Femme Fatale
Liam Egureglia
Avec mon teint pale et mes longs cheveux blonds, on me demande souvent si j'ai des origines Scandinaves ou de l'Est pourtant il n'en est rien. Je trouve ça drôle, c'est souvent la deuxième question qui vient quand je rencontre quelqu'un. La première étant "est-ce que je peux te payer un verre?". C'est d'ailleurs encore à cause de cette question que je me suis retrouvée dans une chambre d'hôtel... L'homme qui est allongé sur le lit m'a gentiment glissé du GHB dans mon verre avec la complicité du barman. Ce qu'il ne savait pas c'est que je l'avais vu arriver de loin et en toute connaissance de cause j'ai échangé les verres avant de trinquer avec lui. Je crois que ça l'a un peu déstabilisé sur le moment, pour ne pas dire complètement décontenancé, le pauvre garçon.
Vous savez ce qu'on dit "Les hommes proposent, les femmes disposent" et c'est bien mon cas, je choisis toujours ma cible, c'est moi qui chasse, je suis la prédatrice. Tiens, tiens qu'est-ce que ce sera ce soir ? Je m'interroge en me peignant, basculant ma chevelure dans un sens puis dans l'autre. Un homme marié, père de famille, politique, avocat, un pompier ou même un écrivain pourquoi pas, on verra. Toutes classes, tous profils confondus. Ils me méritent tous, me désirent tous. Très jeune déjà, les hommes disaient de moi que plus tard je deviendrais une bombe humaine. Sans aucun doute que c'était ma couleur de cheveux qui leur faisait dire ça. C'est bien connu, les hommes préfèrent les blondes. Je n'ai jamais vraiment compris, comment le simple fait d'être blonde exerce un tel magnétisme sur la gente masculine. Peut-être que cela leur évoque la pureté ou bien le contraire, est-ce l'ambivalence de l'innocence et la perversion que l'on y prête dans les films pour adultes. Quand on regarde en arrière - c'est ce qu'ils font toujours sur mon passage - dans les mythes de l'antiquité Vénus la déesse de l'amour était elle-même blonde. Si on ajoute à cela ma poitrine généreuse que j'ajuste à travers mon soutien-gorge, j'incarne pour certains un symbole maternel, celui de la mère nourricière et rassurante. Tous autant qu'ils sont, descendants d'œdipe. Il est bientôt temps pour moi de quitter la chambre, j'enfile ma robe, le tissu glissant sur mon corps comme des draps de soie. J'aime cette robe, avec son rouge sang et son croisé dans le dos, c'est drôle en la regardant à présent elle me fait penser au ruban du sidaction. Avec elle, tous les regards vont dans ma direction, toutes ces érections à mon intention. Pourquoi le rouge attire plus les hommes ? Les fait bander comme des taureaux dans une arène. Parce que ça leur rappelle le cul tumescent, cambré d'une guenon en rut ? Ou simplement le rougeoiement de l'intérieur d'un corps humain et de son bouton de rose. Inconsciemment c'est le brainstorming de l'instinct sexuel, le big bande, le gyrophare rouge qui s'allume dans leur esprit et qui s'assimile aux lanternes des maisons closes, la couleur de la Saint-Valentin...tout se chamboule dans leurs esprits par la seule présence de rouge à lèvres sur les miennes. Une dernière petite retouche maquillage et puis s'en va, sur la pointe des pieds, mes talons à la main. Habituellement c'est eux qui quittent la chambre silencieusement aux premières lueurs du jour, sans un mot, laissant parfois sur la table juste de quoi payer un taxi. Avec moi c'est tout l'inverse, et ça les énerve quand ils se réveillent tôt pensant me faire le coup et qu'ils se rendent compte que je les ai déjà devancés. Le lit vide et froid de l'autre coté, se lève pour pisser et alors découvre inscrit au rouge à lèvres sur le miroir de la salle de bain que j'ai toujours le dernier mot, le mot de la fin. "Bienvenue au Club".
Ce qui m'a poussée à devenir ce que je suis aujourd'hui. Non, ce n'est pas qu'un chagrin d'amour c'est bien plus que ça. Cela faisait deux semestres que l'on s'échangeait des regards furtifs dans l'amphithéâtre. Il se mettait toujours derrière moi. Sans aucun doute, placé à cet endroit pour mater mes fesses. Et pour son plus grand plaisir, je faisais dépasser mon string de ma jupe. S'il s'était mis devant moi, qui sait j'aurais peut être enlevé ma culotte. Oh, vous devez penser que je suis une sacrée salope et vous avez tord. Ce n'est pas parce que j'aime m'amuser que je suis une traînée. Pour beaucoup de mecs, une fille qui aime le sexe est forcément une fille qui ne se respecte pas, je ne suis pas d'accord...et puis vous êtes bien contents de tomber sur moi pour tromper votre copine. J'avais demandé à une de mes amies de me le présenter, à l'époque j'étais comment dire, non pas timide mais plus introvertie que je ne le suis maintenant. Il s'appelait Adis, étudiant espagnol d'un programme Erasmus. Avec un de ces charmes et un regard ténébreux...Hum. Lorsque l'on a enfin fait connaissance si je puis dire, il connaissait déjà mon nom et je compris qu'il s'était lui aussi renseigné sur moi. C'était à la fois gênant et troublant, la surprise m'avait coupé tout élan et j'avais l'impression d'être ivre, à glousser pour rien à chacun de ses mots. Avec le recul je m'en veux tellement d'avoir était si naïve. En quelques jours à se parler au téléphone, à échanger sms, mms, photo snapchat...j'ai rapidement eu l'impression que l'on se connaissait depuis toujours et c'était là ma première erreur car ma seconde était de répondre à son invitation. Le rejoindre à une soirée organisée par Anthony, un mec de 2ème année pour la veille des vacances.
Je ne fais pas ça pour l'argent mais pour le plaisir. Et c'est pour cette même raison que je fais le tour des casernes de militaires, bains douches, vestiaires de foot, basket, rugby et tous les sports collectifs connus ou pratiqués. Tout ce qui pue le mâle et la camaraderie. Je ne suis pas ce que l'on appelle une groupie, ni même supportrice mais je me considère plus comme une sorte de membre du staff technique. C'est l'entraîneur qui m'a fait rentrer dans les vestiaires. Quoi qu'il en soit aujourd'hui la biscotte, c'est moi. A genoux devant eux, le capitaine me met une claque sur les fesses et s'installe sur moi. L'un de ses coéquipiers vient le coiffer d'un chapeau de cowboy et crie aux autres "sex rodeo" en leur tapant dans les mains, hilare. Je comprends qu'ils me font le coup du taureau enragé quand il se penche sur moi et s'exécute. Sa poitrine collée contre mon dos il m'enserre fermement avec ses bras et me sussure alors avec douceur "J'ai le sida chérie". A la surprise générale j'éclate en fou rire, tout en accélérant le mouvement de mes hanches. Je le sens qui débande carrément, sa respiration dans mon cou se fait plus lourde, il se demande sûrement ce qui cloche. L'entraîneur arrête son chrono, procède à un changement tactique, remplace le capitaine qui donne son brassard. Il fait rentrer un nouveau joueur, celui-ci me pilonne l'anus férocement, la tête enfouie dans un sac de sport plein d'affaires sales je commence à jouir sans retenue. Quand je relève la tête pour respirer je surprends l'un d'entre eux en train de filmer la scène avec son téléphone. Sur le coup, je le vois qui hésite à le ranger mais quand il m'aperçoit faire un clin d'œil à la camera il comprend qu'il peut continuer à filmer sa propre mort. Ce qu'il prend pour une sextape n'est rien d'autre qu'un snuff film dont il est le premier rôle, la victime. L'entraîneur qui regardait jusque-là, s'approche de moi et me demande "finis-moi" ce que je fais à coups de langue.
La soirée se passait dans une de ces grandes villas résidentielles, comme il y en a plein la banlieue Parisienne. Évidemment la musique était à fond je pouvais l'entendre de la rue, c'est comme ça que j'avais trouvé le grand portail noir. Sur la terrasse surplombant le jardin, une bande de garçon faisait une partie de beer pong. A l'intérieur un DJ passait de la minimal quelconque, quand je suis passée dans le salon une fille en a embrassé une autre selon les règles du jeu de la bouteille. En traversant le couloir, je pouvais voir que chaque pièce était remplie d'étudiants, certains que j'avais déjà entraperçu à la fac, d'autres dont les visages m'étaient inconnus. Alors que je demandais à une fille de ma promo si elle savait ou était Adis, j'ai manqué de me faire renverser un verre sur mon décolleté par un mec complétement bourré. Dans le brouhaha environnant de la musique et des gens bourrés elle m'a répondu qu'elle ne connaissait pas de Adis. Quelqu'un me tapa l'épaule, je pensais que c'était un relou qui voulait me draguer (du moins tenter sa chance) et en me retournant je vis Adis, tout sourire se pencher vers moi pour me faire la bise. Très vite gênée par le bruit pour discuter, nous sommes montés dans une chambre à l'étage. Là nous avons fermé la porte, assis sur le lit, il a sorti un petit sachet disant que c'était de la coke et m'a demandé si j'avais un miroir dans mon sac que je lui ai donné. Jamais 2 sans 3 comme on dit, cette fois j'ai fait l'erreur de prendre de la drogue. A ce moment-là , je ne pouvais me douter que l'on allait partager beaucoup plus qu'un gramme de cocaïne, que nos destins seraient liés à la vie à la mort. Il a roulé un billet de 20 et me l'a tendu pour que je sniffe avec, ce que j'ai fait. J'avais un peu de poudre sur le sillon au dessous de mon nez, il l'a essuyé avec son index en me disant "on appelle ça le doigt de l'ange" puis m'a embrassée. Nous avons basculé en arrière et tout a basculé à ce moment, ma vie entière. Allongés sur ce lit, on s'est déshabillé tout en se touchant l'un l'autre. Ça a tapé à la porte, ça chahutait dans le couloir, vous savez ce que c'est quand deux personnes se mettent à l'écart dans une chambre pendant une fête. Et après ça je ne me rappelle de rien, blackout total. A mon réveil, j'étais toujours dans la même chambre mais pas avec les mêmes personnes, oui, j'étais avec trois garçons nus, endormis à coté de moi dont un sur un siège le pantalon sur les genoux. En me relevant, je fus frappée de vive douleur partout sur le corps et d'une grosse migraine, la pire gueule de bois de ma vie. Ce n'est qu'une fois chez moi, aux toilettes quand j'ai vu dans mon urine du sang et des coulures de sperme que j'ai commencé à m'inquiéter. Ce n'était pas des pertes blanches. Je le savais déjà, mon organisme ne pouvait pas repousser de cette manière le virus comme il le ferait avec une mycose. A l'époque j'aurais peut être pu éviter la contamination, aller à l'hôpital demander un traitement d'urgence mais je n'en avais pas connaissance. Toute cette soirée me semblait trop irréaliste, comme un mauvais rêve duquel on vient de se réveiller en espérant se rendormir pour l'oublier.
Un des mecs assis autour de moi, Tony tousse à plusieurs reprises, m'interrompant presque dans mon récit. Je ne peux pas lui en vouloir, il vient de passer en phase terminale, son système immunitaire l'a abandonné tout comme sa famille, son avenir et tout espoir. Parfois je me demande pourquoi je raconte tout ça ici, à ces gens, peut-être parce que je sais que quelque part ils me comprennent, ne me jugent pas comme le feraient les "normaux", les séronégatifs. Là, tous réunis à se présenter tour à tour, raconter nos histoires comme un groupe de discussions dans un roman de Chuck Palahniuk. Sauf un homme en imper et chapeau noir qui nous écoute en retrait, debout, au fond de la salle dans la semi-obscurité. Certainement un futur membre du club qui n'ose pas encore se joindre à nous. Quelqu'un d'autre prend la parole et Tony, mi-homme mi-girafe avec sa peau tachetée de verrues noires par le sarcome de Kaposi l'interrompt à nouveau en s'étouffant presque. La séance touche à sa fin, en sortant l'homme qui nous observait m'adresse un regard à mon passage. Ainsi, habillé, il me fait penser à un majordome. Dehors en attendant le bus sous l'abri prévu à cet effet, voilà qu'il vient à ma rencontre. "Mademoiselle, voici une invitation à une réception que mon employeur organise, vous devriez venir, c'est très bien rémunéré." dit-il en me tendant une enveloppe qu'il a sorti de sa poche intérieure avant de regagner la voiture aux vitres teintées qui l'attend le moteur allumé. J'ouvre l'enveloppe et découvre une petite carte avec seulement une date, une heure et une adresse inscrite dessus. Énigmatique. Il s'installe à l'avant, assis sur le siège passager et referme la portière, je frappe à la vitre qu'il ouvre avec une expression malicieuse attendant ma question. "Pourquoi, moi ?" "Mademoiselle, vous correspondez aux critères physique désirés par mon employeur et ses riches amis". Le véhicule démarre sous la pluie battante, s'éloigne au loin dans la brume nocturne. Les dernier mots prononcés par le majordome résonne dans mon esprit et me font comprendre la raison pour laquelle son choix s'est porté sur moi et non quelqu'un d'autre du groupe : je suis un porteur sain, d'apparence désirable.
Pendant plusieurs semaines je n'ai plus eu de nouvelles de lui, pas un sms, ou un snap, rien. C'était plutôt logique, les vacances de fin d'année tout le monde retourne en famille, la sienne étant à l'étranger cela faisait sens. Rien qu'a l'idée de le recroiser à la fac je sentais la honte gronder dans mon ventre mais j'avais besoin de savoir, qu'il me raconte ce qui s'était passé quand j'ai perdu connaissance. Chacun de mes appels restait sans réponse, les messages sur facebook marqués comme lus, il m'évitait. Et bien que je m'efforçais de ne pas m'inquiéter, peu à peu des bribes de souvenirs me revenaient. A la reprise des cours, j'ai su qu'il ne reviendrait pas et je n'eus plus de nouvelles de lui jusqu'à ce que je reçoive un e-mail de sa part, ce fameux jour où j'ai perdu foi en l'humanité. Sa lettre de suicide informatisé où il m'expliquait qu'il était désolé de m'avoir infligé ça et qu'il était rongé de remord. Dans laquelle il me racontait en détail comment il avait contracté la maladie et pourquoi il s'était servi de moi selon ses termes "comme d'une arme à destination" en me donnant à sniffer de l'héroïne à la place de la cocaïne me laissant à la merci des mecs bourrés de la soirée. Tout ça dans le seul but de se venger, de tout et tout le monde. A la lecture de ces mots je me suis jurée de ne plus jamais accorder ma confiance aux hommes, tous autant qu'ils sont.
Je suis là au lieu et heure du rendez-vous fixé sur la carte. Vêtue d'une robe blanche, avec mes longs cheveux blonds je ressemble à un ange, un ange de la mort. Comme je l'ai déjà dit, je fais ça pour le plaisir...de me venger. Je n'ai plus rien à perdre maintenant mais si je peux y gagner un peu d'argent je ne dis pas non. Après tout je suis toujours étudiante. Une voiture noire s'approche du trottoir ou je me tiens, la portière arrière droite s'ouvre et j'entre dans le véhicule. Les vitres teintées sont tellement sombres que je ne peux pas voir à travers durant tout le trajet. Soudain le véhicule s'arrête, et si j'en crois les remous de la voiture nous roulons sur un chemin de gravier. Le chauffeur sort pour m'ouvrir la porte de la voiture et j'aperçois en levant la tête le majordome, l'homme que j'ai rencontré l'autre jour m'attend sur le perron de la porte. Il me salue, me précise que j'étais très attendue, que ces messieurs sont très excités par ma venue et me demande de le suivre. J'avance à ses côtés dans la demeure, guidée par les spots de lumières au plafond. Deux hommes à la carrure de vigile de supermarché nous ouvrent la double porte qui donne sur un grand salon rempli de canapés et de lampes. Le majordome, récupère mon manteau et mon sac puis d'un geste de la main m'invite à avancer vers les hommes assis en train de fumer leurs cigares. Ils semblent tous d'âges différents mais ont résolument passé la cinquantaine. D'autres filles sont présentes aussi, l'une d'elle se déshabille et se frotte sur un vieil homme en fauteuil roulant. Ils m'entourent et sans même connaitre mon nom ils me chuchotent une question "depuis quand je suis contaminée?". A sentir leurs érections sur mes jambes et mes fesses je comprends ce qui les excite, ces riches veulent expérimenter le grand frisson, frôler la mort par le plaisir charnel avec des jeunes femmes séropositives. Leur instinct de mort est exacerbé mais le risque reste mesuré, malgré le fait qu'ils ne mettent pas de préservatif il y a un médecin avec des traitements infectieux d'urgence qui assiste à la scène. Le plus jeune de ces hommes me palpe le sein, me regarde en demandant s'il peut le lécher et je lui réponds d'une carresse maternelle sur le haut de la tête. A peine trois heures après, nous sommes congédiés par le majordome, la levrette russe ne se joue pas plus d'une fois généralement. Un domestique me rend mon manteau et mon sac dans lequel il y glisse une enveloppe puis m'escorte jusqu'à l'extérieur où une voiture m'attend.
Assise sur une chaise dans cette antichambre à attendre que quelqu'un vienne nous chercher pour traverser le couloir de la mort. Ce qui nous attendait n'était pas une injection qui nous prélèvera la vie, non, seulement un peu de notre sang. Je feuilletais des brochures posées sur la table, l'une d'elle était quand même pour le don du sang. Pour la première fois depuis des semaines je souriais en pensant que mon groupe sanguin était O+, donneur universel. Si le sang n'était pas vérifié ça aurait été une bonne idée, en tout cas meilleure que celle de mettre des aiguilles infectées dans les sièges d'un cinéma. Deux sièges plus loin, un homme, la quarantaine, sifflotait en se recoiffant puis porta son regard sur moi et me sourit. Je me rappelle avoir vu un couple ressortir main dans la main et ça m'avait tellement écœurée que je n'avais pu réprimer mes pleurs. L'homme s'approcha de moi pour me tendre un mouchoir et remit une mèche de mes cheveux derrière l'oreille. Il me murmura « ça va aller » puis une fois calmée, je me redressais et levais les yeux vers lui en le remerciant le nez dans mon mouchoir. En réponse il balaya l'air d'un geste de la main avant de me dire "Moi, c'est Tony". Les présentations faites, je lui demandais comment il faisait pour prendre la chose aussi bien, sans stress et il me raconta qu'il en avait marre de vivre avec une épée de Damoclès arc en ciel au-dessus de la tête. Pétrifié de contracter le sida à chaque fois qu'il avait un rapport sexuel, il participa à sa première slaming party, ces grandes orgies marathon ou des centaines d'hommes baisent sous méphédrone. Il ne voulait plus plus vivre dans la peur. Être libéré, ne plus avoir à y penser. Pour cela il lui fallait affronté sa peur d'être contaminé une bonne fois pour toute. Sa vision des choses m'inspira la mienne, celle qui me pousse à aller de l'avant, à ne pas me laisser abattre me donner envie de me battre à ma façon. Non-violente, c'est mon côté peace and love, même si les hippies ne sont pas vraiment le bon exemple puisqu'il se sont décimés comme ça. On pourrait aussi dire que si j'étais indienne je serais l'alter ego de Gandhi, pacifiste à l'extrême je ferais un sitting une bite dans chaque trou comme un fakir du cul. Dans le petit miroir à main, je vois mes joues noircies par mes larmes. Je sors ma trousse à maquillage de mon sac, remet un peu de crayon, d'eye-liner et de fond de teint. A présent, sous ces peintures de guerre je dissimulerai mes peurs et de ma beauté je ferai une arme. Un médecin vint au pas de la porte, l'homme à coté de moi, Tony se leva et le suivit. Je ne savais à ce moment que l'on se reverrait un jour...au groupe de discussion. Je ne crains pas que l'on m'arrête, ou m'accuse de tuer tous ces gens. Moi je n'ai violé personne, drogué personne, je ne propose même pas, je dispose et ma seule exigence c'est de le faire sans préservatif. Mais bien souvent, je n'ai pas besoin de le dire ils le comprennent d'eux-mêmes.
Ce soir, pour rentrer chez moi je décide d'emprunter un autre chemin, habituellement je ne serais pas passé par la cité et ses allées mal éclairées. Sur mon passage j'entends des sifflements par une bande qui traîne devant un immeuble. Le harcèlement de rue au service de la misère sexuelle. L'un d'eux en sweat à capuche s'approche, en me traitant de pute, la classe à l'état brut. Je ne réponds pas et continue mon chemin. Généralement ça les rend fou quand je me dandine en me mordillant la lèvre inférieure, les défiant du regard, à qui me ramènera chez lui, le virus dans son foyer, pour moi un nouveau foyer infectieux. Quant à eux, ils semblent plus dans l'esprit communautaire, de la culture du partage et de la tournante. Après tout si il y en a pour un il y en a pour six. J'accélère le pas, franchis un petit passage étroit quand je reçois un crachat dans les cheveux. Quand je me retourne ils sont tous là à m'entourer, me toucher, avide, la bave aux lèvres comme les chiens qu'ils sont. Et bien que je me laisse faire, c'est plus fort qu'eux ils ont ce besoin de me frapper. Ils m'entrainent avec eux, à l'écart de tout regard, dans les caves, là où personne ne viendra me chercher quand ils en auront fini avec moi. A ce moment même je sais que je vais mourir. Mes vêtements arrachés, à genoux et une lèvre tuméfiée, j'ouvre la bouche pour accueillir leurs sexes, comme je le ferais avec un revolver six-coups pour me suicider. Et je les suce goulument, avec une ardeur telle que ça n'a même pas l'air de les inquiéter et pourtant ils devraient. Ils ne savent pas qui est du bon côté de l'arme. Une racaille me prend par les cheveux et pousse sa bite au plus profond de ma gorge en appuyant sur ma tête. L'éclairage à minuterie s'éteint et j'en profite pour cracher le sang qui boue au fond de ma bouche sur leurs bites. Et ça les excite. On rallume la lumière, les ombres de mes agresseurs dansent sur les murs, je sens l'un d'eux passer derrière moi. Il me tire la tête en arrière et me lèche l'oreille puis relâche ma nuque (sa prise) pour mieux refermer son étreinte. La pénétration est difficile, ça fait mal, et je ne peux même pas serrer les dents pour affronter la douleur puisqu'ils m'obligent à les sucer. Pendant de longues minutes le mouvement s'accélère jusqu'à ralentir où ils finissent par rependre le venin de leurs verges. Alors que je commence à reprendre ma respiration une pluie de coups s'abat sur moi. Celui qui était en moi, sort un couteau qu'il tend au plus jeune en lui ordonnant "finis-la". Dans ces termes, je comprends bien qu' il n'est pas question de sexe mais de meurtre. Il se penche sur moi et m'exécute. La lame tranche, pénètre l'épiderme, en plusieurs endroits, un peu plus profond à chaque coup, un peu moins rapide au bout d'un temps. Je sens la vie me quitter, la fin du calvaire, l'hémorragie. Me vidant de mon sang, tout ce sang venimeux qui se répand sur le sol de ces caves comme un fleuve, une dernière pensée me traverse. Et que coule la haine.