Fauve, le phénomène

Il y a ceux qui s'extasient et ceux qui ironisent, ceux qui crient au génie et ceux qui hurlent à l'imposture. Il y a les fans inconditionnels et les farouches opposants. Il y a Libération, qui consacre sa Une et sept pages entières au collectif, et Le Figaro, prêt à parier que Fauve ne passera pas l'hiver, traitant au passage leur musique de « concentré de vide bobo » en jetant dans le même panier Woodkid, Cascadeur et Sébastien Tellier.

Mais qu'on aime ou qu'on n'aime pas, Fauve est un phénomène. Parfaitement rôdé aux nouvelles technologies, le collectif a su se faire connaître et générer une armada de fans grâce aux réseaux sociaux. Proches de leur public, les membres ont un discours séduisant. Ils évoquent la notion d'urgence quand ils parlent de leur musique, laquelle aurait pour eux des vertus thérapeutiques. Ils refusent d'apparaître à visage découvert dans les médias, sans pour autant porter des casques. Ils jurent qu'ils n'ont jamais voulu un tel succès, que ça leur fait peur, demandent à tous de se calmer. Pour garder l'entière maîtrise de leur projet artistique, ils ont repoussé toutes les offres des maisons de disques et créé leur propre label, Fauve Corp. Humilité, proximité et anonymat semblent être les trois valeurs fondatrices du collectif.

La naïveté de Fauve se transforme en pureté

Côté texte, c'est quand même un peu la déprime. Bien qu'ils se définissent comme étant « désespérément optimistes », il y a du Mano Solo dans leur prose. La vie semble être un combat recommencé chaque jour, le monde une arène, les humains des fauves traqués. Le débit du chanteur rappelle cette urgence à éviter les balles, chaque texte étant scandé à la vitesse d'une mitraillette qui tire sur tout ce qui bouge. Le tout dit avec une voix à peine sortie de l'adolescence, ce qui permet à la naïveté du propos de se muer en une forme de pureté.

Et c'est bien cette pureté qui crée le succès de Fauve. Feinte pour les uns, sincère pour les autres, elle interroge en tout cas. Les membres du collectif se présentent comme des amis d'enfance, tous cadres en entreprise, qui ont décidé au même moment de lâcher leur boulot pour se consacrer à la musique, comme si c'était devenu vital, tout à coup, de faire quelque chose qui ait du sens. Et le fait que leur projet ait abouti, qu'il ait passé la barrière du virtuel pour se matérialiser sur scène, dans les médias, à l'international, rend leur aventure fascinante. Elle crée cette impression (illusion ?) que c'est possible, qu'avec de la force et de la volonté on peut être employé de bureau un jour et se muer en artiste reconnu le lendemain. Le tout sans même le vouloir. Ou presque.

Le premier album de Fauve, intitulé Vieux frères, Partie 1, est disponible depuis le 3 février 2014.