et ensuite contre moi

Simon Lecoeur

chapitre 4

Je retournais peu à peu cette violence contre moi même. Je m’isolais de plus en plus et notamment, je me mis à ne plus comprendre les propos qui m’étaient adressés. Le sens n'avait plus de sens, un mot exprimait tout son contraire. Aux paroles d'encouragement, de soutien, j’entendais des critiques. Aux mots de réconfort, je comprenais des reproches. Aux gestes d’affection et de tendresse de maman, des signes de mépris. Dès lors, je vécus dans un double sens qui m’angoissait :ma mère murmurait à mon frère et moi, avant de nous coucher :

"- Je vous aime de tout mon cœur mes chéris,”

mentalement je traduisais par un je vous déteste. À cause de vous, votre père est parti.

Cette rupture me fit plonger dans les tourments de la culpabilité.

Mes parents s’étaient ligués contre moi, dans mon esprit se mêlait confusion, trouble, désordre et sourdes tensions intérieures.

Leurs paroles résonnaient en moi comme des reproches. A ce gamin ayant accompli la plus effroyable action, comme être responsable de la mort accidentelle d’un copain, on lui cache toujours la vérité, on tâche de lui mentir, on raconte que ce n’est pas de sa faute, qu’il s’agit d’un accident… Mais le mensonge est bien trop gros ! L'enfant que j’étais n'entendais rien aux discours tranquillisants et je continuais à pleurer de honte et de détresse. Dès lors je pénétrai dans un univers jusqu’alors inconnu et je découvris, avec ce premier drame un accablant sentiment de solitude. Cette détresse nouvelle me fit ne plus avoir confiance en personne ni en moi-même.

Avant de m'endormir, je me noyais dans un flot de questions sans réponse. Ce fut l’occasion de m’interroger sur le sens de ma jeune vie.

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