Erreur rattrapée

Jean Marc Kerviche


Mon épouse ayant un rendez-vous au cabinet dentaire de l'avenue Franklin Roosevelt, j'avais décidé ce jour-là de l'accompagner en voiture. Oui, étant plus à l'aise assis que debout dans les transports en commun, et surtout compte tenu des risques encourus avec ce satané virus du Covid qui sévit encore à l'heure actuelle, je ne pouvais me permettre de contracter une infection en me mélangeant au tout venant.

Bref, cette sortie imprévue me donnait la possibilité de me changer les idées après des semaines d'inactivité relégué au fond de ma chambre.

Je remarquais en arrivant à destination qu'il n'était plus possible de se garer dans cette avenue pourtant relativement large alors que c'était encore possible quelques années auparavant. Encore un effet Hidalgo de plus, me disais-je en moi-même et je me rabattais dans la rue du Colisée, en me garant à proximité de la rue du Fg Saint-Honoré. Je déposais ma femme et me plongeais aussitôt dans « Lagrande terreur » de Robert Conquest, mon livre en cours de lecture, car je prévoyais que l'intervention qu'elle devait subir allait prendre du temps.

Seulement au bout d'une bonne demi-heure, ma position se révélant fort inconfortable du fait d'une douleur aigüe aux lombaires, je me décidais à faire quelques pas sur le trottoir pour me détendre et me dirigeais tout doucement vers la rue du Fg Saint-Honoré.

Au moment où j'atteignis le carrefour, je me fis aborder par une dame singulièrement élégante me demandant si je connaissais un fleuriste à proximité. Je regardais autour de moi et observais au loin dans la rue de Penthièvre une rangée d'arbustes me laissant supposer que derrière cette haie végétalisée pouvait se trouver un fleuriste et désignant l'endroit, j'invitais la personne à s'y rendre.

            Elle me remercia, et aussitôt s'éloigna dans la direction indiquée.

Néanmoins, je restais dans l'expectative et commençais à douter de mon conseil et, continuant à arpenter le trottoir, passais devant les « Boucheries nivernaises », puis m'avançais vers le traiteur « Dalloyau » pour observer de minuscules macarons de toutes les couleurs et vraisemblablement de tous parfums, destinés pour tous les goûts… mais pas pour toutes les bourses, et finalement une fois avoir détaillé avec attention toute la vitrine, je la dépassais.

Quelle ne fut pas alors ma surprise car je découvris juste après un fleuriste relativement important « Lachaume ».

Ce magasin n'était qu'à une distance d'à peine 30 mètres de l'endroit où j'avais renseigné la dame. 

D'un coup, je réalisais mon erreur et m'interrogeais. Où pouvait être cette dame ? Egarée par ma faute ?

Je regrettais, et commençais à me repentir. Dire que je l'avais envoyée dans une direction que j'imaginais bonne alors qu'un fleuriste se trouvait juste à quelques mètres de l'endroit où elle m'avait interrogé… Il lui aurait fallu faire quelques pas de plus sans me rencontrer pour tomber inévitablement sur la magnifique boutique « Lachaume ».

Je m'en voulais. Où était-elle ? Très certainement perdue dans la rue de Penthièvre dans la quête d'un fleuriste imaginaire.

N'ayant rien d'autre à faire qu'attendre, je me lançais aussitôt pour me rattraper dans la recherche de cette dame pour corriger ma maladresse, et pénétrais à mon tour dans la rue de Penthièvre.

Puis arrivé devant les arbustes de la fameuse haie végétalisée, laquelle dissimulait en réalité les tables en extérieur d'un restaurant, je recherchais en vain dans le lointain la dame disparue. Et sans succès, assez dépité je l'avoue, je tournais mon regard de l'autre côté de la rue, juste en face du restaurant, et là, à ma plus grande surprise, je découvris un autre fleuriste, « Memento Fiori », anciennement « Fleurs Matignon Saint Honoré », dont la boutique plus petite que « Lachaume », se révélait toute aussi exceptionnelle.

La dame était présente à la caisse, vraisemblablement pour régler son dû.

Elle remarqua ma présence, m'adressa aussitôt un large sourire tout en me remerciant ostensiblement.

Rassuré, plutôt soulagé, devrais-je dire, je m'abstenais de lui préciser que je m'étais trompé, puis revenant sur mes pas, je réintégrais mon véhicule, me rasseyais à mon volant et reprenais ma lecture un moment suspendue…

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