Et maintenant, que fait-on ?

Marguerite De Branchus

En ce dimanche aussi morne que les dimanches de toute une vie réunit, maintenant que le monde va mal, que la liberté de penser se fait la malle, maintenant qu'on est tous des Charlie, que fait-on ?

En regardant mon crayon qui détient ma liberté d'expression, attablée à la table de mon atelier d'écriture, je ne peux m'empêcher de me poser la question. En regardant cette petite âme qui soufflera sa première bougie en 2015, année qui a commencé sous les feux sanglants des kalachnikovs. En regardant ces millions de personnes qui ont enfilé leurs gants et ravalé leurs larmes pour crier dans la rue leur colère et leur tristesse d'un monde qui tourne plus rond. En ce dimanche aussi morne que les dimanches de toute une vie réunit, maintenant que le monde va mal, que la liberté de penser se fait la malle, maintenant qu'on est tous des Charlie, que fait-on ?

Maintenant qu'une équipe entière de rédaction s'est fait tuer à bout portant, maintenant qu'on a tous passé une après-midi le sang glacé à attendre le dénouement malheureux de deux assauts qui ont paralysé la France tout entière, maintenant qu'on a tous l'impression de manquer d'air dans ce pays où faire des courses dans un supermarché devient un parcours du combattant dans lequel on n'est pas sur de ressortir vivant, maintenant que tout le monde est choqué et meurtrie, maintenant qu'on se dit tous que oui pour de bon on vit dans un monde de fous, maintenant que les armes et le sang viennent faire la guerre aux crayons et aux pinceaux, que fait-on ?

Quand la semaine à démarrer à coup d'attentats terroriste, tu as perdu pied puis le sourire et la foi. Puis une marée humaine s'est spontanément rassemblée et des milliers de bougies se sont allumées au quatre coins du pays. Dix-sept morts plus tard, la France saigne mais se rassemble. On est alors tous devenu Charlie, on a tous eu les larmes aux yeux et une boule dans la gorge en regardant en boucle les bandeaux des chaînes d'information qui ont nous plongé dans un marasme ambiant et une morosité bien vivante. Et puis tous les Charlie ont attendus cette fameuse marche, cette vague humaine, cette randonnée poignante pour un monde meilleure où chacun allait pouvoir cirer haut et fort : je suis Charlie, tu es juif, il est policier, nous sommes tous français.


On a fini par voir ces chefs d'états qui se serrent en rang d'oignon comme sur les bancs d'école, ces drapeaux français qui s'agitent au nom de la paix, ces millions de personnes qui se sont rassemblées pour montrer qu'on ne baisse pas les bras, qu'on est là … Et finalement maintenant 50 chefs d'états, 3,3 millions de manifestants et 17 morts plus tard, on a encore la tête à l'envers et le regard brouillé. Et là tu te dis en ce dimanche soir, c'est beau cette marée humaine, c'est touchant tous ces Charlie et maintenant  ? C'est la question que l'on se pose tous. En l'espace de quelques jours, on est devenu Charlie mais demain matin en redevenant monsieur tout-le-monde quand le réveil sonnera, que ferons-nous pour redresser le monde ?


2015 a commencé à feu et à sang. Personne ne peux pas faire comme si rien ne s'était passé. A ton échelle, à ton niveau, à hauteur d'homme, tu te dis que toi aussi tu dois t'engager. Contre le feu et le sang, il ne peut en être autrement. Alors en regardant cette petite âme qui s'éveille au monde de demain, tu te dis que la vie continue et que c'est dès maintenant que tu dois agir. Un 11 janvier et 17 morts plus tard, tu te fais la promesse de tout faire pour lui apprendre à aimer à tort et à travers, à pardonner, à s'ouvrir aux autres, à se cultiver, à se faire son propre opinion, à s'engager pour la liberté, à se battre pour défendre ses valeurs et surtout à toujours garder espoir. 

Après la tristesse et le chaos, laissons place à l'espoir pour tous les futurs petits Charlie qui grandissent tout près de nous et qui feront le monde de demain.


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