Faits Divers

C'est une situation qui l'aurait horrifié il y a 10 ans mais qui ne semblait plus le surprendre. Ce n'est que la nuit tombée lorsqu'il tirait un court bilan de la journée écoulée qu'il prit conscience du mal. Celui-ci tenait en une expression pourtant anodine : faits divers. Derrière cette appellation se cachaient toutes sortes d'événements, des plus anodins aux plus tragiques. On pouvait certes trouver que les faits divers avaient quelquefois tendance à être l'arbre qui cache la forêt, surtout quand ces derniers avaient un caractère exceptionnel qui n'était pas lié à un quelconque problème politique ou de société, mais là n'était pas le plus gênant. Ce qui le troublait le plus, c'était l'excitation qui agitait la hiérarchie de son journal à chaque petite nouvelle sans aucun intérêt.

L'exemple qui lui revenait à l'esprit était symptomatique. Le matin même, le rédacteur en chef était rentré en furie dans les bureaux en s'écriant : "on a un feu de poubelle dans le quartier Saint-Vincent, Cédric est sur place, dès qu'il revient, on met l'info sur le web et on fait une tête de page pour demain." Cyril osa poser la question qui le démangeait : "mais à part le feu, il y a quoi, un immeuble a-t-il été évacué, la police est sur place ?" "Non, il n'y a plus rien, ça a duré 20 minutes mais tu peux croire que ça va faire du clic sur le site. Ne réfléchis pas, fais ce que je te dis, c'est l'été, on n'a pas grand chose." Cyril n'eut même pas le temps de répondre que son supérieur était déjà reparti.

Ce n'est que le soir qu'il repensait au ridicule de son rédacteur en chef et à la futilité de cette information. En 30 pages, il y avait bien mieux à faire...