Fausse route sur l'autoroute

pacale

DOCUMENT 1

 

Episode 1OUPS !-Au moment de repartir du relais routier situé au bord de l’autoroute A666, François et Mélissa (les parents), Mathieu (le fils ainé, un préado boutonneux accro à son portable), Papy Jules (le grand-père dont l’esprit commence à errer spasmodiquement quelque part parmi les étoiles) et enfin Youpi (une adorable balayette à quatre pattes très vite devenue la « peluche mascotte » de ce tout ce petit monde) doivent se rendre à l’évidence. Julie, la petite dernière de cette famille a disparu alors qu’elle était partie chercher Youpi. Non sans mal, et grâce à Mélissa, ils réussissent à trouver une femme qui dit se souvenir avoir vu une petite fille correspondant au portrait de Julie. Elle serait montée avec un vieux monsieur dans une voiture rouge …

 

Episode 2 – VOUS AVEZ DIT : « POLICE » ?! Arrivée de la police //Du coup François et Mélissa voient rouge et décident très vite prendre les choses en mains//et puis Papy Jules découvre une récente inscription sur le mur des toilettes faisant allusion à une "Julie" partie au relais routier suivant. Scission de la famille…

Episode.O ! RAGEs ! O NUIT BLANCHE ! Pourquoi ce couillon de Noé n’a-t-il pas tué les moustiques ? Il s’en passe de belles à la station suivante où un orage éclate entre François et Mélissa tandis que des trombes d’eau s’abattent sur le 1°relais//Mathieu se fait un copain pas ordinaire..//.. vague ressemblance physique d’un client avec le portrait-robot du pédophile recherché activement dans la région !...

 Episode 4 – IL N’Y A PAS D’ÂGE..//… Disparition puis réapparition très singulières d’un corbillard sur la station //marche arrière toute pour François et Mélissa // La police fait encore des siennes..//.. Mathieu mène son enquête toujours aidé par son nouveau copain un peu barjot…//….Intervention d’une voix mystérieuse sur l’aire de la disparition…

 

Episode 5 - GALERES pour François et Mélissa...//… Pas d’amélioration pour le tandem M.P.Y..//.. Cette fois, « La voix » exige le silence, prête l’oreille et comprend très vite qu’elle entend quelque chose d’énorme …

 

Episode 6 –REUNION DE FAMILLE, Julie en moins…//… La « voix », elle, décide de délivrer sa victime, d’aller avouer son forfait mais aussi de dénoncer les malfaisants. Bien mal lui en prend !

Episode 7 – YOUPI DECOUVRE UN CADAVRE  celui de la kidnappeuse. Il s’avère que la morte n’était pas n’importe qui

Episode 8QUELS TRAFICS !

Episode 9FIN du trafic abject d’un groupe qui prenait le relais pour couverture..//..Est-il trop tard pour retrouver Julie saine et sauve ?…

 

Episode 10 – OUF ! Happy end!!! Sauf pour Youpi.

Document 2

« Comment ça, elle est partie chercher Youpi ?!! Mais il est là Youpi !! » Cela fait déjà un bon moment que François s’impatiente, qu’il éructe. Il désigne le petit yorkshire qui jappe joyeusement à ses pieds en frétillant de la queue. C’est sa façon à lui de dire qu’il est heureux d’être le point de mire de ses maîtres. De toute évidence ce clebs est complètement inconscient du drame qui est en train de se jouer sur le parking de ce relais routier. À savoir que Julie, sa petite maîtresse, a disparu ! François peste contre ce fichu retard. Ils ont encore un bout de chemin à parcourir avant de voir la mer. Il avait prévu de piquer une tête dans l’eau fraîche avant le coucher du soleil. Il en rêve de ce plongeon régénérant, cela fait un an qu’il en rêve. Ah ! Ces vacances ! Finis les courbettes et les salamalecs qu’il doit effectuer bon gré mal gré envers sa hiérarchie de ploucs ! Aux oubliettes cravate, costard à deux balles ! Oui ! Vive les vacances !

Jusqu’ici, il a respecté son timing. Il a réussi à embarquer bon an mal an femme, enfants et grand-père à l’heure dite. Une prouesse. Même que devant sa détermination le grand-père s’est astreint à dormir tout habillé sans que l’on puisse dire si c’était pour échapper à la douche ou par réel souci de ne pas se faire attendre. De plus, en bon pater familias organisé, François s’était débrouillé pour que son ex lui remette leurs deux enfants la veille du départ. Et chose rare, il l’avait trouvée plutôt coopérante, presque conciliante. Maternelle jusqu’au stoïcisme, elle avait complaisamment préparé des valises emplies de linge propre pour Mathieu et Julie. À n’en pas douter cette bonne volonté, un peu trop bonne pour être honnête, devait être chargée d’un message bien senti. Il aurait même juré que ce message s’adressait à Mélissa, LA nouvelle épouse, sa remplaçante. Depuis deux ans ils fonctionnent ainsi conformément à la décision du juge lors de leur divorce : à elle les enfants pendant la période scolaire ; à lui Youpi, l’adorable petit chien qu’il a aussitôt adopté et qui est très vite devenu la coqueluche de la famille.

« Julie a dû se perdre en cherchant Youpi » propose timidement Mélissa. Elle est visiblement impressionnée par la folie furieuse qui vient de s’emparer de son compagnon. Jamais elle ne l’a vu dans cet état.

«  Eh oui, ça peut arriver à tout le monde de se perdre, essaie de tempérer Papy Jules,  tiens c’est comme moi, l’autre jour, en allant chercher mon pain… » Il est très vite interrompu par François que décidément la contrariété rend impatient.

« Mathieu, va chercher le nounours de Julie s'il te plaît ». Puis, devant l’inertie de ce dernier : « Mathieuuuuu !!!!! Laisse ce portable tranquille ou je te le confisque et va chercher le doudou de ta petite sœur !

L’adolescent, se dirige en traînant des pieds vers Orlando, la Chevrolet 7 places bourrée jusqu’à la gueule de bagages, planches de surf, boules de pétanque, houlà-up, parasol, et autres accessoires soi-disant indispensables pour profiter au maximum de la plage. Pour les vélos, il était prévu qu’ils en loueraient sur place. L’ado revient les mains vides et lâche laconiquement :

« Elle a dû l’emporter avec elle.

–  Toi, on t’enverra chercher la mort !

Mais déjà, rapide comme l’éclair, Mélissa revient avec un gilet de couleurs vives et le tend à François qui le lui arrache presque des mains pour le flanquer sous la truffe de Youpi.

« C’est ce que font les policiers avec leurs chiens pour retrouver les disparus » juge-t-il bon d’expliquer « Allez, cherche Youpi ! ». Le chien, un peu cabot, ne se fait pas prier. Puisque son maître veut jouer il est d’accord. Il prend le gilet et détale à l’autre bout de la station pour disparaître derrière un petit buisson épineux et il commence d’arrache-pattes à enfouir bien profond dans le sol son trésor en laine.

« Bon, je vais le chercher avant qu’il ne se retrouve chez les Chinois » dit le grand-père

Mathieu n’aurait pas dû rire, il reçoit de plein fouet la gifle que lui assène François. Une vraie gifle. Une gifle qui compte. C’est presque un coup de poing. À moitié sonné, Mathieu met un millième de seconde pour réaliser que son père vient de lever la main sur lui. Il lui faut quelques secondes encore pour l’intégrer. Son père à lui, celui que sa mère biologique cite en exemple à longueur de temps, est capable de commettre l’une des pires injustices qu’un père peut commettre : se décharger du poids de sa contrariété sur son fils qui n’y est pour rien. Cette fois, tous deux en sont conscients. Le rapport entre le père et le fils vient d’en prendre un sacré coup. Leur séjour à la mer ne pourra pas réparer les dégâts. Profondément blessé dans son amour-propre de pré adulte, Mathieu s’enfuit vers le cross over familial garé à l’ombre sur le parking. Il est suivi de près par Mélissa plus “pédo-machin-chose” que jamais. Il sanglote dans ses bras. De quoi a-t-il l’air ? Corrigé comme un gamin et humiliation suprême, devant tout le monde encore ! Oui, de quoi a-t-il l’air, maintenant ? Mélissa tente de le consoler. Les clients ? Il faut oublier. Il ne les connaît pas. Il n’a qu’à s’en foutre ! Mathieu doit savoir que François s’en veut terriblement. Il n’a pas voulu le frapper. Cette gifle c’est à lui qu’il l’a donnée. Il s’en veut de ne pas avoir été plus vigilant. Il s’en veut tellement. Il tourne en boucle depuis la disparition de Julie. Il se dit qu’il n’aurait pas dû relâcher sa surveillance. Il croyait que Papy s’occupait d’elle. Mais voilà ce n’était pas le cas. Il regrette. Il se répète qu’il n’aurait pas dû. Qu’il s’était un peu trop vite autorisé à relâcher son attention. Mais après toutes ses heures de conduite. Il ne faut pas lui en vouloir. Et puis… là, après quelques secondes d’hésitation, elle ose : « Il manque d’entraînement. Il est si peu souvent investi de sa casquette de chef de famille. Être responsable de jeunes fussent-ils ses propres enfants le dépasse un peu. » Mathieu essuie ses joues. L’une d’elles a gardé l’empreinte des doigts de son père. Il réfléchit. Bien sûr, il sait tout ça. Mais jamais il ne l’admettra. Surtout si c’est sa belle-mère qui le lui dit. Finalement, il accepte à titre exceptionnel de se la jouer bon enfant. Va pour un statuquo.

Resté seul François rumine. Indécrottable, il en veut à sa fille. Celle par la faute de qui tout cela vient d’arriver. Tout de suite après il s’en veut de lui en vouloir. Il ne s’aime pas. Il doit se ressaisir. « Mais où peut-elle bien être cette gamine » et aussitôt décide qu’il est urgent de mettre sur pied un véritable plan d’investigation. D’abord ne pas s’affoler. Jusqu’à présent il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Le relais routier n’est pas si grand.

« Tu ne devineras jamais. Youpi a trouvé un os énorme, mais manque de chance il était pris dans la pierre ! Fossilisé quoi !

– Écoute Papy tu vas rester ici et garder la voiture avec Youpi pendant que Mathieu, Mélissa et moi allons faire le tour du relais et demander aux clients s’ils ont aperçu Julie.

– Je pourrais peut-être rester ici pour garder Papy ? » Lance Mathieu. Sursaut de l’aïeul qui rétorque un peu vexé : « Sache bonhomme qu’à mon âge je n’ai pas besoin de nounou !

– Enfin… je voulais dire… pour te tenir compagnie Papy ! » Mais l’affaire est pliée, il ne peut plus échapper à l’opération orchestrée par son paternel. Cependant, Mathieu peut au moins limiter son champ de recherches alors il propose : « Bon, ben… Puisque c’est ça, je m’occupe du parking ! » Et il part en courant pour ne pas être stoppé dans son élan.

François et Mélissa se regardent. François a perdu de sa superbe. Pourquoi est-ce à lui de diriger les événements ? « Mais parce que Julie est sa fille, la chair de sa chair » lui répond sa petite voix intérieure.

« Veux-tu t’occuper du bac à sable ? » s’entend-il demander à sa compagne. Celle-ci lui sourit. Sa qualification d’assistante maternelle l’a rompue aux relations avec les parents de jeunes enfants. Il ne lui sera donc pas compliqué d’interroger les quelques adultes regroupés autour des inévitables portique, toboggan, balançoire mis à disposition des petits. Cela ira vite, le soleil est dissuasif en ce milieu de journée. Elle ne discute pas et la voilà partie vers l’aire de jeux avec au cœur la ferme espérance de revenir avec Julie.

François, lui, se dirige vers le bâtiment de briquettes joliment fleuri. C’est là qu’ils viennent de joyeusement se régaler d’un déjeuner simple certes, mais suffisamment plantureux pour leur permettre d’attendre le dîner. Ah ! Comme il voudrait déjà y être à ce dîner à six ! Sa petite famille réunie au complet, tous, ensemble, dans le gîte loué comme chaque année dans ce petit village au bord de la mer ! Enfin, c’est ce qu’il espère. Cela fait un moment qu’il a tracé une croix sur son plongeon de reconnaissance dans l’eau salée. C’est tellement secondaire.

Il entre. L’endroit est bondé. La table qu’il occupait tout à l’heure avec tous les siens est prise. Il s’efforce de ne pas se laisser aller à la nostalgie de ce passé proche où la disparition de Julie n’existait pas encore. Discipliné, plein de sang-froid, il prend place dans la file d’attente et commence à préparer ses mots. Il mesure l’importance de l’enjeu. Il doit être précis, efficace. Cela lui enlève le peu d’assurance qui lui reste. Il a l’impression que le comptoir lui a foncé dessus à la vitesse grand V quand il entend :

« Et pour vous, qu’est-ce que ce sera?

– Julie !». Il lui a suffi d’un mot. Il a les mains moites, la gorge sèche, une petite rigole de sueur lui coule entre les épaules, descend jusqu’à sa chute de reins

– Pardon ? Excusez Monsieur, mais nous ne faisons pas de cocktails

– C’est moi qui m’excuse. Julie c’est le prénom de ma fille. Je la cherche. Vous ne l’auriez pas vue ?

– Peut-être. Elle ressemble à quoi votre fille ?

– Ben, elle est jolie, elle sourit tout le temps, elle est blonde, elle zozote un peu, mais ça devrait passer avec l’âge

– Quel âge a-t-elle exactement votre fille ? Comment est-elle habillée ? » Lui demande un peu agacé le serveur qui visiblement n’aspire qu’à passer au client suivant d’autant qu’il voit la file d’attente s’allonger rapidement derrière François. Normal. Chaque mois de juillet, à cette heure, le comptoir est pris d’assaut.

Pour l’âge de Julie, François répond sans hésitation : « 10 ! », mais pour dire comment elle est vêtue, le voilà tétanisé. Son impossibilité à répondre le glace. Il l’ignore. Il n’a pas fait attention. Il s’en veut. Quel genre de père est-il donc pour ne pas être capable de dire comment sa propre fille a choisi de s’habiller ? Pas plus tard qu’aujourd’hui ! Ce matin ! Honteux, il opte pour la lâcheté. Il préfère mentir et bafouille : « Je l’aperçois là-bas excusez-moi » puis il se fond dans la masse des vacanciers venus se restaurer. Une nouvelle question le travaille à présent : va-t-il être obligé de revenir au point de ralliement et d’expliquer au reste de la famille qu’il n’a pas su décrire la façon dont était vêtue sa fille au moment de sa disparition ? Impensable !Un autre que lui l’aurait fait. Pourtant, il choisit la persévérance « pure idiotie », pense-t-il, mais il respire un grand coup et se dirige vers le kiosque à journaux. Là, il jette son dévolu sur une femme occupée à faire tourner le présentoir où sont exposées les cartes postales vantant les curiosités touristiques de la région.

« Pardon Madame » commence-t-il obséquieusement « Auriez-vous aperçu une fillette blonde d’à peu près l’âge de la vôtre ? ». La dame, d’abord surprise, sursaute, regarde François puis la gamine qui se tient à côté d’elle et, après lui avoir tacitement attribué l’autorisation de l’aborder aussi cavalièrement, elle lui répond par la négative : « Non, désolée, elle n’a pas vu de petite fille blonde avec l’air d’être égarée » et « Non, cette petite fille à côté d’elle n’est pas la sienne. » François n’insiste pas. Il s’apprête à partir, mais la scène a duré assez longtemps pour permettre à un homme de venir vers eux les sourcils froncés. À tout coup un jaloux qui a quelque chose à voir avec la femme qu’il vient d’aborder. En tous les cas la vision est impressionnante à mesure que l’individu approche il semble se détacher du décor jusqu’à ce que son gabarit ressemble à celui d’un joueur de basket. François se demande comment il a fait pour ne pas le remarquer avant ? Il domine d’une bonne tête la foule amassée autour des divers points de ravitaillements. Lui au moins il bénéficie d’un point de vue imprenable. Aussi, avant que le moindre mot agressif ne soit prononcé par le nouvel arrivant, François prend l’initiative de l’échange qui paraît maintenant inévitable.

« Bonjour Monsieur, » commence-t-il la main tendue, le sourire engageant « je demandais à Madame si elle n’avait pas aperçu une fillette blonde. C’est ma fille et je la cherche en vain depuis une demi-heure. »

Ouf ! Non seulement il a réussi à faire sauter la soupape de sécurité, mais la cocotte-minute humaine qui déboulait sur lui en pleine ébullition se montre à présent compatissante : « Comment est-elle habillée votre fille ? »

C’est le coup de grâce pour François.

Tout penaud, il revient vers sa voiture. Il espère que Julie est revenue, gaie, riant de son rire clair qu’il aime tant, sautillant autour de son grand-père, jouant avec Youpi comme si sa disparition n’avait pas eu lieu.

« Alors ? Demande Papy Jules en le voyant revenir

– Alors rien. Dis, Papy, tu ne te souviens pas, toi, de ce que portait Julie avant de disparaître ?

– Ben, son petit gilet bariolé bien sûr ! Elle ne le quitte jamais.

– Elle avait un tee-shirt blanc à rayures orange

– Tu en es certain, Mathieu ?

– Oui même que je l’ai traitée de poisson-clown

Le soulagement que procure l’information est tel, que François en oublie presque d’interroger Mathieu sur ce qu’il a pu glaner comme renseignements auprès des automobilistes.

« Tu sais, la plupart on reprit la route.

– À ce train, tu devrais changer la voiture de place parce que le soleil tourne et si je dois rester ici à la garder avec Youpi nous ne tenons pas à griller sur place. On a beau dire que la chaleur c’est bon pour les douleurs…

– OK Papy, j’ai repéré un endroit abrité » l’interrompt une fois de plus François qui n’est pas d’humeur à l’entendre se plaindre. Il sait qu’il n’a ni le courage ni la patience de le suivre dans ses apitoiements en ce moment. Tout le monde en voiture nous y allons tout de suite ! »

« Pardon, Monsieur vous n’auriez pas vu une Chevrolet de couleur verte ? Le modèle Orlando, 7 places? Il était garé ici. il y a encore quelques minutes ? » Explique-t-elle gesticulations à l’appui. Le cœur de Mélissa bat à tout rompre. Elle sent ses jambes trembler. Où sont-ils passés tous ? Ce n’est pas possible ! Ils n’ont pas pu l’oublier ! Là ! Au milieu de nulle part ? Elle flageole. Prend le parti d’aller s’asseoir sur un banc déserté parce que placé en plein soleil et se met à réfléchir. D’abord elle fait le point. Non, elle ne se trompe pas. Ils se sont garés à cette place. Puis elle fulmine : « Qu’est-ce que c’est que ce relais de merde où les gens disparaissent comme ça ? ! » Enfin, elle s’en veut de ne pas avoir écouté François. Elle aurait dû prévoir un pique-nique comme il le lui avait demandé. Ils ne se seraient pas arrêtés ici. Et puis elle recommence : primo ils se sont bien garés à cet emplacement, secundo elle ne s’est pas trompée, etc. Mais elle a beau tourner et retourner le film dans sa tête elle ne voit pas où se trouve l’explication de cet acharnement que le sort s’applique à déployer pour les empêcher de profiter de leurs vacances.

« Eh ! Ma p’tite dame faut pas rester là ! Vous risquez une insolation !

– Oh ! Monsieur ! Si vous saviez ! Partez vite ! Ce relais est maudit ! Croyez-moi ! Les gens disparaissent ici! Je viens de perdre mon compagnon, ses deux enfants, son père, notre chien, un petit yorkshire adorable qui remue de la queue quand on lui parle, et même notre voiture ! Une grosse ! Verte! Oh Monsieur fuyez avant qu’il ne soit trop tard !

-– Eh bien vous êtes plus atteinte que je n’le croyais. Bon, venez avec nous prendre un rafraîchissement, c’est moi qui vous l’offre !

– Que dis-tu Maurice ? Il n’en n’est pas question ! Laisse cette pauvre femme tranquille !

Le « pauvre » choque Mélissa. Pour qui la prend-on ? Elle n’est pas folle. Juste un peu confuse, mais on le serait à moins. Blessée dans son orgueil, ça oui ! Elle grimace un sourire avant de se lever, raide et de prendre aussi dignement qu’elle le peut la direction du bâtiment central du relais.

« Mélissa !

Ses oreilles la trahissent-elles ? Est-ce bien son prénom qu’elle vient d’entendre ?

– Méliiissa !

Cette fois pas de doute. François arrive essoufflé précédé de Youpi plus frétillant que jamais !

« Nous sommes allés près des pompes à essence de là nous pouvions te voir arriver, mais l’odeur était trop incommodante, alors nous avons trouvé une autre place sous un arbre, mais de là nous ne pouvions plus surveiller ton retour, c’est pourquoi…bref, nous voilà…

– Rassure-toi je ne me faisais absolument aucun souci, ment-elle

– Alors ? Et Toi, qu’est-ce que ça a donné ? Qu’as-tu trouvé de ton côté ?

– Rien. Pour bien faire, il m’aurait fallu une photo de Julie.

– Malheureusement, celle dont je dispose dans mon portefeuille est trop ancienne. Julie a bien changé. Je n’ai jamais pensé à actualiser le contenu de mon portefeuille. » Mélissa touche le bras de François. « Ne t’en veux pas, tu n’es pas le seul dans ce cas. La vie va trop vite. »

François saisit brusquement la main de Mélissa. «Oui, viens, suis-moi, la vie défile à toute allure, mais pour certains plus que pour d’autres. Si je ne me trompe pas. Je crois savoir où nous avons une chance de nous procurer un cliché récent de Julie.

« Une photo de Julie ? Bien sûr que j’en ai une ! Même que j’en ai plusieurs ! Une d’elle toute seule sur la balançoire du jardin et une d’elle avec Mathieu le jour de la rentrée des classes. Il faut bien que je montre à mes amis du club de loisirs de quoi ont l’air mes petits-enfants !

– Youpi !

– Ouaf ! répond le Yorkshire, les adultes ne l’oublient pas

– Cette fois, on reprend tout à zéro avec la photo. Je retourne de ce pas au buffet. On ne sait jamais et toi Mélissa, retourne à tout hasard au bac à sable, et si cela ne donne rien, rejoins-moi dans le hall d’accueil.

Aussitôt dit, aussitôt fait.

« Dis, Madame, si Superman est tellement malin, pourquoi est-ce qu’il met son slip par-dessus son pantalon ? La question vient d’être posée par un enfant qui tend une BD à Mélissa afin qu’elle puisse constater, preuve à l’appui, le bien-fondé de ce qu’il avance. Il lui sourit.

– Ben, je n’en sais rien.

– C’est ce que me dit ma tata.

– Julien laisse la dame tranquille. Bonjour Madame, veuillez excuser Julien, c’est un très gentil petit garçon, mais il est un peu spécial.

– Julien avez-vous dit qu’il s’appelle ? J’ai une fille d’à peu près son âge qui s’appelle Julie.

– Juuuuulie, joooli Juuuulie. Julien fait des gammes. Il se gargarise de la sonorité du prénom. Mélissa aperçoit un mince filet de bave qui s’échappe de la bouche du jeune garçon. Cela ne l’émeut pas. Elle poursuit comme si de rien n’était.

– Justement je suis à sa recherche. Peut-être l’avez-vous vue ? Mélissa tend le cliché photographique de Julie. La femme hausse les sourcils.

– Non, désolée.

Mélissa récupère la précieuse photo que lui rend la femme au visage fatigué puis se dirige vers le banc situé un peu plus loin. Elle a déjà interrogé son occupante, mais elle veut aller jusqu’au bout de sa mission. Elle a bien fait. Elle entend :

« Attendez ! Vous m’aviez demandé si j’avais vu votre fille. S’esclaffe la femme en découvrant le portrait sur papier de Julie et je vous ai répondu que non, mais moi je pensais que la petite que vous cherchiez était métisse. Comme vous. Alors… il s’agit de votre fille sur cette photo ? Là ça change tout ! Car oui, je me souviens maintenant, il me semble bien avoir vu une petite fille blonde qui jouait ici il y a peu ! Elle est montée dans une voiture rouge avec un vieux bonhomme.19 996

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