Fantasme de voyageuse
mamiefromtheblock
Il a une barbe qui lui donne un air encore juvénile. Pas le petit duvet de prépubère, mais des poils recourbés formant des petits paquets blonds, parsemés sur son visage angélique. Il a 31 ans, des muscles secs et saillants témoignant des années de travail manuel sur sa parcelle et qui viennent lui ajouter quelques années de maturité.
Je souris niaisement en lui serrant la main, tout en essayant de deviner ce qu'il se passe sous ce tee-shirt négligé. Je contemple la force de ses avant-bras que j'imagine m'enlacer. Ses mains assurées glissent jusqu'au creux de mes reins. Sa paume se pose sur mes hanches, sans bouger, comme pour me narguer.
Son sourire est divin, je réponds en dodelinant de la tête. Mes yeux brûlants et mon déhanchement trahissent mes accès de chatte en chaleur.
Un instant, son tatouage tribal qui recouvre son mollet me refroidit. Faute de goût. Celle qui trahit une adolescence bercée par le rêve de ressembler aux surfers australiens adulés dans les magazines. Ces mêmes qui font couiner les pucelles dans leur chambre d'ado, quand elle découvrent à quoi servent le berlingot coincé entre leurs jambes.
Je l'interroge. Que fait-il sur cette île, au bout de ce chemin de côte, sur cette péninsule isolée où il faut ramener à pied les litres d'eau potable achetés au village voisin ? « Je lis, je mixe de l'électro, j'écris ». Le voilà, le cliché du Robinson aux poches percées. C'est le mec que tu ne peux pas t'empêcher de dégommer. La vraie vie ne l'atteint pas, lui. Le boulot qui te fait chier, les mômes à nourrir, les mecs qui lâchent des gros pets de diesel dégueu avec leur vieux tacots et qui creusent la tombe de la planète, les gamines qui se font enlever par Boko Haram, les tarés nord-coréens qui s'amusent avec la bombe atomique… Il est loin de tout ça, notre bohémien sur son île.
Mais c'est aussi le mec que tu as envie de baiser et d'épouser. Parce que la nature l'a généreusement pourvu, mais surtout parce que sa vie de va-nu-pieds réglée au rythme des éléments, finalement, toi aussi tu la veux plus que tout.