Episyrphe comprenait le sentiment de sa nouvelle amie. Lui aussi avait eu des parents, mais le destin avait voulu qu'il se retrouve seul avec Clono et Bombus. Tous les trois venaient de la région, sauf Clono bien entendu, il provenait d'Espagne, Bombus d'une ruche située en bordure de champs à quelques centaines de mètres d'ici. Ils avaient séjourné quelque temps au gré des creux d'arbres centenaires avant de finir par s'installer dans leur trou à eux.

̶ Tu as un drôle d'accent jeune fille, tu viens d'où ?

Bagheera était occupée à vite ranger sa chambre, pas que ce soit trop le bazar, mais un jeune homme se tenait assis sur son lit et les quelques livres éparses et les affaires qui traînaient, l'ennuyait un peu. Ça ne faisait pas bon genre. Et ses parents qui lui demandaient de la nettoyer une fois par semaine, elle comprenait maintenant...

̶ Désolé, c'est un peu mal rangé ici. Je viens du Guatemala, on est en vacances avec mes parents pour encore quelques semaines !

Une étrangère qui venait d'un autre continent. Ça alors ! Le jeune syrphe était bluffé ! Pourtant, elle parlait la langue...

̶ Ouaouh ! Tu en as fait des kilomètres, tu as même traversé un océan !

̶ Oui, l'océan Atlantique !

̶ Vous n'avez pas pu voler jusqu'ici ?

̶ Si ! On a pris l'avion !

̶ Et c'est comment ?

̶ Génial, sauf qu'on voyageait en soute et que nous avons été gelés pendant tout le voyage !

Cette petite araignée avait vraiment tout pour lui plaire. Aventureuse, gentille et en plus elle était jolie avec ses 4 yeux qui partaient dans tous les sens...

̶ C'est vraiment un plaisir d'être tombé sur toi Bagheera !

La petite araignée finit par cesser ses vas et viens, elle se posa enfin à côté de lui. La chambre était toute rangée et un petit matelas était posé au pied de son lit. Elle frotta ses yeux, la fatigue commençait à se faire sentir...

̶ Je pense la même chose Epi ! Voilà, tout est prêt pour cette nuit. Tu dormiras par terre sur l'édredon à côté de moi. Ça te va ?

Oh que oui que ça lui allait, il allait dormir au chaud et en charmante compagnie. Il s'installa confortablement et enleva cette robe qui le gênait et le rendait ridicule. Il se roula en boule sur lui même et commença à réfléchir à ce qu'il raconterait à ses amis demain matin. Lui aussi se frotta les globes oculaires,

̶ C'est parfait ! Je te souhaite une bonne nuit !

̶ Je suis contente que ça te plaise. On ira retrouver tes amis demain ! Bonne nuit Epi !


Chapitre 8


Dans le salon, Thyccus cherchait le moyen de surveiller sa fille... Il y avait une fenêtre dans la chambre, s'il sortait dehors, en se laissant glisser le long d'un de ses fils de soie, il pourrait peut-être apercevoir ce qui se passait dans la petite chambre...

̶ Chérie, je sors, quelque chose n'est pas clair !

Gipsy connaissait bien sa fille, elle avait aussi compris que dans la chambre, sa fille avait ramené son premier garçon...

̶ Laisse la tranquille Thyccus !

Et pourquoi devait-il la laisser tranquille, il était chez lui et il devait veiller sur sa petite fille, la protéger !

̶ Je sens que quelque chose cloche et je veux en avoir le cœur net ! Cette princesse semble bizarre !

Gipsy se colla derrière son homme suspicieux, elle avait une idée pour détendre son mari. Un bon massage à 8 pattes, il ne pourrait pas résister !

̶ C'est un garçon qui est en haut mon chéri ! Fais confiance à ta fille, elle a 16 ans maintenant !

Un garçon, quelle horreur, sa petite princesse était seule avec un garçon ! Deux petites pattes commencèrent à masser tendrement ses épaules, il sentit une douce chaleur descendre le long de son dos.

̶ N'essaie pas de m'amadouer ! Elle est trop jeune pour dormir avec un garçon ! Je vais le mettre dehors !

La mère de famille continuait de malaxer le dos de son homme, deux pattes sur les épaules, deux autres sur le haut du dos, les quatre autres se baladaient un peu partout sur le corps de son tendre époux.

̶ Laisse la vivre... Ce n'est plus une petite fille !

̶ Je ne sais pas...

Encore une fois, sa femme avait raison. Il ne pouvait continuer ainsi à couver sa fille. Et ce massage, quel bonheur ! Une fois encore, il céda,

̶ Et demain, Thyccus, tu feras comme si tu n'avais rien vu !

̶ Comment te résister, mais tu as raison, j'ai confiance en notre fille.

Gipsy avait convaincu son homme et elle était satisfaite. Thyccus était le plus protecteur des deux, mais à un moment, il fallait laisser les enfants faire leur choix et avancer de leurs propres ailes. Gipsy n'avait pas tout dit, elle savait que ce jeune homme n'était pas une araignée comme les autres et Thyccus n'avait pas besoin d'en savoir plus. Sa fille serait assez maline pour ne pas inquiéter davantage son père.

̶ Une semaine de massages ?

̶ Ça marche mon chéri !

Thyccus se relaxa de bon cœur, les massages de sa femme lui faisaient un bien fou et une semaine complète, c'était encore mieux.


Chapitre 9


Le soleil venait de se lever, ses rayons commençaient à chauffer le creux du grand arbre. Bombus était réveillé depuis un petit moment. Il terminait son déjeuner et préparait son sac à dos avec les vivres nécessaires pour l'expédition. Il n'aurait pas le temps de courir butiner aujourd'hui, alors il prenait des réserves en mâchant un morceau de pollen croquant. Des passages de  -Il faut sauver le soldat Episyrphe - traversèrent son esprit. Le bourdon sourit, il était bête...

Après son petit déjeuner, il se dirigea vers la chambre de Clono, bizarre qu'il ne soit pas encore debout ! Il ouvrit la porte et ce qu'il craignait se produisit. Son ami le phasme n'était pas là ! Sur son lit un petit mot griffonné à la hâte disait ceci :

Je suis parti en avance ! Hors de question que qui tu sais me trimballe au-dessus du sol ! Rejoins moi, je serai arrivé quand tu liras ce message. À tout de suite !

La brindille avait décidé de prendre de l'avance. Bombus sourit une fois de plus, à la vitesse où il se déplaçait, Clono devait se trouver à quelques mètres tout au plus de leur nid douillet. En plus, sa peur chronique de se faire dévorer devait aussi l'avoir ralenti. Le phasme devait se transformer sans cesse en morceau de bois immobile...

Le bourdon chargea son sac à dos sur son épaule et sortit de la maison. Mais, pas question de rejoindre le caméléon tout de suite, il avait le temps et comme il était question de rejoindre la maison de l'entomologiste à pied, Clono n'était pas près d'arriver. Alors, tout naturellement, il allait demander de l'aide à un vieil ami... Je serai arrivé... le phasme n'avait vraiment aucune idée du temps qu'il lui faudrait pour franchir les 200 mètres qui l'amèneraient à la rencontre d'Epi ! Avant de quitter la maison, Bombus écrivit un petit mot qu'il laissa sur la table de la salle à manger :


Salut Epi ! Si tu rentres et que la maison est vide, c'est que nous sommes à ta recherche ! Nous sommes partis te retrouver chez l'ophtalmologiste ou l'entomologiste, je sais plus très bien !

On ne savait jamais à quoi s'attendre avec la mouche, alors, il valait mieux prévenir au cas où il reviendrait au petit creux !

Plutôt que de rejoindre son ami Clono, Bombus se dirigea vers le champ où il aimait butiner la journée, il avait quelqu'un à réveiller !

Clono était en route depuis 1 heure maintenant, il avançait vite, se faufilant dans l'humus qui recouvrait le pied des arbres. Il se retourna, derrière lui, le creux commençait à disparaître. S'il continuait comme ça, il arriverait dans quelques heures aux portes de la demeure du scientifique. Il était heureux, il avait berné son ami volant, si bien que le bourdon ne pourrait pas lui faire le coup du colibri ! Un phasme, c'est fait pour marcher sur la terre ferme. Ça ne vole pas ! Enfin, pas son espèce en tout cas et c'est tant mieux ! Il suffit de voir le nombre d'accidents d'insectes volants pour s'en rendre compte. Derrière lui, il entendit un genre de vrombissement, un son familier...

Oh que non ! Il s'immobilisa et commença à retenir sa respiration. Dans la litière du sol, ils ne le reconnaîtraient pas...


Chapitre 10


Bombus était dans le champ de colza à la recherche de son vertébré préféré. Un savant mélange de légèreté, de vitesse et d'adresse ! Il zigzaguait entre les hautes tiges vertes et les fleurs jaunes. Un doux parfum emplissait ses narines. Il tournait depuis quelques minutes lorsqu'il entendit un bruit familier. Un genre de vrombissement. Devant lui, les plantes s'écartèrent sous l'effet d'un petit courant d'air frais... Il venait de repérer sa cible. Mig le colibri était en vol stationnaire et se délectait du nectar d'une des fleurs au reflet d'or. Malgré son âge avancé, il était toujours d'un beau vert fluo sur le dessus de son corps et sa gorge d'un beau bleu brillant. Le bourdon se rapprocha de l'oiseau butineur pour pouvoir lui parler,

̶ Salut Mig, tu vas bien ?

L'oiseau-mouche continua son chemin et passa à une autre fleur, il ne semblait pas entendre ce que l'hyménoptère lui disait. Alors Bombus bomba son torse, empli ses poumons d'air et cria à l'attention de l'objet volant clairement identifié,

̶ Mig, bip, bip, j'ai besoin de toi pour une mission !

Le colibri s'arrêta un instant, regardant autour de lui, il lui semblait avoir entendu quelqu'un parler... il n'était pas sur,

̶ Qui est là ?

Le bourdon fut soulagé, l'oiseau l'avait entendu et il n'était pas facile de lui parler. Il était sourd comme un grain de pollen. Dans sa jeunesse, il avait travaillé pour un exploitant de colza brésilien et n'avait jamais porté ses protections auditives, le temps avait fait le reste... L'oiseau avait pris sa retraite un an plus tôt et avait décidé de finir ses jours en Belgique. Quelle idée !

̶ C'est Bombus, regarde sur ta droite ! Je suis là !

Le poids plume fit un tour sur lui-même et enfin, vit son ami le gros bourdon. Il n'avait donc pas rêvé, quelqu'un lui avait bien parlé,

̶ Salut Bombus ! Quel bon vent t'amène ?

Maintenant, Bombus avait toute l'attention du sourd alors, il se rapprocha le plus près possible des oreilles du petit colibri,

̶ Besoin de toi pour un transport ! Viens avec moi !

Mig n'avait pas bien compris, besoin de lui pour faire du sport ? Il réfléchit un instant avant de demander,

̶ Du sport ? Je suis un peu vieux pour ça non ?

Il était vraiment bouché ce piaf, le bourdon inspira une nouvelle fois profondément et cette fois-ci, il hurla,

̶ Besoin que tu transportes Clono jusque chez le scientifique !

Le visage de l'oiseau s'illumina, il venait de comprendre. Il fallait emmener le pauvre phasme chez le dentiste,

̶ Pas de soucis mon ami ! Rage de dents ?

Mon dieu, il n'avait encore rien compris, mais au moins, il allait le suivre et ensuite il comprendrait. Le plus dur était fait,

̶ Allez, suis-moi !

Le vertébré ailé accéléra le mouvement de ses ailes, il quitta son garde manger pour suivre le bourdon et lui prêter assistance,

̶ Et, il y a un dentiste dans le coin ?

Les chevaliers du ciel s'envolèrent alors, Bombus ouvrant le chemin à son ami. Il fallait retrouver Clono et ensuite direction la maison des tartes pour le sauvetage d'Episyrphe.


Chapitre 11


Episyrphe se trouvait dans une pièce sombre. Très sombre. Il venait de se poser sur l'appui de fenêtre de la maison. La tarte était là, promesse de tant de douceur sucrée. Il avait alors plongé dessus et quelque chose comme un long tube rond métallique et creux à l'intérieur l'avait comme qui dirait aspiré avant qu'il ne puisse se poser sur la pâtisserie ! Epi s'était alors vu descendre le long de ce tube, se cognant dans tous les angles le long des parois. Ensuite, il avait vu la lumière s'éloigner et s'était retrouvé quelque part dans le noir. Il avait tourné un moment dans cette pièce si sombre avant de pouvoir se poser un peu. L'aspiration venait de s'arrêter. La mouche toussa un moment, il y avait beaucoup de poussière dans cet endroit. Epi regarda tout autour de lui, mais il ne pouvait rien voir à plus de quelques centimètres devant lui... Où se trouvait-il ? Que lui était-il arrivé ? Il avançait à taton lorsqu'il heurta quelque chose sur sa droite. La mouche recula instinctivement, la peur commençait à l'envahir...

̶ Te tracasse pas petit...

La voix provenait de derrière lui, elle était enrouée, on aurait pu croire qu'elle sortait d'un film d'horreur, genre Entretien avec un moustique ! Une histoire de suceur de sang à travers les générations...

̶ C'est fini pour aujourd'hui !

Tout son corps tremblait, derrière lui, une masse énorme se déplaça. Épi pensa tout de suite à un faucheur, ce genre d'araignée avec un petit corps et 8 longues pattes...

̶ Ils recommenceront demain ! Ils appellent ça l'Aspirateur !

Le géant se déplaça et se tint face à la jeune mouche. Epi compta d'abord le nombre de pattes qu'il pouvait voir, 1,2,3... 6, juste six pattes !

̶ Je me présente, je suis Tipulae, le gardien du sac de l'aspirateur !

Au final, devant lui se tenait une grande tipule, son corps mesurait environ 5 centimètres et ses deux ailes repliées derrière son dos devaient une fois déployées en vol atteindre 6 bons centimètres. La créature du sac était poussiéreuse, elle mâchait un vieux morceau d'herbe... Ouf, ce n'était pas un buveur de liquide rouge...

̶ Moi, je me prénomme Episyrphe. On fait comment pour sortir ?

Tipulae éclata de rire. Cette petite mouche ne pensait tout de même pas sortir d'ici ? Lui-même avait essayé des semaines durant sans jamais atteindre la fin du tunnel lumineux. À chaque fois qu'il s'en était rapproché au gré d'efforts titanesques, l'aspirateur s'était remis en route et l'avait balayé dans les oubliettes. Au début, il avait déprimé, pensant mourir affamé, sans nourriture... Mais, il avait vite compris que dans cet endroit, arrivaient régulièrement des végétaux en décomposition. Ces humains portaient des chaussures pour se déplacer au-dehors et en rentrant chez eux, grâce à ces protections pour pattes, ils déversaient quantité de choses intéressantes sur le sol de la maison. Ce qui avait pour effet de déclencher la furie de l'aspirateur. Le tipule n'avait alors plus qu'à attendre la fin de la tournée boulée et se servir. Souvent, il y avait des morceaux d'herbes ou de fleur au milieu de la terre et de la poussière. Alors, pourquoi s'enfuir ? Il était nourri, logé et sali...

̶ Sortir, quelle idée ! J'ai tenté plusieurs fois et je me sens chez moi ici, maintenant !

La tipule vivait donc ici depuis quelques semaines et il n'avait pas réussi à sortir ?

̶ On sort par où ?

̶ Alors, tu veux vraiment sortir... Si tu fais le tour de mon antre, tu trouveras une ouverture ronde, tu t'engages dedans et tu remontes vers la lumière !

Cela paraissait simple, il suffisait de remonter le chemin en sens inverse. Episyrphe se mit en quête de cette fameuse ouverture,

̶ Cher Tipulae, je vais vous laisser ! Mes amis m'attendent !

Une fois encore le cousin s'esclaffa, il se remémora ses tentatives et surtout ses échecs, la douce lumière du jour...

̶ Bonne chance petit, je te dis à bientôt !

Il faisait vraiment trop noir, 20 minutes qu'il cherchait cette fameuse porte de sortie. Il commençait à désespérer. En plus, l'endroit était crasseux, il y avait de la poussière, de la terre et des nounousses qui volaient un peu partout sous ses pattes. L'air était sec et suffocant, Epi se fatiguait et la faim commençait à le tenailler. Il n'y croyait plus vraiment lorsqu'il trouva enfin la fameuse ouverture...

̶ Je l'ai trouvé !

La voix ténébreuse de Tipulae résonna dans les lieux, une voix qui sortait de la terre, comme enrouée,

̶ À tout de suite, l'ami !Tournée boulée !

Le syrphe s'engagea dans le long tunnel et commença son ascension, ses six pattes lui étaient d'une grande utilité. S'il glissait, l'une d'entre elles se raccrochait à la paroi, lui évitant ainsi la chute. Il n'y voyait pas plus que tout à l'heure et il ne parvenait pas à réellement s'orienter. L'obscurité paralysait ses sens. Montait-il ? Descendait-i ? Sortirait-il d'ici ? Et pas moyen de déployer ses ailes pour voler !

Toujours pas de lumière et le temps qui filait, il le sentait aux cris de son ventre. Il finit par arriver à un coude et juste après, une descente infernale... Episyrphe prit son courage à deux pattes, il descendit le ravin. Avec ses 6 pattes, il s'accrochait aux anfractuosités de la paroi, assurant chacune de ses prises. Il ne fallait surtout pas tomber, il ne savait pas ce qui se trouvait plus bas...

L'insecte ailé commençait à fatiguer lorsqu'il aperçut comme un rayon de lumière. Au fond du puits, quelque chose brillait... Ses pas se firent alors plus presser, la sortie était si proche...


Bagheera venait de se lever, étirant ses pattes. La végétarienne regarda sur l'édredon qu'elle avait placé sur le sol la veille pour son nouvel ami. Epi se débattait sous la feuillette, il battait des pattes et ses ailes frétillaient. Le pauvre devait faire un cauchemar... La petite araignée décida de réveiller la mouche, quelques petits coups de pieds bien placés sortiraient le jeune homme de sa méditation...

̶ Epi, Epi, réveille-toi ! Epi !

Il arrivait enfin à l'endroit d'où provenait la lumière lorsqu'il sentit quelque chose le frapper. Il entendait aussi une voix...

La tisseuse continuait sa tentative de réveil, mais le syrphe ne voulait pas lâcher son rêve. Ses pattes se crispant de plus en plus et sa respiration devenant plus forte... elle éleva la voix,

̶ Epi, il est l'heure de se réveiller !

Il pouvait toucher la lumière maintenant. Il sentait aussi l'odeur de la tarte, arrivant enfin au bout du tunnel... Et cette voix qui continuait de l'appeler...

Aux grands maux, les grands remèdes ! Bagheera sortit une petite bouteille d'eau qu'elle gardait sous son lit, au cas où une petite soif se ferait ressentir la nuit. Elle l'a décapsula et versa son contenu sur le sosie de guêpe...

̶ Allez, c'est bon, debout !

Episyrphe se sentit d'abord soulever, une masse d'air froid parcourut son corps, il tenta de résister encore un moment, trois de ses pattes le maintenaient toujours accroché à la paroi... deux... une seule... De l'eau emplit le tuyau de l'aspirateur et il finit par lâcher prise... Epi repassa dans le coude et se retrouva en un rien de temps dans le fond du sac.

̶ Je te l'avais bien dit...

La mouche regarda autour d'elle en panique. Quatre yeux le regardaient avec amusement, il reprit ses esprits tant bien que mal. Où était-il ? Dans le sac ? Ah non, il était chez Bagheera et il était trempé,

̶ Coucou ! Que ce passe t'il ?

̶ Je ne sais pas, tu semblais te battre dans un rêve, alors j'ai décidé de te réveiller ! Tu ne m'en veux pas ?

̶ Pas du tout, c'est juste que je n'ai pas l'habitude de me réveiller tout mouillé !

̶ Désolé, mais tu ne m'entendais pas... je t'ai même donné des coups de pieds...

̶ Rien sentit !

̶ Tu rêvais de quoi au juste ? Tu as dit, je te l'avais bien dit...

̶ Vieux souvenir... coincé dans un aspirateur... c'était flippant, mais pas autant qu'hier soir !

̶ Tu parles de l'oiseau ou de moi ?

La petite araignée venait de prendre son petit air moqueur et Episyrphe remarqua que ça lui plaisait. La mouche rétorqua avec humour,

̶ Je parle des deux !


Chapitre 12


Clono ne bougeait pas. Il restait immobile. CE vrombissement, il le connaissait bien. Et non, il irait jusqu'à la maison par ses propres moyens. Hors de question d'utiliser la Mig-air.

Bombus avait repéré une brindille bien plus verte que les autres qui dépassait du sol. Alors, il avait fait signe à son vieil ami l'oiseau. Clono se trouvait juste là, en dessous, il imitait une branche morte...

̶ Salut Clono, désolé de casser ton trip, mais, on ira plus vite comme ça !

Le phasme continuait de retenir sa respiration, s'il ne bougeait pas, ils ne le reconnaîtraient pas. Non, non ,non pas par les airs ! Malheureusement, Bombus se fit plus insistant,

̶ Bon, ça fait 1 heure que tu es parti et tu as fait tout au plus 30 mètres. À ce rythme-là, tu y seras pour la nuit...

Plus moyen de retenir sa respiration, Clono finit par inhaler un grand bol d'air. Une fois encore, il était découvert ! Décidément, il n'aurait pas fait un Bond Phasme...

̶ Je ne monterai pas sur cet engin volant !

̶ C'est le seul moyen d'arriver rapidement, tu le sais très bien !

̶ Tu sais très bien que j'ai le vertige !

̶ Tu n'auras cas pas regarder en bas !

Il avait horreur de prendre les airs, si ses ailes étaient atrophiées s'étaient pour une bonne raison. L'évolution en avait décidé ainsi et c'était plutôt une bonne chose.

̶ Je ne monterai pas sur ce piaf !

Il était vraiment têtu ce petit bout de bois... Hélas, pas le choix, un peu comme dans la Colonie tous risques et cette bande de baroudeurs bourdons qui venaient en aide aux plus démunis. L'un d'entre eux avait le vol en horreur et à chaque fois qu'une mission devait les faire emprunter ce moyen de transport, ses compagnons devaient l'endormir pour l'embarquer avec eux ! Et quand le bourdon bodybuildé se réveillait à la fin du trajet, il valait mieux le laisser tranquille !

̶ On ne te laisse pas le choix !

Le colibri quitta son vol stationnaire, déplia ses petites serres et saisit la baguette au ras du sol avec délicatesse. Clono se sentit décollé du sol, il tenta d'ancrer ses pattes dans la terre de la forêt, mais, trop tard, elles balayaient déjà le vide,

̶ Non ! Non ! Non !

L'échappée belle se dirigea alors vers la maison du scientifique. Bientôt, ils retrouveraient leur syrphe préféré ! La TEAM se composait d'un bourdon, d'un phasme et d'un colibri de Delalande !

Le trio passa devant l'acacia pour se diriger vers l'habitation humaine.


Chapitre 13


Episyrphe avait enfilé sa tenue de princesse, Bagheera attachant soigneusement les petites brindilles supplémentaires. Et de 8 !

̶ Voilà, plus vrai qu'une vraie !

Il avait horreur de la Reine des abeilles, ça chantait tout le temps... en plus ils avaient choisi une fourmi pour faire Zven...

̶ Je ne trouve pas cela marrant !

̶ Arrête, t'es trop mignon comme ça !

Bagheera ouvrit la porte de sa chambre, elle en profita pour rappeler à son compagnon de ne surtout pas parler. L'épreuve du déjeuner les attendait et elle se doutait que son père allait de nouveau les cuisiner !

Le nouveau couple ainsi formé déboula dans la salle à manger. La table était dressée, des petites feuilles étaient posées à 4 endroits, dedans, quelques cuillères de pollen et un peu de miellat. Episyrphe sentit son estomac se réveiller.

Le père et la mère de son amie les attendaient, ils étaient assis l'un à côté de l'autre. Thyccus lisait son phéronal et Gipsy attendait ses invités,

̶ Salut les enfants ! Une petite faim ?

Bagheera soupira, et non, ils n'y couperaient pas. Elle fit signe à Epi de s'installer en lui jetant un regard sombre, celui du genre, surtout n'ouvre pas la bouche ou, si tu l'ouvres c'est pour manger...

̶ Salut M'man, salut P'pa. On fait vite, on aimerait profiter de la journée !

̶ Ah ces jeunes... alors bien dormit les filles ?

L'interrogatoire commençait. Son père ne perdait jamais le nord ! Il venait de poser son phéronal sur la table et enfournait une cuillerée de miellat d'acacia dans sa bouche,

̶ Ça va papa ! On a bien dormi !

̶ Elle ne vous a pas fait dormir par terre au moins jeune homme... euh pardon jeune fille?

Le regard accusateur de sa femme le ramena les pieds sur terre, il devait oublié qu'en face de lui, il y avait un jeune homme. Une semaine de massage complet se trouvait à portée de pattes ! Alors, il devait faire son ignorant...

̶ Papa, on peut manger tranquille...

Il était agaçant avec toutes ces questions. À chaque fois c'était la même chose !

̶ Je pose juste une question fille !

̶ Je lui ai mis l'édredon, elle a dormi super bien !

Épi continuait de manger, les parents de sa nouvelle amie n'arrêtaient pas de le dévisager. Il se sentait mal à l'aise... Le couple devait se douter de quelque chose ! Mais Épi tenait à respecter son engagement de ne pas parler, alors il continuait de bécher dans sa feuille, comme si de rien n'était. Et ce Thyccus qui ne le lâchait pas des yeux...

̶ Elle ne parle pas beaucoup ta copine ?

̶ Laisse-la tranquille, elle est timide voilà tout mon chéri !

Une fois de plus, la mère de Bagheera calmait l'ardeur de son mari. Elle comprenait l'agacement de sa fille, Thyccus posait trop de questions, à leur âge, les jeunes aimaient qu'on les laisse en paix, surtout le matin au réveil. Et encore plus si un secret devait être gardé !

̶ Je m'intéresse, c'est tout ! Désolé les filles, la curiosité d'un père...

̶ Thyccus, elle n'a plus 8 ans...

̶ Je sais Gipsy, mais, au fond de moi, elle aura toujours 8 ans...ma petite fifille à moi !

̶ P'pa, c'est embarrassant là !

̶ Je me tais !

Enfin, son père allait les laisser tranquilles. Il reprit son phéronal dans ses pattes et reprit la lecture des nouvelles. Gipsy débarrassa la table, elle était satisfaite, les deux ados avaient tout mangé ! En plus, son mari était resté relativement calme.

̶ On peut quitter la table et sortir ?

Thyccus leva les yeux au-dessus de son journal, il cherchait le regard de sa femme. Car, il était l'homme, mais il avait aussi appris après tant de mois passés aux cotés de sa belle araignée, que c'était elle qui décidait et non lui. Gipsy lui fit un clin d'œil, il avait gagné sa semaine de massage...

̶ C'est bon, vous pouvez filer ! Ne rentre pas trop tard ! À bientôt jeune princesse !

Episyrphe et Bagheera quittèrent le creux le ventre bien rempli. La mère de Baghee savait faire de bon petit déjeuner bien copieux.

Dehors, le soleil se levait et ses rayons matinaux venaient frapper l'acacia. Une belle journée en perspective !

Le syrphe entendit comme un vrombissement familier passé à côté de lui... il n'y prêta guère attention. Son objectif était de rentrer chez lui afin de rassurer ses amis. Et surtout leur présenter sa nouvelle amie à 8 pattes...

Épi invita la belle araignée à monter sur son dos. Direction la maison !


Chapitre 14


Clono, Bombus et Mig passèrent devant l'acacia sans même remarquer que leur ami le syrphe se trouvait sur le pas d'un de ces creux. Ils étaient pressés, ils devaient découvrir ce qui était arrivé à leu r ami.

Les pattes du phasme battaient l'air, il regardait en bas, le colibri rasait les herbes de la pelouse de la propriété humaine. La tête de Clono rencontra une pâquerette qui explosa à son contact, la bouche du phasme était remplie de pétales blancs. Il cracha, il toussa pour se débarrasser de ces corps étrangers coincés entre ses dents. Non, il n'aimait vraiment pas la Mig Airways, en plus l'oiseau de la compagnie se traînait, il ne parvenait pas à rester en l'air, volant au ras du sol...

Bombus était en tête, il avait réfléchi une bonne partie de la nuit au problème maison. Il savait quoi faire et il avait pris des forces ! La fenêtre ne résisterait pas ! Le colibri le suivait de près, le phasme pesait son poids et il devait faire des efforts considérables pour se maintenir au-dessus du sol.

L'envolée sauvage finit par atteindre son but. La fenêtre où reposait une fois par semaine la tarte qui faisait prendre tant de risque à leur ami préféré était en vue. Bombus se posa sur le rebord de la vitre, Mig tenta un atterrissage en douceur, s'écrasant de tout son poids sur l'appui de fenêtre...

̶ Outch !

Le vol de la Mig Air finit sa course contre le rebord de l'arcade de la fenêtre. Le phasme se trouvant sous le corps du colibri...

̶ Je ne voudrais pas faire mon prince, mais là tu m'écrases !

L'oiseau venait de reprendre ses esprits lorsqu'il entendit l'appel de détresse de son passager. Il se redressa sur ses deux pattes en prenant soin d'éviter d'écraser encore plus son client,

̶ Pardon ! Désolé !

Le phasme se redressa à son tour, il avait mal un peu partout et des grains de pollen étaient toujours coincés dans ses mandibules,

̶ Voilà pourquoi je n'aime pas voler !

Ils étaient arrivés en un seul morceau, mais la fenêtre était fermée, pas moyen d'entrer par là.

̶ Bon, le bourdon, on fait comment pour entrer ? T'as une idée ?

Bombus avait répété son plan d'attaque pendant le vol. Il décolla et prit un peu de distance avec la vitre. Il fit crissé ses ailes et dans un démarrage en trombe fonça vers la vitre.

Le choc fut violent et accompagné d'un léger TOC ! L'hyménoptère s'écroula sur la tablette de fenêtre en longeant celle-ci sans s'en écarter... VRIIIII... RE-TOC ! Le bourdon se redressa et reprit un peu d'élan. Ça aussi, il l'avait prévu, il savait que le verre ne se briserait pas au premier impact.

TOC, TAC, TOC et à nouveau TAC !

Clono regardait la scène, incrédule. Son pote le bourdon tentait de briser la fenêtre en se jetant dessus. Pauvre Bombus, le sucre lui avait encore monté à la tête,

̶ T'en as d'autres des idées comme celle-là ?

̶ Ve fais pas, me fouviens plus trop là... finon, t'as vu, elle commenfe à fe fêler... fa va le faire !

Le faire oui, mais la semaine prochaine quand la fenêtre serait ouverte pour laisser refroidir une bonne pâtisserie. Un autre plan s'imposait, quelque chose de plus efficace pour s'introduire dans la maison.


Chapitre 15


Bagheera qui avait l'habitude de prendre l'avion en soute... s'installa confortablement sur le dos du syrphe. Pour une fois, elle allait connaître les joies du décollage et de l'atterrissage en étant installée aux premières loges ! Le cockpit n'était pas fermé alors, elle allait voir du paysage !

Episyrphe décolla en douceur, il ne voulait pas effrayer sa passagère. En même temps, il voulait profiter du moment pour faire connaître à sa nouvelle amie les joies du free-fly. Il se rappelait un épisode de Héro-Cox, où l'un des super héros coccinelle pratiquait ce sport consistant à sauter d'un point haut sans parachute ! Mauvaise idée... Il sentait que la petite 8 pattes était détendue, si bien qu'il accéléra un peu et commença à prendre des virages plus serrés...

Baghee rigolait de tout son cœur. Le diptère avait compris qu'il pouvait y aller à présent, l'araignée adorait ça. Cette sensation du vent vous poussant vers l'arrière à chaque accélération, ces chatouillis qui grattouillaient dans son ventre la faisaient rire aux éclats. Elle avait envie de crier son bonheur... Cet instant de pure accélération lui rappela que plus jeune, elle adorait regarder la série Tiqus. On y suivait deux motards tiques qui travaillaient pour la police de Los Angeles. Ils pilotaient des fourmis Odontomachus, les plus rapides du monde ! Ils faisaient régner la loi et l'ordre sur les routes américaines. Elle redescendait en cachette le soir, pour la regarder à l'insu de ses parents. La série commençait à 20 heures et finissait vers 21 heures et comme elle avait école les lendemains, elle devait se coucher pour 20 heures maximum. Alors, elle descendait par la fenêtre de sa chambre en se laissant pendre à un de ses filaments de soies pour se poser sur le rebord de la vitre du salon. Elle profitait alors des exploits des deux policiers en toute discrétion.

Les deux insectes passèrent sous une branche, la petite arachnide baissa la tête par réflexe pour éviter l'obstacle. Elle hurla de rire... C'était moins une !

Epi était heureux, sa passagère était vraiment bon public et il pouvait lui montrer l'étendue de sa technique. Maintenant qu'ils pénétraient dans la forêt, il allait pouvoir zigzaguer entre les arbres ! Il amorça un piqué rapide et remonta aussi sec, tournant sur sa droite et s'élevant à nouveau pour éviter une nouvelle branche.

Bagheera était aux anges, son cœur battait comme jamais, les sensations l'enivraient, l'avion en soute-classe était vraiment ennuyeux ! Elle préférait nettement le vol à dos de mouche !

Après quelques accélérations et quelques figures, dont un magnifique looping qui lui souleva le cœur, Epi posa ses pattes au pied de son creux. Baghee enleva son casque et laissa ses longs cheveux balayer la petite brise printanière,

̶ Ouaouh ! C'est quand tu veux !

Episyrphe souriait, sa première passagère le complimentait. Elle avait adoré ses prouesses. Il s'approcha de la porte et frappa, TOC, TOC...

Pas de réponse, c'était bizarre... Il sortit son trousseau de clefs pour ouvrir et pénétra dans le petit trou.

Personne, pas de trace de ses amis. Il se dirigea vers les chambres de ses deux acolytes et son attention fut attirée par un morceau de papier qui traînait sur la table de la cuisine. Bagheera le suivait et elle fut assez épatée de la propreté des lieux. On n'était pas dans sa chambre ! Trois garçons ensembles et la pièce était propre et bien rangée, lui aurait-on menti ?

Le syrphe se retourna vers elle, il tenait une note dans ses pattes,

̶ Bon, ils sont partis à ma recherche ! Soit on les attend, ou on part les rejoindre ! Tu en penses quoi ?

Pourquoi posait-il cette question. Bien sûr qu'on partait à leur recherche et en première classe S.V.P !

̶ Je reprendrais bien un ticket pour l'espace, Monsieur le pilote !

Ils étaient tous les deux sur la même longueur d'onde. La tisseuse de fil reprit sa place sur le dos de son commandant syrphe. Le décollage fut bien plus rapide que le premier, la petite araignée éclata à nouveau d'un rire enthousiaste.


Chapitre 16


Le bourdon continuait de se fracasser sur la fenêtre. TOC ! TAC ! CRACK !

Clono lui avait réfléchi. Sur le côté du mur, il y avait comme un tuyau d'évacuation d'air, il avait appris que celui-ci ne fonctionnait que si les hommes cuisinaient. Le phasme avait alors envoyé son colibri de malheur en repérage. Le conduit ne fonctionnait pas pour le moment et dehors, la voiture des occupants de la maison n'était pas là. Peu de risque que ça se mette en route alors ! Il regarda son ami le bourdon, il venait de changer de technique...

Bombus avait un plan B. Il avait vu dans un film une scène où un voleur de haut vol coupait une vitre à l'aide d'un gabarit rond et d'un genre de compas pour subtiliser une énorme quantité de glucose à un riche exploitant de fleur. Alors, il se colla contre le verre de la fenêtre, planta son dard contre la vitre et commença à tourner sur lui-même... CRIIIIII...

Clono pensa que son ami avait vu beaucoup trop de films de fiction et qu'une fois encore, on risquait d'y passer la journée,

̶ Bombus, j'ai une autre idée ! Si on passait par le conduis d'évacuation de la cuisine ?

Le bourdon n'entendait plus très bien, des lucioles tournaient autour de sa tête, ses oreilles émettaient un bruit sourd. Il se redressa pour reprendre la conception de son cercle,

̶ Quef que tu dis ? Ve comprend rien...V'ais une autre folution !

Le phasme posa une de ses grandes pattes avant sur le dos de son ami, il était tant qu'un cerveau entre en action !

̶ Arrête ! On va passer par un autre chemin... moins physique pour toi !

Le bourdon s'immobilisa, un autre chemin ? Mais lequel ? On ne lui avait jamais parlé d'un autre chemin, il aurait prévu un plan C alors,

̶ Et fest maintenant que tu le dis ! Merfi !

Toujours laisser travailler les muscles pendant que le cerveau réfléchit... Oui, il avait la bonne philosophie. Le phasme se dirigea vers le mur, avec ses longues pattes, il arriverait vite à la buse de ventilation de la cuisinière,

̶ Pas besoin de toi sur ce coup-là Mig ! Désolé !

De toute façon, le colibri n'allait pas bouger de là. Il resterait ici à guetter leur retour, Clono aurait besoin de ses services pour rentrer tout à l'heure. L'oiseau regarda les deux insectes se faufiler dans la ventilation de la maison.

Il faisait de plus en plus sombre, les deux compagnons marchaient presque à l'aveuglette,

̶ Tu crois que c'est encore loin ?

̶ Aucune idée !

Ils n'étaient pas rassurés, ne rien voir ne les aidait pas non plus. Et par-dessus le marché, les lieux étaient enduits d'une pâte graisseuse noire, qui collait aux pattes. Ils avançaient vers l'inconnu et au-delà !

̶ AHHHHH...

̶ RHAHHH...

La chute fut vertigineuse, quelques dizaines de centimètres plus bas, les deux insectes touchèrent enfin le sol. POC ! POC !

̶ On est où ?

̶ Laisse-moi réfléchir tu veux ! Toi, tu n'as qu'à te toquer la tête aux murs, un peu comme tantôt !

Il ne faisait plus sombre, une fine membrane les retenait encore prisonniers du conduit. Il fallait la percer pour arriver dans la maison. Le bourdon s'envolait déjà et fonçait tête baissée dans les parois du tuyau d'évacuation. TAC!TOC !TAC !

̶ Arrête Bombus ! Pas ceux-là , celui-ci, vers le bas !

̶ OK fhef ! F'est parti !

À la troisième charge du bourdon, la membrane céda. Les deux insectes se trouvaient au-dessus de la cuisinière dans l'habitation humaine! Le phasme était satisfait. Le chemin n'était pas si difficile au final, juste un peu poisseux.

̶ Bombus, file à la fenêtre ! Mig te verra et saura que nous sommes entrés !

̶ OK patron ! Enfuite, ve reviens et on ferfe Epi !

̶ Oui, on cherchera ensemble ! Vas-y !

Sa mission d'information accomplie au bout de quelques secondes, le bourdon se dirigea vers Clono. Ils allaient enfin pouvoir lancer les recherches.


Chapitre 17


Le spider de la forêt avançait rapidement, mais contrairement à Thermite Wars, il ne se trouvait pas juste au-dessus du sol, mais bien à plusieurs mètres de hauteur. Bagheera continuait de s'enivrer de tout cet espace vert !Et tous ses arbres qu'il fallait éviter ! Elle rigolait comme une folle en pensant à bien s'accrocher au dos du syrphe voltigeur. La ballade était vraiment plaisante, elle vit l'acacia où elle vivait avec sa famille temporairement depuis quelques semaines... Sa mère se trouvait devant le pas-de-porte, elle avait sa manne avec elle, la récolte de la sève était en route !

La maison du scientifique grossissait à vue d'yeux, son moyen de transport filait comme le vent !

̶ J'adore Epi ! Jamais je n'avais vécu cela avant !

̶ Ma dame est servie!

La mouche ralentit un instant, la fenêtre était en vue... Mais, un piaf se trouvait posé sur son rebord. La prudence s'imposa comme une évidence. La veille, il l'avait échappé belle, mais il n'aurait pas cette chance à chaque fois !

̶ Pourquoi tu ralentis ?

̶ Regarde devant toi ! Objet volant non identifié !

Un petit oiseau se trouvait perché sur la tablette de la fenêtre... L'araignée comprenait maintenant. Une approche furtive était requise... son cœur se mit à battre la chamade... Epi continuait de ralentir la cadence, en même temps, cet oiseau lui rappelait quelqu'un. Mais, qui ? La robe verte et bleue, un long bec effilé... Il ne pouvait s'agir que de Mig, le colibri de Delalande qui servait de planeur pour le transport de Clono ! Ses amis étaient à sa recherche dans la maison du scientifique humain. Il s'approcha du poids plume prudemment.



Chapitre 18


Mig attendait devant la fenêtre le signal, se demandant depuis combien de temps un dentiste avait emménagé ici... On le lui disait jamais rien! Lorsque le bourdon passa en trombe devant la vitre, l'oiseau comprit que ses amis étaient entrés. Il décida alors de prendre du recul et de la hauteur. Son ancien contremaître adorait utiliser cette expression lorsqu'il rencontrait un problème Les occupants du bâtiment pouvaient revenir à tout moment ! Il allait battre des ailes pour s'envoler lorsqu'il sentit quelqu'un dans son dos,

̶ Salut Mig !

Le colibri sursauta. Avec l'âge et son ancien travail, ses oreilles n'étaient plus ce qu'elles étaient... C'était Episyrphe accompagné d'une araignée dont il ne connaissait pas l'espèce,

̶ Salut l'ami !

L'oiseau-mouche ne comprenait pas encore tout. Dans la maison, Clono et Bombus cherchaient le syrphe et celui-ci se trouvait devant lui...

̶ Tu ne devrais pas être dans la maison ?

Epi ne comprenait pas. Non, il n'était pas dans la maison. Jamais il ne s'y était trouvé. Bagheera descendit de son dos et posa pattes à terre,

̶ Alors, c'est lui votre ami oiseau ?

̶ Oui ! Je te présente Mig !

Le vertébré courba une aile vers le sol en signe de respect pour la jeune dame qui se trouvait devant lui, il s'éclaircit la voix,

̶ Enchanté Madame !

Episyrphe réalisa tout d'un coup ce que ses amis invertébrés étaient en train de faire. Ils s'étaient mis dans la tête qu'il était enfermé dans la bicoque et tentait de l'en sortir !

̶ Ils sont à l'intérieur ?

̶ À ta recherche je dirai !Et, tout s'est bien passé chez le dentiste ?

Si seulement ils avaient eu chacun leur phérophone. Ils n'en seraient pas là... Mais voilà, le projet était en développement et les appareils disponibles hors de prix pour pouvoir s'en acheter un chacun. Ils auraient pu communiquer le soir précédent et tout cela ne serait pas arrivé !

̶ Bon, je crois que nous allons devoir entrer Baghee !

Le colibri décolla enfin, il allait faire le tour de la maison, un genre de ronde, comme ça il pourrait avertir l'équipe en cas de retour des humains,

̶ Il y a une entrée sur le bord du mur là haut. Ils sont entrés par là ! Moi, je continue ma surveillance. Si quelque chose se passe, je frapperais avec mon bec à la fenêtre ! Bonne chance !

̶ Merci, on en aura bien besoin, je pense !

Bagheera remonta sur sa monture ailée. Il allait falloir entrer et retrouver ses deux amis, une poussée d'adrénaline courut le long de son appareil nerveux. Comme Bombus et Clono, ils empruntèrent le conduit,

̶ En route Falcor ! Allons chercher tes amis !

̶ C'est gluant ici !

̶ Oui, pas très ragoutant ! Ça colle et ça ne sent pas très bon...

Le couple formé par l'araignée et le syrphe progressait dans le conduit d'aération de la hotte. Il faisait sombre, devant eux, un faible rayonnement se laissait distinguer. Encore quelques centimètres et ils arriveraient à destination.

̶ RAHHHHH...

Epi perdit pied, le sol se déroba sous lui et la mouche s'écrasa face contre terre un peu plus bas ! L'araignée quant à elle se laissa pendre à son fil et se posa avec délicatesse sur la membrane en papier.

̶ Je vois que madame à sa technique.

̶ Chacun son talent Epi !

Sur la membrane de papier, on distinguait un trou qui s'ouvrait sur l'intérieur de la maison. Les deux espions s'engouffrèrent dedans pour plonger au cœur de l'habitation humaine...


Chapitre 19


Les sauveteurs venaient de quitter la cuisine. Aucune trace d'Episyrphe...

̶ Tu crois qu'il est toujours vivant ?

Clono connaissait bien le jeune syrphe et il n'était pas question qu'il disparaisse aussi bêtement. Alors, il gardait espoir, il avait de la ressource ce moucheron,

̶ Ne dis pas de bêtises Bombus ! Il est ici quelque part !

Oui, mais où ? Le phasme passait sous une porte géante faite de bois lorsqu'il remarqua au fond d'un long couloir, ce drôle d'engin. Une grosse boite en plastique munie d'un long manche relié par un tube flexible de plusieurs mètres. Serait-ce cet engin maléfique dont leur avait parlé Epi ? Il se crispa et une fois encore, retint sa respiration...

Bombus avait compris que son ami avait à nouveau peur, mais le bourdon ne voyait pas de quoi au juste...

̶ Qu'est-ce que tu as vu ?

Le phasme continuait de ne pas bouger, il murmura à son compagnon,

̶ Regarde ! C'est l'engin dont nous a parlé Epi ! Il est peut-être dedans !

Le butineur regarda dans la direction que lui indiquait Clono. En effet, au fond du couloir se trouvait l'Avaleur, ou un truc du genre, il ne se remémorait pas le terme technique ! Il avait toujours eu un peu de mal avec sa mémoire... Il se souvenait d'une seule comptine qu'il avait apprise à l'école de la colonie et elle traversa ses pensées, vieux souvenir empli de nostalgie. À cette époque de sa vie, il n'était pas si mal au final,


Un, deux, trois, larves vous voilà,

Quatre, cinq six, souvent incomprises,

Sept, huit, neuf, mangent un œuf,

Dix, onze, douze se délectent de racines d'arbouse !


Mais, ce n'était pas le moment de penser à ça... vraiment pas. La mission était la priorité !

̶ On va voir ? Il est peut-être dedans ?

La brindille se décrispa, ses longues pattes se remirent en marche. Le bourdon avait raison ! Il fallait continuer et s'assurer que le pauvre syrphe n'était pas enfermé dans cet engin sortit tout droit d'un film d'horreur.

̶ En route, mais restons sur nos gardes !


Chapitre 20


Mig continuait de faire le tour de la propriété, il se trouvait haut dans le ciel lorsqu'il aperçut des reflets brillants provenant de la route goudronnée qui serpentait à travers les arbres verts. Il piqua vers le sol et se posa sur une branche. Une chariote d'un jaune pâle se dirigeait vers la maison ! À son bord, deux humains !

L'oiseau déploya ses ailes et s'élança dans le vide, direction la fenêtre, il devait avertir ses camarades. La partie allait se compliquer... Ils devaient vite retrouver Epi et ses amis pour les avertir de sortir de toute urgence de la maison !

Mig se posa sur l'appui de fenêtre avec grâce, sans son passager de fortune, il était beaucoup plus véloce et surtout moins lourd... Il commença alors son rituel consistant à frapper sur la vitre. Trois frappes rapides, suivies de trois frappes longues, suivies elles-mêmes de trois frappes rapides et ceci en boucle ! Pourvu qu'ils entendent, la voiture se trouvait dans la petite allée maintenant, elle allait bientôt s'arrêter et ses occupants en sortir. Trois courts, trois longs, trois courts...

La voiture s'immobilisa non loin de la porte d'entrée. Deux humains en sortirent. Il y avait une femme et un homme. La femme portait une longue crinière brune qui descendait jusqu'à ses reins, une paire d'yeux bleus et était vêtue d'une peau rouge. L'homme quant à lui avait le poil court, tirant sur la coupe militaire un peu comme la coupe brossée des soldats dans Small-Artilleur, un petit film d'animation parlant d'une guerre ancestrale entre des thermites et des fourmis. Sa parure était d'un vert pâle, ses yeux cachés par des petites vitres fumées.

Les géants se dirigèrent vers la maison. Le mâle ouvrant la porte d'entrée à sa femelle en mimant les courbettes d'usages.

La porte se referma sur eux. Mig continuait de frapper la vitre avec insistance. Étaient-ils sourds ? Les humains étaient rentrés !


Chapitre 21


Le bourdon ouvrait la marche, plus que cinq mètres et ils seraient devant cette chose étrange qui une fois réveillée, se mettait à aspirer tout ce qui se trouvait sur son passage ! Clono le suivait de près. Il marchait aussi vite que possible, ne surtout pas se faire distancer par son ami volant ! Se retrouver seul ici, il ne le pourrait pas. Il y avait énormément de choses étranges autour d'eux. Des piliers de bois surmontés par des parois immenses ornées de fer. Des plantes qui poussaient dans d'énormes pots en terre cuite, un étrange morceau de bois auquel on avait attaché à la base des centaines de très longs poils. Et aussi quatre immenses verrières. À l'intérieur tout un écosystème ! Des confrères emprisonner pour être plus clair !

Devant le premier aquarium, un régiment de fourmis ! En se rapprochant légèrement on pouvait les entendre parler...

̶ Mon général !

̶ Oui ! Colonel !

̶ Tout est à nouveau prêt !

̶ Alors, commencez ... Recommencez !

Une ligne de fourmis se trouvait face au vivarium des thermites, leurs ennemis jurés ! Chaque jour, c'était le même combat... les stormfourimz se plaçaient en ligne face à leur vitre, les fesses en avant. Au signal de leur chef, ils éjectaient leur acide formique sur la paroi de verre... une façon à elle de faire fondre le carreau épais de plus de 1 cm. Les fourmis sont des êtres déterminées et rien ne peut les tirer de leur esprit guerrier ! Du territoire, toujours du territoire ! Bombus se disait qu'il était heureux d'être libre de ses mouvements, dans un sens, ça lui rappelait un peu sa vie d'avant dans la ruche où il avait grandi.

̶ Alors colonel ? Ça donne quoi ?

̶ Comme chaque fois mon général !

̶ Zut, flute, caca boudin ! L'acide finira par faire fondre un jour ces vitres !

̶ Nous y croyons mon Général !

̶ Continuez ! Une fourmi n'abandonne jamais !

Et les artilleurs fourmis continuaient ainsi leur attaque jusqu'au petit matin , les guerriers attendant une ouverture pour lancer l'assaut final... Sans jamais se lasser ! Et sans jamais faire le moindre dégât à la petite verrière. Pauvre militaire, toujours coincé dans leurs traditions guerrières ! Bombus et Clono se regardaient et réalisaient que la vie à trois loin de toute discipline était une bénédiction !

Juste en face, une termitière où chaque membre de la colonie faisait son labeur jusqu'au crépuscule. Mais une fois par jour, c'était le moment de la relaxation. Chaque thermite avait le droit d'y assister une fois par semaine, un peu comme un jour de vacances. Chez les thermites, il n'existe pas de jour de vacances, alors pour leurrer la population ouvrière, un système de relaxation avait été aménagé !

Les thermites ouvrières se tenaient en fond de vivarium, les contremaîtres, les réparateurs, eux se trouvaient au centre de l'écosystème et les dirigeants se trouvaient tout devant, le nez collé aux vitres ! Certains diront que les meilleures places se trouvaient en fond de salle et en hauteur, mais ce ne sont que de simples ouvriers ! Ressentent-ils vraiment quelque chose ?

Et, le spectacle commençait... des feux d'artifice venaient éclairer la verrière qui se trouvait en face de la leur ! Des centaines de fusées explosaient en mille et une couleurs ! Les fourmis d'en face s'y connaissaient plutôt bien en feu de Bengale et pour une thermite, ce genre d'effet lumineux à proscrire pour un épileptique avait quelque chose de relaxant... Une façon d'oublier qu'elles travaillaient comme des moutons pour une société qui les taxait trop au final.

Clono se disait qu'il avait bien fait de partir de ses lieux, les feux d'artifice ça marche un temps, mais au final quand on en a vu un, on en a vu dix !


Une autre prison de verre contenait d'énormes araignées, des mygales... Elles avaient de la nourriture à portée de mandibules et en quantité exorbitante, mais impossible d'y accéder... Elles avaient eu beau chercher une sortie, certaines d'entre elles s'étaient fracassé le crâne sur les vitres. Hélas, elles étaient coincées ici et la vue des deux jeunes héros ne les émoustilla même pas ! Aucune chance de les atteindre...

Chaque jour, elles observaient la scène de guerre qui se jouait devant elles. Tant de petites choses à dévorer et aucun moyen de s'en approcher, même juste pour lécher...

Alors, elles avaient changé de mode vie. Elles creusaient des trous dans la terre, s'y enterraient et fermaient l'entrée de leur bunker avec un petit clapet qu'elles avaient confectionné avec leur salive, de la terre et un peu de résidus organique ! Ainsi enfermées, elles ne voyaient plus toutes ses petites bêtes si délicieuses impossibles à se mettre sous les mandibules !

Ça faisait froid dans le dos tout ça ! L'aspirateur n'était plus très loin, mais les deux jeunes insectes passaient devant un genre de manoir hanté et ils étaient encore moins rassurés.

Que dire de l'enclos au phasme ! C'est un peu comme l'enclos aux raptors ! On peut s'y rendre, s'y promener, mais on n'est pas sûr de ce que l'on va y trouver ! Et cette verrière rappelait beaucoup de souvenirs à Clono... Il était le douzième de cette colonie et il s'était enfui un jour de nettoyage ! À l'intérieur, ses camarades, une verrière destinée à la faune végétale. Le plus aguerri des scientifiques pouvait mettre des heures à trouver une trace de vie dans cet univers mimétique. Lui-même avait du mal à distinguer ses anciens congénères...

Encore un mètre... Le phasme s'immobilisa à nouveau, comme figé par un gel foudroyant,

̶ Clono, tout va bien ?

Le morceau de bois vert ne bougeait toujours pas, retenant sa respiration. Il entendait du bruit ! Un genre de toc-toc léger. Ça provenait du salon.

̶ Tu entends ?

Bombus se posa sur le sol, le vrombissement de ses ailes altérait son ouïe. Il attendit encore quelques instants. Son ami ne rêvait pas, il y avait bien comme un genre de toc-toc provenant de la fenêtre...

̶ De la pluie ?

Ce bruit lui était familier et puis la météo annoncée ne prévoyait pas d'averses avant un bon moment. Clono repensait à son code qu'il avait mis au point pour entrer dans leur maison et il connaissait tous les codes . Oui, c'était un code, du phéromorse, un vieux truc de son grand-père. Trois coups courts, trois coups longs, trois coups courts... S... O... S... Save Our Ship... façon outre atlantique de dire sauver notre bateau ! Il n'y avait pourtant pas de bateau ici ! Send Out Succour... envoyez des secours. Mais, c'étaient eux l'équipe de sauvetage !

Un courant d'air traversa leurs pattes, le phasme comprit enfin ce que voulait dire ce code bruyant. C'était Mig qui devait tenter de les prévenir de l'arrivée des humains. Ces énormes bipèdes qui ne pondent pas d'œuf, les gardant au chaud dans leur ventre durant plusieurs mois... Il hurla,

̶ LES HUMAINS !

La porte du couloir s'ouvrit complètement sur eux, les deux géants se tenaient devant eux à moins de dix mètres, ils retiraient leurs parures de sorties et les accrochaient au mur. Clono entreprit de mimer une brindille, la sueur coulant de son front et gouttant sur le sol. Bombus s'envola le plus haut possible pour se poser sur un meuble légèrement en retrait. De là, il pouvait observer son infortuné compagnon. Et encore une fois, ce moyen de défense ridicule qui le caractérisait.


Chapitre 22


Episyrphe et Bagheera venaient de fouiller la cuisine et le salon lorsqu'ils sentirent le courant d'air provenant de l'ouverture de la porte d'entrée. Ils avaient entendu le piaf, mais, ne connaissant pas le phéromorse, ils n'avaient pas tout de suite pris compte de la signification de ces toc-toc frénétiques...

Les deux insectes se recroquevillèrent. Epi aperçut devant lui une brindille familière. Clono se trouvait au centre du couloir, à équidistance entre les humains et lui ! Bombus ne devait pas être bien loin non plus...

̶ Baghee, regarde dans le couloir, le phasme est au centre !

La petite araignée prit son courage à deux mains, elle avait peur. Jusque-là, tout était excitant, mais là, ça tournait au vinaigre. Elle jeta un œil dans le couloir, il y avait bien un morceau de bois planté au milieu, mais rien d'autre...

̶ Tu es sur ? Moi, je vois une brindille !

̶ C'est lui, c'est sur !

Il fallait faire diversion pour que le morceau de bois puisse se cacher... Epi avait une idée, il savait que le vol d'une mouche avait pour effet d'énerver les mammifères bipèdes. Alors, il allait remonter ses bretelles et agir comme il le fallait, Banzai !

̶ En selle jeune file, on part faire diversion !

Bagheera regardait le syrphe avec tendresse et admiration. Il avait affronté un oiseau, c'était débattu dans sa toile de soie et maintenant il était prêt à affronter deux humains pour sauver son ami,

̶ En avant Jolly-Jumper !

Le spider s'envola une nouvelle fois et se dirigea vers les deux géants...

̶ C'est parti !

L'homme fut attiré par la mouche qui tournait autour de lui, il reconnaissait l'espèce, un syrphe, ressemblant à s'y méprendre à une guêpe. Elle portait quelque chose sur son dos, on aurait dit une araignée et cette arachnide lui rappelait son voyage au Guatemala. L'homme décida de suivre du regard la symbiose ainsi formée par cette mouche et cette drôle de dame.

La femme regardait son homme, encore après un insecte ! Il n'arrêtait jamais... Un détail attira alors son attention, une brindille se trouvait sur le sol non loin de l'aspirateur. Elle l'avait pourtant passé ce matin et personne n'était passé par là depuis leur départ. Étrange ! Elle enjamba Clono sans prêter attention à sa nature d'insecte. Le phasme souffla un grand coup, son camouflage fonctionnait !

Du haut de son perchoir, Bombus regardait la scène avec effroi, il avait d'abord eu peur que l'humaine ramasse son ami. Ensuite, il avait failli s'évanouir quand les pattes de la géante avaient enjambé Clono. Maintenant, il voulait se réveiller dans son lit... Le bipède s'empara finalement de l'engin monstrueux !

Un bruit sourd résonna dans toute la pièce et l'aspirateur se dirigea vers Clono ! Bombus se précipita vers son ami lorsque la buse d'aspiration finit par les engloutir tous les deux!

CHOMP ! CHOMP !

Clono avait la tête qui partait dans tous les sens, il sentait son corps se faire malmener dans toutes les directions. Bombus lui, rigolait, cette sensation de vitesse dans le noir l'éclatait !


Bagheera du haut de son fidèle destrier aperçut les deux insectes se faire happer par la turbine de l'enfer ! Elle avertit Epi que la situation venait de changer. L'araignée projeta un filament dans les airs qui se colla à un meuble permettant à Epi de prendre un virage très serré. La mouche accéléra une dernière fois et sema son poursuivant en se réfugiant derrière la bibliothèque. La femme venait d'éteindre l'aspirateur et de le remettre en place !


Chapitre 23


L'aspiration se fit de moins en moins forte, jusqu'à devenir une fine brise. Les deux insectes étaient dans le noir total. Ils avaient heurté des parois durant le sombre trajet et avaient fini par perdre la lumière. Ils ne savaient pas très bien où ils étaient. L'instant d'avant dans la maison et maintenant dans le néant. Autour d'eux, le vide, on ne voyait rien à quelques centimètres. Clono sentit quelque chose le renifler, Bombus entendit comme un grognement...Trois paires d'yeux rouges les observaient !

̶ Bonjour ! Alors cette tournée boulée ?

La voix était terreuse, elle semblait sortir de la paire d'yeux la plus haute. C'est Bombus, gonflant ses pectoraux, qui ouvrit la bouche le premier. Il avait mal au cœur, ce fameux tourné boulé avait remué son estomac au final,

̶ Bonjour, vous êtes qui ?

L'ombre inspira profondément et laissa échapper une quinte de toux, KOF, KOF, KOF,

̶ Je suis Tipulae, le gardien de ces lieux ! Je vous souhaite la bienvenue !

C'était la tipule dont leur avait parlé Episyrphe... la mouche ne leur avait pas raconté de bêtises. Le syrphe avait vraiment séjourné dans cet engin de conception humaine appelé l'aspirateur ! Mais dans l'histoire d'Épi, il y avait juste une tipule... à qui appartenaient les yeux supplémentaires ? L'instinct de Clono lui dicta de se figer et de ne surtout plus bouger. Peut-être passerait-il inaperçu !

Le bourdon se rapprocha de son hôte et en fit le tour, les deux autres paires d'yeux appartenaient à des faucheurs ! Des huit pattes suceuses de sang ! Il recula et se cacha dans les pattes du phasme. Ainsi dissimulé derrière lui, il passerait peut-être inaperçu...

̶ Vous avez vu mes chiens ? Ils sont beaux n'est-ce pas ?

Le gardien du sac d'aspirateurs lança alors un petit bout de bois dans le fond de la salle poussiéreuse. Les deux grandes araignées se regardèrent, leurs pattes arrière commencèrent à trépigner et ils s'élancèrent à la recherche de la petite brindille. Ils se disputèrent quand ils trouvèrent l'objet de leur convoitise et le vainqueur retourna vers son maître pour déposer le petit bâton aux pieds de ses pattes.

̶ C'est bien Alucard ! Et toi Blade, sois plus rapide la prochaine fois !

La tipule pouffa de rire et relança le morceau de bois dans l'autre sens. Les deux faucheurs partirent à nouveau se disputer leur os !

̶ Alors, que faites-vous ici !

Apparemment, les molosses étaient inoffensifs et le vieux gardien avait l'air plutôt sympa. Clono et Bombus se relâchèrent un peu, ils semblaient moins constipés et beaucoup moins tendus,

̶ Disons que nous sommes à la recherche d'un ami !

̶ Ici, il n'y a que moi et mes chiens ! Bien rencontré une mouche du nom d'Épi il y a quelque temps, mais il a réussi à partir !

̶ Ce syrphe est notre ami et nous sommes à sa recherche. Il nous a parlé de vous. On aimerait remonter à la surface et continuer nos recherches !

̶ Je vous dirai bien que c'est impossible, mais moi même j'en sors une fois par semaine pour prendre le soleil. Ça fait du bien pour le teint et en plus ça apporte de la vitamine D !

Les deux compagnons se regardèrent, il y avait donc moyen de remonter dans le tuyau d'aspiration. Mais, à ce qu'Epi leur avait dit, cela ne serait pas chose facile. Escalade, sens de l'orientation, et persévérance. Et ces trois qualités leur manquaient...

̶ Il faut trouver le trou et partir par là, si on m'a bien raconté toute l'histoire ? Lança Clono !

̶ Oui, il faut beaucoup de courage pour sortir d'ici. La petite mouche a tenté 5 fois avant d'y parvenir...

Episyrphe avait quand même menti un petit peu. Quand il avait raconté l'histoire de sa grande évasion, il leur avait dit qu'il s'y était repris en 3 fois...

̶ On n'a pas le temps de s'y rependre 5 fois. On doit sortir du premier coup !

̶ Je me doute bien que vous voulez sortir. Et depuis que j'ai mes chiens, c'est beaucoup plus facile . Ils vous suivront et tisseront des toiles un peu partout le long du chemin. Vous aurez plus facile pour escalader et - enfin redescendre vers la lumière. Et si vous êtes rapides, dans 20 minutes vous serez dehors !

Clono avait eu très peur, il pensait rester coincé dans le sac une éternité ! En plus rien a mangé, ils allaient peut-être mourir de faim... Enfin lui plutôt, Bombus avait pris son sac à dos et il avait sûrement de quoi manger pour un petit moment. Cependant, il y avait une solution. Tout problème avait sa solution ! Bombus et lui allaient sortir de cet engin de malheur nommé aspirateur à juste titre.

Les deux invertébrés montaient la haute pente du tuyau de l'aspirateur. Leurs pattes étant assurées par de la toile d'araignée. Bombus continuait son ascension lorsqu'un de faucheurs passa à côté de lui en mode rappel... il descendait tout doucement le long d'un filament... Le bourdon se remémora le passage d'un film, où la fameuse demoiselle Catherine Zygoptère Jones se retrouve accrochée à un filin dans le vide en fâcheuse posture !

La descente ne fut pas aussi épique que ça, les toiles d'araignée laissant des appuis surs. Chacune de leurs pattes était assurée par cette soie gluante particulière aux arachnides. Au fond du puits, une douce lumière se laissait deviner...

̶ Courage, on arrive au bout du tunnel mon Clono !

Le phasme devait être terrifié, il avait horreur du vide. Le bourdon lança une tape amicale sur l'épaule de son compagnon de cordée. Il fredonnait l'air de spider-man...

̶ On arrive !

Leurs pattes touchèrent enfin le fond du gouffre et la lumière se trouvait devant eux. Il ne restait plus qu'à passer une chicane et ils se retrouveraient enfin libres !


Du fond de son sac, le maître des lieux attendit le retour de ses deux animaux de compagnies. Il enviait un peu ces gens du voyage qui ne restait jamais longtemps au même endroit, des nomades...

̶ Qu'est-ce qu'on est bien ici !


Chapitre 24


La femme quitta le vestibule pour se diriger vers l'homme avec qui elle vivait. Coupe en brosse cherchait toujours son drôle de biplan...

Épi s'était réfugié derrière le grand meuble aux 1001 livres. Il haletait, sa respiration était courte. Ses amis étaient dans l'aspirateur au final ! Catastrophe ! Il avait mis des jours à sortir de ce guet-apens.

L'homme finit par perdre patience et stoppa ses recherches, sa femme l'embrassa, coutume identique à chaque espèce apparemment !

̶ Bon, on file à l'aspirateur !

Bagheera s'accrocha à nouveau, décollage à la verticale, un plongeon dans le vide suivit d'une accélération...

̶ OUIIIIIII !

Le couple improbable quitta le salon pour se diriger dans le couloir et rejoindre l'aspirateur. Ce drôle d'engin venait de gober deux des leurs...

Dans le salon, le couple de bipèdes discutait. Cependant une chose intriguait l'entomologiste, un petit détail de la taille d'une brindille ! Par acquit de conscience, il demanda à sa femme,

̶ Tu as démarré l'aspirateur pourquoi au juste, chérie ?

La jeune femme se dirigeait vers ses fourneaux, elle avait une idée, et surtout faim,

̶ Il y avait une branche sur le sol... Je nous fais des gaufres ?

Une branche sur le sol, cette idée le travailla encore un moment, mais il retourna dans ses livres, il devait compiler ses notes sur la petite araignée du Guatemala. Il chassa l'image de cette branche de son esprit.


L'envolée sauvage s'était rapprochée de l'aspirateur. Épi venait de se poser sur la caisse de l'engin dormant. Il savait que ses amis se trouvaient à l'intérieur, coincés et probablement effrayés...

̶ CLONO ! BOMBUS ! Vous êtes là ?

Aucune réponse... il cria plus fort encore !

̶ Il y a quelqu'un là-dedans ?

Bagheera avait peur pour son ami. Peur que ses amis ai disparu, digéré par ce monstre de plastique et de métal hurlant.

̶ Tu crois qu'ils sont toujours en vie ?

̶ J'en suis certain ! Mais, j'ai bien peur que ça prenne du temps pour qu'ils sortent ! CLONO ! BOMBUS !


Plus que quelques centimètres, ils entendaient la voix de leur ami Epi, criant leurs prénoms... C'est Bombus qui sortit le premier de la bouche de la ventouse aspirante, il était suivi par le phasme. Clono avait pris le temps de remercier les deux faucheurs, grâce à eux, ils étaient dehors sains et saufs !

̶ Nous voilà libres !

̶ Libérez, délivrez...

La brindille posa un doigt sur la bouche du bourdon. Non, pas cette chanson, elle restait en tête. Il préférait l'air de spider-man, bien plus adéquat à la situation actuelle,

̶ Le chant, on verra une autre fois Bombus ! Regarde qui voilà !

Le bombardier se retourna, derrière lui son ami Episyrphe accompagné d'une petite araignée ! Il se retourna vers Clono, le phasme était déjà en position mimétique...

̶ C'est bon Cloclo, si elle est avec lui, c'est que tout va bien !

Épi et Bagheera rejoignirent leurs amis, ils se prirent dans les bras et ensembles se dirigèrent vers la cuisine... direction la sortie !

̶ C'est qui cette jeune fille à 8 pattes Epi ? demanda Clono qui venait de se relâcher complètement. L'araignée n'était pas une menace, elle n'était pas sur le dos de son ami pour sucer tout son sang ! Alors, à quoi bon se cacher ! Épi prit la parole, ils allaient repartir par où ils étaient tous entrez.

̶ Une amie, je vous expliquerai quand on sera sorti d'ici !


Chapitre 25


La femelle humaine se trouvait devant la cuisinière, elle venait d'allumer la hotte. Autour d'elle , tout un tas d'ustensiles. Episyrphe sentit une douce odeur sucrée remonter au travers de ses narines...

̶ Des gaufres !

Le plan A venait de tomber à l'eau, remonter par le conduit d'aération était impossible pour le moment. Il fit signe à son équipe de stopper,

̶ On ne passera plus par là ! Par contre, direction la fenêtre, si tout se passe bien, elle l'ouvrira bientôt !

La compagnie d'insecte obtempéra, quand Epi donnait les ordres, personne ne discutait ! Mais, aucun d'entre eux ne comprenait vraiment où il voulait en venir. La fenêtre du salon était fermée... Direction la salle de séjour, ils se cacheraient sous un meuble en attendant l'ouverture de sésame !

L'humaine commença à faire revenir de la graisse végétale dans un moule à gaufre. Une énorme quantité de fumée se dégagea de l'appareil chaud au moment ou elle introduisit la pâte à gaufre liquide. Elle décida d'accélérer la ventilation de la hotte, mais le brouillard ne s'évacuait pas comme elle le voulait. Alors, elle quitta sa cuisine un instant pour aller ouvrir la fenêtre du salon. La fumée s'évacuerait plus vite de cette manière.


Chapitre 26


La phase d'extraction avait commencé. Et, la partie la plus difficile venait de débuter. Remonter Bagheera était facile, mais le sauvetage d'un phasme de belle taille l'était beaucoup moins... Les deux insectes ailés s'étaient mis d'accord. Bombus soulevait le haut du corps et Epi s'occupait de lever le bas ! Le colibri ne leur était d'aucune aide, la fenêtre étant ouverte en oscillot battant et non complètement... L'oiseau ne pouvait s'introduire à l'intérieur de la maison pour prendre le paquet...

Bagheera regardait son ami la mouche donner tous ses efforts pour remonter la petite branche verte !

̶ Allez ! Courage ! Vous y êtes presque !

Plus que quelques centimètres... Les têtes brûlées déposèrent le phasme sur le haut de la fenêtre. La liberté était à leur portée !

Ils sortaient de la maison lorsqu'ils entendirent l'homme crier,

̶ Mon phasme ! Tu as aspiré mon douzième phasme !

Il était temps de rentrer. Mig chargea son fardeau et étrangement, celui-ci ne broncha pas. Clono était exténué, cette matinée l'avait tellement fatigué. Il ne protesta ni ne pesta contre son moyen de locomotion détesté. Bombus avait encore un peu de ressource, il venait de terminer sa dernière friandise, elle était restée dans le fond de son sac quelle chance ! Il fit crisser ses ailes et suivit le colibri.

Episyrphe ramena sa nouvelle amie aux portes de son acacia. Dans sa tête une multitude d'images tournaient. Une certaine impatience de rentrer chez lui le tenaillait. Une envie irrésistible de raconter ses aventures à ses amis le poussait à retrouver le confort de leur creux !Mais, il avait aussi une autre idée en tête, celle de revoir Baghee,

̶ Jeune fille, je te dépose. Mais, je te dis déjà à demain !

La petite araignée descendit du dos de sa monture. Elle avait passé de bons moments en sa compagnie. En plus, Epi venait de lui dire à demain, ses joues virèrent au rose bonbon,

̶ Merci jeune homme ! Je vous dis à demain ! Au plaisir !

Lorsqu'il quitta le pas-de-porte, Episyrphe se retourna une dernière fois vers Bagheera. Elle lui souriait et lui faisait de grands signes. Vivement demain !

Sur sa droite, un curieux bourdon le suivait, sur sa gauche un phasme ailé se rapprochait également, lui aussi avait une drôle d'allure,

̶ Alors, c'est qui cette petite araignée ?

̶ Et, elle s'appelle comment ?

̶ C'est pour ça que tu es parti si longtemps ?

Épi se mit à rire aux éclats. Il regarda ses deux meilleurs amis... la fin de journée allait être longue ! Par où allait-il commencer ?




Fin 







Texte écrit par Stasser Sébastien.


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