Et Soudain... Un sourire
robert-henri-d
Et soudain un sourire
La nuit s’annonçait triste et morne, c’était une de ces nuits où les idées tout comme les gens se bousculent sans s’excuser. Marc entra par hasard dans ce bar de la rue, Monsieur le Prince ; il commanda un demi et s’installa sur les ressorts épuisés de la banquette de cuir en détresse. L’atmosphère enfumée semblait vouloir se joindre à l’image floue qu’il se faisait de son avenir: Sara l’avait quitté pour l'amour d'un autre destin que le sien…Et son monde était devenu vide de sens; oh, certes elle était à peine plus qu'une amie à qui il s’était toujours confié…Une amourette d'enfance, mais il ne pouvait se faire à l’idée qu’elle allait se marier bientôt à un autre que lui, alors qu'il l'avait toujours aimée en secret. Marc porta son verre à ses lèvres, mais l’amertume de la bière s’insinua aussitôt jusque dans son cœur nostalgique: un cœur esseulé et timide de jeune homme trop romantique.. Un cœur de poète plus blues que rocker. Son regard vaguement contemplatif semblait s’extasier devant le contenu de son verre, comme s’il s'attendait que le liquide jaunâtre et mousseux allait se muer en une coulée d’or transparent…Sa pensée délirait doucement au rythme des bulles échappées qui crevaient la surface d'une mer prisonnière. C’était comme si rien ne pourrait contenir l’esprit fuyant du breuvage…Marc aurait voulu s’enfuir lui aussi de cette façon, rejoindre l’éther à jamais, ou ne plus rien ressentir que l’osmose d’une forêt peuplée d'essences animées et dansantes: parmi des fée amoureuses des humains, ou encore vivre sur une île, en solitaire enchâssé: ne rien entendre que le chant des baleines, et surtout pas cette musique que diffusait le juke-box! Création dissonante d’un tumulte de sons destinés à être consommés par déconsidération d’une société dévoreuse de produits paramétrés, qui le renvoyait à préférer son amertume bien à lui, celle d'un garçon trop romanesque dont la naïveté désenchantée en devenait presque lyrique. Tiens ! par exemple: parlons de sa poésie... Aussi bien étouffée par l’individualisme contemporain que comme dans une bulle de béton... Mon! Sa sphère à lui était tout autre: cristalline et légère, comme la voix dans son oreille, sibylline, imaginaire, qui par-dessus le vacarme ambiant lui répétait inlassablement la chanson du phoque blanc:
-« dors, mon baby, la nuit est derrière-nous … ».
Pour Marc, ‘Le livre De La jungle’ s’était refermé depuis longtemps, seuls des loups vivaient dans Paris ! Alors, comment pourrait-il à présent y rencontrer une tendre égérie? Pourtant, celle qui comme lui souhaitait que le monde fût autrement plus serein était bien vivante, réelle… Et juste derrière lui !
Jolie brunette de vingt fleurs, seule, attablée devant son café froid, Martine le regardait songeuse depuis un moment, et bien que le jeune homme lui tournât le dos, elle pouvait voir son image inversée dans le tain flétri à l’opaque d'un vieux miroir affiché comme chiche ornement affligeant collé au mur opposé, l'entité de verre lui dessinant un portrait noyé qui se renvoyait comme la vague, dans l'océan de ses pensées moroses…
Et puis, la voix nostalgique de Marc qui s’était mis à fredonner lui parvint doucement jusqu'à ses tympans:
-« Dors, mon baby, la nuit est derrière nous, et noires sont les eaux qui brillaient si vertes »
-« c’est joli ! »
Les mots avaient fusé spontanément !
Surpris le jeune homme se retourna...
Alors, un sourire complice éclaira leurs beaux visages…
Robert Henri D
Et soudain un sourire
La nuit s’annonçait triste et morne, c’était une de ces nuits où les idées tout comme les gens se bousculent sans s’excuser. Marc entra par hasard dans ce bar de la rue, Monsieur le Prince ; il commanda un demi et s’installa sur les ressorts épuisés de la banquette de cuir en détresse. L’atmosphère enfumée semblait vouloir se joindre à l’image floue qu’il se faisait de son avenir: Sara l’avait quitté pour l'amour d'un autre destin que le sien…Et son monde était devenu vide de sens; oh, certes elle était à peine plus qu'une amie à qui il s’était toujours confié…Une amourette d'enfance, mais il ne pouvait se faire à l’idée qu’elle allait se marier bientôt à un autre que lui, alors qu'il l'avait toujours aimée en secret. Marc porta son verre à ses lèvres, mais l’amertume de la bière s’insinua aussitôt jusque dans son cœur nostalgique: un cœur esseulé et timide de jeune homme trop romantique.. Un cœur de poète plus blues que rocker. Son regard vaguement contemplatif semblait s’extasier devant le contenu de son verre, comme s’il s'attendait que le liquide jaunâtre et mousseux allait se muer en une coulée d’or transparent…Sa pensée délirait doucement au rythme des bulles échappées qui crevaient la surface d'une mer prisonnière. C’était comme si rien ne pourrait contenir l’esprit fuyant du breuvage…Marc aurait voulu s’enfuir lui aussi de cette façon, rejoindre l’éther à jamais, ou ne plus rien ressentir que l’osmose d’une forêt peuplée d'essences animées et dansantes: parmi des fée amoureuses des humains, ou encore vivre sur une île, en solitaire enchâssé: ne rien entendre que le chant des baleines, et surtout pas cette musique que diffusait le juke-box! Création dissonante d’un tumulte de sons destinés à être consommés par déconsidération d’une société dévoreuse de produits paramétrés, qui le renvoyait à préférer son amertume bien à lui, celle d'un garçon trop romanesque dont la naïveté désenchantée en devenait presque lyrique. Tiens ! par exemple: parlons de sa poésie... Aussi bien étouffée par l’individualisme contemporain que comme dans une bulle de béton... Mon! Sa sphère à lui était tout autre: cristalline et légère, comme la voix dans son oreille, sibylline, imaginaire, qui par-dessus le vacarme ambiant lui répétait inlassablement la chanson du phoque blanc:
-« dors, mon baby, la nuit est derrière-nous … ».
Pour Marc, ‘Le livre De La jungle’ s’était refermé depuis longtemps, seuls des loups vivaient dans Paris ! Alors, comment pourrait-il à présent y rencontrer une tendre égérie? Pourtant, celle qui comme lui souhaitait que le monde fût autrement plus serein était bien vivante, réelle… Et juste derrière lui !
Jolie brunette de vingt fleurs, seule, attablée devant son café froid, Martine le regardait songeuse depuis un moment, et bien que le jeune homme lui tournât le dos, elle pouvait voir son image inversée dans le tain flétri à l’opaque d'un vieux miroir affiché comme chiche ornement affligeant collé au mur opposé, l'entité de verre lui dessinant un portrait noyé qui se renvoyait comme la vague, dans l'océan de ses pensées moroses…
Et puis, la voix nostalgique de Marc qui s’était mis à fredonner lui parvint doucement jusqu'à ses tympans:
-« Dors, mon baby, la nuit est derrière nous, et noires sont les eaux qui brillaient si vertes »
-« c’est joli ! »
Les mots avaient fusé spontanément !
Surpris le jeune homme se retourna...
Alors, un sourire complice éclaira leurs beaux visages…
Robert Henri D