Flag !

Olivier Bkz

Extrait d'un roman en cours d'écriture

« RatDare observe JAger entraver le trésor qu'ils ont capturé durant la nuit. Il lui lie les mains dans un collier de serrage en plastique, puis à l'aide d'un câble électrique, confectionne un nœud coulant, qu'il passe autour du cou de la fille, et qu'il attache ensuite au lourd anneau de fonte fixé dans les grosses pierres du mur. En attendant pour se donner un air nonchalant, RatDare pousse un gros pignon du moulin. La meule crisse sur sa farine de sable rouge. JAger a fini, le chasseur se relève de toute sa haute stature, se plante devant RatDare et dit : – Son front marqué, mauvais.

RatDare fait semblant de ne pas comprendre, de ne pas avoir remarqué, mais JAger insiste :

— Elle être fräulein de tribu. Ramasser beaucoup de touristes vor kurzem, et aujourd'hui tribu. Trop de trésors. Beaucoup trop que d'habitude. Hommes comme animaux fuir tous dans même direction. Danger, mauvaise augure.

RatDare arc-bouté contre son pignon attend que JAger quitte la petite pièce voûtée. C'est l'endroit où ils dorment à tour de rôle, car la pièce offre la fraicheur et l'humidité d'une grotte. RatDare a quinze ans, il cesse de pousser la roue, tourne la tête en direction du petit escalier et attend, immobile quelques minutes. Quand il a la certitude que JAger s'est éloigné, RatDare sort de sa poche un bout de bois à mâchonner, et s'avance vers la fille.

Ils ont dû la cogner un peu pour la capturer. Les deux mâles qui l'accompagnaient étaient des guerriers, qu'ils ont tué par surprise. Pour ça, JAger et lui ont attendu que la nuit tombe, patiemment cachés à cuire derrière les dunes qui surplombent le canal. L'un des mâles s'était blessé sur leur piège, il ne pouvait plus se battre, sa jambe avait beaucoup saigné. JAger et RatDare tuèrent le second mâle intact, mais la fille avait été plus dure, elle avait même réussi à blesser légèrement JAger avec sa lame. Dans les tribus, les femmes étaient autant guerrières que leurs hommes.

Il s'agenouilla pour mettre ses yeux à hauteur des siens, avança sa main pour lui soulever délicatement les cheveux. En retour elle lui lança un regard haineux. Le front du trésor était tatoué d'un motif arrondi et complexe, RatDare passa un doigt dessus. La tribu d'origine de la fräulein devait être puissante, car celle-ci est vieille – au moins trente ans – et bien nourrie. Elle est musclée aussi, une preuve de plus de sa fonction de guerrière, sans compter la blessure de JAger. RatDare se demanda si la Horde du Lac serait ravie ou pas de cette dangereuse capture. RatDare conclut que la horde s'amuserait avec son corps avant de la tuer.

RatDare lance une petite claque sur le front tatoué, et toujours mâchonnant son bout de bois, se relève, défait la boucle de sa ceinture, une boucle qu'il a confectionné lui-même d'après un gros morceau de métal. Mais il n'a pas le temps d'en faire plus, JAger est déjà de retour et le poursuit à coups de pieds. JAger le traîne dans le petit escalier en pierres. – Phok you merdeux ! Toi faire quoi ?! – Only one suce ! Quickly suce ! – Toi savoir ! Toi éclaireur ! Pas toucher aux trésors avant KAiser ! – WUt dire… – Shut up ! Parle pas pour WUt, esclave ! Dégage Rat ! Dehors d'ici ! Schnell-behende !

A l'étage du moulin, JAger défait le bandage de son biceps pour vérifier la plaie. RatDare assit dans un coin opposé fait profil bas. JAger sort sa petite bouteille d'alcool et en renverse sur la blessure. Au contraire de WUt, l'alcool, JAger ne le boit pas. – Tu traînes pas ici. Unconfiance en toi. Tu sors. RatDare partir seul chasser.

RatDare souffle mais obéit. Il prend son sac à dos ses affaires, sort du moulin. Deux lézards, ou trois avec la fille, le maximum qu'il compte ramener pour dîner. Il ne tirerait aucun lapin, encore moins un cheval, même si l'animal se plaçait exprès sur sa ligne de mire et lui adressait un gros clin d'œil ! Cette dernière altercation dissipe ses doutes concernant JAger. Celui-ci il restera fidèle à la Horde du Lac, à ses codes, et RatDare devra le tuer s'il se trouve dans les parages le jour où accomplira son plan. Cette idée le contrarie. RatDare a toujours apprécié JAger, car JAger est un homme nonchalant. Il n'a pas de penchant cruel au-delà du nécessaire, et a toujours été le meilleur chasseur de la Horde. C'est d'ailleurs JAger qui lui a tout appris sur le sujet. JAger est son père de chasse, tout comme WUt est son père de guerre. RatDare aurait préféré s'en faire un compagnon de route plutôt qu'un futur ennemi, mais peu importait, il lui restait encore WUt pour espoir, et RatDare avait déjà réfléchi à la manière de l'aborder. Si WUt avait été là aujourd'hui, il aurait sûrement violé le trésor, puis laissé RatDare l'approcher. Par le passé c'était arrivé une fois. Wut trop défoncé au brown avait tellement travaillé la fille qu'il leur était impossible de l'emmener au camp dans cet état. Alors WUt lui avait ouvert la gorge, et RatDare enterré. Aujourd'hui à la place de JAger, WUt aurait sûrement violé la freulein de tribu. Le corps et la fierté de la fille étaient parfaits pour le viol. Et ensuite, WUt ne l'aurait pas chassé quand RatDare se serait approché.

RatDare attrape rapidement le troisième lézard prévu, transperce sa gorge d'un fil de fer et l'attache à sa ceinture. Il ne peut rentrer immédiatement au moulin car JAger devinerait qu'il a mis de la mauvaise volonté. Alors RatDare désœuvré retourne au canal, à proximité de l'endroit de l'attaque. Les cadavres déshabillés des mâles de la tribu sont toujours là, deux gros vautours piétinent leurs corps, l'occasion est trop belle, la mépriser serait un pécher. RatDare peste et sort son arc, décoche une flèche, qui blesse mortellement l'un des rapaces lorsqu'elle s'enfonce dans son flanc. RatDare s'approche, l'oiseau incapable de s'envoler se traîne dans le sable, crie dans sa direction pour l'éloigner, claque du bec menaçant. RatDare pose sa main sur la crosse de son pistole, il n'aime pas ces bêtes, et préférerait lui pulvériser la tête pour qu'il s'arrête de gueuler. Mais JAger ne serait pas d'accord avec cette méthode. Pas plus que Wut, pour d'autres raisons. Alors RatDare jette au sol son sac à dos, en défait une petite pelle militaire qu'il déplie, et s'avance vers la bête.

RatDare examine la scène de leurs crimes, retourne l'un des cadavres dont le visage n'a pas été dévoré par les oiseaux. Son tatouage est visible, exactement les mêmes que celui de cette fille au moulin, en plein milieu du front. Il n'y a plus rien aux alentours, ils ont tout pillé. RatDare avait espéré tomber sur une arme ou quelque chose d'utile que JAger aurait oublié, une arme plus efficace que son vieux pistole, le maximum que la Horde autorise à un semi-esclave de porter. RatDare décide de rentrer au moulin. Même s'il est tôt, il ramènera un gros oiseau plus trois lézards en amuse-bouche. JAger n'aura rien à lui reprocher.


***


Le froid extrême apporte une cohorte de douleurs terribles qu'elle n'a jamais connu. Les geignements de Flag adoptent la régularité de ses pas. Elle pousse une longue plainte, à chaque fois qu'un de ses pieds, puis sa cuisse, s'enfonce dans la neige, dénudée jusqu'au genou. Son chant lugubre n'a pas pour but de rythmer sa marche forcée, ni traduire une souffrance, ni même d'apitoyer Red – Flag ne s'est jamais rabaissée à se plaindre ni chercher la pitié d'aucun homme – simplement dans la logique de la tribu d'où elle vient, Flag envoie ce message à Red : je sais que tu es le chef, et je me soumets à ton pouvoir, seulement voilà, je vais mourir.

Red se retourne soudain, dévale la pente vers elle. Il ressemble à cette tornade furieuse pleine de glace qui faillit les tuer. Flag craint que Red recommence, qu'il soit en colère, qu'il la frappe au ventre, cogne son crâne contre la roche, puis une fois sonnée qu'il colle son bassin contre le sien dans un simulacre de viol dans le but de la remettre à sa place. Mais Red ne fait rien de tout ça. Il la redresse, prend son visage entre ses mains et lui dit : – Ça va Flag, ça va ! Marcher encore un peu, d'accord ? Juste un peu ? Moi promettre Flag pas mourir ! Toi entendre ? Flag pas mourir !

Elle regarde dans ses yeux et comprend aussitôt qu'il lui ment. Ils vont mourir, tous deux perdus dans cette montagne infernale, et il le sait. Le regard de Red contredit ses propos et affirme que cela ne fait aucun doute. – Pas mourir, Flag, okay ?

Il frotte énergiquement ses jambes afin de faire circuler son sang, lui enlève ses chaussures pour lui réchauffer les pieds. Les peaux de lapin qui servent de doublure sont trempées, il les jette au loin. Et c'est alors que Red prend conscience de l'état de la jeune fille. Ses pieds sont gelés, ils sont foutus. – OH PHOK ! Phok la merde !

Il remet ses chaussures, la soulève, prend Flag dans ses bras pour la porter. Il pose une main derrière son crâne afin de blottir son visage dans la chaleur de son cou. La respiration de Red devient de plus en plus courte. Ainsi calée Flag commence à s'assoupir, elle sait qu'ils n'iront plus très loin. Il répète « Flag pas mourir », comme une incantation.

Pour la première fois depuis longtemps, Flag n'éprouve plus de mépris envers Red, c'est pire. Elle souhaiterait qu'il meurt. Elle aimerait le tuer de ses mains, elle le hait, et sa haine pour lui n'a plus de limites. Même si elle se souvient…


***

Son regard court sur ses pieds, ses chevilles fines, ses tibias, ses cuisses… Flag est seulement vêtue d'une culotte. Red admire sa peau noire et brillante. Il lui fait la réflexion « pour rasage, prendre l'eau d'en bas, pas l'eau à boire ». Sa voix est rauque, le ton du reproche n'y est pas. Flag fait semblant de ne pas avoir conscience de sa présence, ses mots, son trouble. Elle ravale un sourire et continue de promener le rasoir le long de ses jambes. Dans sa tribu d'origine, les femmes se rasaient, chez les Frères elle ne le faisait pas. C'était interdit. de toute façon, Flag aurait préféré mourir que de se faire belle pour ceux-là.

Red lui avait laissé la salle de bain plus un demi-tonneau d'eau non-potable pris à la machine. Flag avait enlevé ses nouveaux vêtements, s'était tordu le corps et le cou pour étudier son reflet dans le minuscule miroir. Elle n'avait pas aimé ce qu'elle y avait vu lorsqu'elle avait levé les bras, alors elle s'était lavée, puis était remontée dans la maison, armée du rasoir – elle n'avait pas pris la mousse au goût infect, elle ne lui plaisait pas. Dans la maison, Flag s'était rendue au dernier étage où elle avait emprunté la petite échelle, puis la trappe. Elle voulait se raser les jambes sur le toit. Red l'y avait rejoint un peu plus tard.

Sans lever la tête elle raconte à Red d'un ton faussement désinvolte : – J'ai vu Bakass one day avec toi. Chez les Frères. Bakass intéressant. Cheveux brillants. Et guerrier fort. Lui avoir vu moi, et lui montrer les dents. Pour rire. Tu crois Flag plaire à Bakass ? Moi je crois, oui. Dommage, Bakass plus là.

A ces mots Red s'éloigne vers un bord du toit, fixe l'horizon. Flag se mord la lèvre, un silence se fait, qu'il rompt en lui demandant sans qu'elle en comprenne la raison : – Pourquoi Flag venir là ? – Where ? – Ici, sur toit ?

Elle réfléchit à sa réponse. – Soleil chaud. Et vent. Et Monde, tout ça. Dans maison en dessous, les trésors c'est bien. Mais pas soleil chaud. Ni vent, ni Monde. Tout ça.

Red éclate d'un rire bruyant. Elle lève la tête, il se tient maintenant assis sur le bord du toit dos à l'horizon. Il lui fait face. – Bonne réponse Flagflag ! Très bonne réponse ! Moi pas savoir si vouloir violer et tuer Flag, ou d'abord tuer et ensuite violer Flag, mais maintenant savoir ! – And savoir what ? – Humm… Pas tuer Flag, voilà. – Oh… Bonne nouvelle. I think so… – Je… Vouloir tribu ! Grande tribu de Red le Chien. Marcher sur terre, pas vivre dans le noir dessous !

Red fronce les sourcils, se concentre pour réciter à Flag une leçon apprise par cœur autrefois. Il prononce avec difficulté : « Plus les murs sont hauts, plus les cœurs sont faibles. » Puis il lui sourit.

Ils restent sur le toit, Red s'allonge sous l'ombre d'un haut vent qu'il a fabriqué avec de la récup. Il prétend n'avoir pas assez dormi cette nuit, par la faute de ses cris de bébés quand la fusée se réveillait. Flag ne répond pas à ses moqueries d'enfant, elle a terminé, se lève, enfile son short, en réalité un treillis coupé aux cuisses, puis sa veste militaire, qu'elle porte à même son torse nu. Elle le surveille en coin, elle sait que Red l'observe. Elle s'assoit, prend le rasoir qu'elle casse en deux, puis coince le manche de plastique rose dans un trou de sa veste, sur l'épaule. Red se lève aussitôt intrigué, et la rejoint, " Toi faire quoi ? Pourquoi ça ? " lui demande-t-il en désignant le bout de plastique ? – Ça ? La couleur. Rose. Mais Red semble attendre autre chose, Flag a un pressentiment, elle ajoute : – Couleur des guerriers puissants. – Ça ? – Oui, ça. Dans tribu de Flag, ça être couleur des guerriers puissants alors, guerriers en mettent, sur leurs fripes. Puis Flag se tourne, soulève ses cheveux, lui montre sa nuque et le tatouage tribale dessus.

Dès le lendemain Red arborera le même bout de plastique rose dans un trou de sa veste. Flag fera semblant de ne pas le remarquer, mais comprendra distinctement la fascination qu'éprouve Red envers tout ce qui concerne les tribus. A compter de ce jour, Flag inventera un tas d'autres coutumes farfelues, savourant cette ascendance sur ce garçon plus âgé qui connaît plus de choses.

Sur le toit Red se désintéresse du vêtement. Son doigt écarte un pan de la veste de Flag, il observe sa minuscule poitrine, la fine couche de sueur la fait briller. Flag écarte sa main d'une tape et referme sa veste, Red recule. Agacée elle lui demande : – Question à Red le Dog. – What ? – Avant… Red être femme de Bakass ? Ou Bakass être la femme de Red ? I don't now, mais Bakass guerrier puissant, alors i think…

Il faut quelques secondes à Red pour comprendre le sens de sa moquerie et où elle veut en venir. Il se jette sur elle, lui arrache sa veste, prend ses seins en mains et grince à son oreille " toi voir qui est la bitch de qui ! " Il arrache son short et sa culotte, pousse contre son entrée, il la prend, mais Red est trop brutal, Flag ressent de la douleur, elle crie. Elle lui met un coup de poing, fend sa lèvre, il passe sa bouche le long de son visage à elle pour y laisser une trace de son sang. En cet instant Flag n'a plus envie, mais elle ne cherche pas à rompre l'assaut. Il faut faire cette chose, c'est dans l'ordre logique, et au moins elle comprendrait enfin pourquoi Red l'a emmené avec lui, ça la rassurerait. En cet instant les sensations ne sont pas agréables pour elle. Cet acte lui rappelle de trop nombreux mauvais souvenirs. Mais Red s'est retiré. Penché, son front posé contre sa bouche à elle, il fouraille en dessous, cherche quelque chose, quand elle sent qu'il veut la lui rentrer dans les fesses, elle se cabre, crie, lui balance un coup de coude dans la mâchoire. Celui-là claque, il le sent, Red vacille, rigole en ramassant ses dents. Flag saisit l'occasion pour dégager ses genoux, ses pieds contre ses épaules à lui, elle le repousse de toutes ses forces. Red se renverse sur le dos, Flag bondit sur lui, prend sa queue, la replace à l'intérieur de son ventre. Il saisit une poignée de ses cheveux pour la dégager de cette position dominante, en réponse Flag abat le tranchant de sa main en direction de sa gorge, mais Red l'arrête au dernier instant, en lui saisissant le poignet. Flag porte le poids de son corps sur son bras pour l'atteindre, lui griffer les yeux, sans succès, les deux se sont bloqués mutuellement. Mais les mouvements de leur lutte ont enfoncé sa queue plus profondément, et quelque chose change. La brûlance qu'elle avait ressenti pour Red alors qu'il était joyeux comme une enfant dans sa salle aux trésors fait son apparition, et chez lui aussi, un nouveau sentiment plus sexuel vient au monde. Il se désarme le premier, lui lâche les cheveux. Elle s'arc-boute sur son corps, leurs mains arrêtent de se faire la guerre, il saisit délicatement l'un de ses seins tandis qu'elle continue à s'enfoncer. Elle veut réussir à le prendre entièrement au fond, mais la tâche pour l'étroitesse de son ventre est compliquée, alors bouche ouverte, Flag se concentre sur ce défi, pousse un long gémissement alors qu'elle finit de prendre en elle ses derniers centimètres plus épais. Tout est difficile pour eux dont la sexualité se résume à infliger ou subir des viols. Ils réinventent les mouvements comme le premier couple de l'histoire de l'humanité. Les geignements de Flag adoptent la régularité de leurs souffles, elle pousse une longue plainte à chaque fois qu'il s'en va, et une autre à la modulation différente quand il revient. Ça va de plus en plus fort, et de plus en plus vite, Red la renverse sur le dos, mais avec son consentement. Pour la toute première fois de son existence Flag jouit en hurlant. Au dernier instant Red se retire, pousse un son rauque, sa queue expulse quelque chose sur son ventre, entre ses seins, jusqu'à son cou, un liquide brûlant. Malgré le nouveau monde de sensations qui la submerge, Flag sourit, car elle sait à la jouissance sur son ventre que Red ne veut pas l'engrosser, et que donc, Red tient à sa vie. Elle sourit encore lorsqu'il retombe sur elle de tout son poids. Le guerrier est mort, c'est le pouvoir de Flag, elle l'a tué. Elle, et personne d'autre.

Ils s'assoupissent, se réveillent collés, Red lui palpe un sein, Flag goutte le liquide salé qui macule sa poitrine. Il touche maintenant ses cheveux, elle tente de repousser sa main, ses cheveux sont dans un état lamentable, elle en a honte, elle s'en occupera à la mode de sa tribu, mais Red insiste, tripote entre ses doigts sa frisure. Puis sa main descend entre les jambes de Flag où il caresse sa fourrure. Il conclut son étude par un : " wonderful Flag ! Never raser celles-là ! " Puis il se redresse et tente de lui expliquer : – Flag pas trésor de Red, Flag et Red, pas communauté, pas clan, ni horde. Flag et Red tribu. Vraie Tribu de Red le Chien !

Elle ne saisit pas ce qu'il veut lui dire et s'en fout. Elle se mord la lèvre jusqu'à ce que le sang gicle, puis passe sa bouche sur son visage à lui, pour imiter le geste qu'il fit plus tôt, le marquage sanglant. – Okay alors ? Toi okay pour tribu, bitch-Flag ?

Mais Flag s'en moque. Elle se lève toujours aussi nue, se plante debout sur le rebord du toit, écarte les bras et crie,

— EVERYWERE MY BITCH !

Puis,

— Red être la pute de Flag ! My bitch ! – Who, moi ? Non, toi ! – Non, Red ! Red la Pute ! Soleil aussi être ma pute ! Et… Et tout ça. – Where ? What ? – Monde entier pute de Flag ! – Ouah ! – Yeah ! Everywhere my bitch, Red, and everytime !

***

Dans le moulin pour comprendre l'histoire, il suffit à JAger de soulever la tête éclatée du vautour et de jeter un regard au pistole qui pend à la ceinture de RatDare. Un léger acquiescement pour sentence, un geste simple qui signifie les mots compliqués « tu aurais pu tuer ce gibier plus proprement qu'avec une pelle, mais tu n'as pas utilisé de balle, alors ça va. » JAger, en bon chasseur, interdit de tuer les animaux au flingue. La détonation fait fuir les proies alentours, et attire le prédateur ultime, l'homme. La position de WUt sur le sujet est encore plus radicale : puisque les balles sont difficiles à trouver, un bon guerrier doit les utiliser le moins possible, y comprit dans le massacre de ses semblables.

A leur dernière grosse prise quand il faisait équipe avec WUt, un instant avant d'attaquer un groupe de touristen – une femme accompagnée par quatre hommes – WUt lui avait confisqué son pistole. En échange, le guerrier avait plaqué contre le ventre de RatDare son couteau à lame crantée. Il s'agissait de l'ultime leçon de guerre, destinée à un jeune à qui il avait déjà tout appris. " Couteau pour toi, sonst nichts ! " Cela avait été dangereux, mais RatDare avait réussi à en tuer deux, bondissant et silencieux dans le le bivouac, tandis que WUt les arrosait des ténèbres avec son fusil. WUt était un adepte convaincu de la philosophie « une balle un mort », leur assaut n'avait pas duré plus d'une poignée de secondes. Ce soir-là pour le récompenser, WUt lui avait offert son couteau de guerre.

JAger balance l'oiseau sur RatDare. Inutile de lui en donner l'ordre, le garçon sait qu'il doit sortir vider la bestiole pour le repas. Parce qu'un bon chasseur ne délègue jamais les tâches ingrates aux autres. Lorsqu'il revient dans la bâtisse, le soleil est sur le point de se coucher. Ils ont capturé suffisamment de trésors pour rentrer à l'aube. La fille est leur prise la plus précieuse. Le reste se compose des quelques affaires de son groupe, deux fusils au coup par coup, une arme de poing, des duvets, quelques outils & ustensiles, plus des munitions. RatDare jette un coup d'œil en douce à la guerrière attachée à l'anneau, JAger la charge de déplumer le repas. Il regarde ses mains menottées travailler, elle est vraiment très belle, impressionnante pour un jeune pillard semi-esclave qui ne croisât pratiquement que des femelles terrorisées prisent à des voyageurs isolés. Elle a quelque chose de noble dans les traits, sa physionomie est sombre, la couleur mate de sa peau ressemble à la sienne, aussi RatDare espère que JAger tiendra à monter des patrouilles durant la nuit, comme à son habitude, pour les laisser seuls. Après dîner, le chasseur fume sa clope artisanale, RatDare attend qu'il finit. L'homme se lève enfin, traverse la pièce, s'agenouille devant RatDare qui fait semblant de s'assoupir, alors que tout bouillonne à l'intérieur de lui. C'est la première fois qu'il se trouve aussi proche d'un membre d'une tribu, peut-être la dernière occasion avant un paquet de temps. – Cette nuit, des gardes. Beginne deux heures, toi ensuite. Si toi viole trésor avant KAiser… Si toi violer elle, moi te tuer. Verstehst ? "

JAger parle rarement, et quand il le fait ce n'est jamais à la légère, mais en chargeant chacun de ses mots de l'importance d'un serment. RatDare en a conscience, hoche la tête, mais JAger lui balance un petit coup de poing sur le crâne. – Moi te tuer si toi toucher elle. – Okay… – Qu'est ce que moi dire ? – Moi te tuer si toi toucher elle. – Non : Moi te tuer ! – Moi te tuer !

JAger rigole, lui met un autre coup. – JAger tuer RatDare. – Ya ! C'est okay JAger, i wan't only dormir.

Le chasseur se dirige vers l'escalier, lance un dernier index accusateur en direction du garçon qui lui sourit d'un air stupide. Son sourire disparaît aussitôt JAger sorti de la pièce. RatDare compte jusqu'à trente, monte les marches qui desservent le rez-de-chaussée du moulin, il se déplace en silence et rapidement, à quatre pattes. RatDare jette un coup d'œil à travers l'une des petites meurtrière du moulin dans la direction qu'ils prennent toujours lorsqu'ils commencent leur tour de garde. La silhouette de JAger se fond dans les ténèbres du désert. RatDare fait demi-tour, se rue bruyamment dans l'escalier sans plus de précaution, s'oblige à se calmer une fois en bas. Il sort un bout de bois à mâchouiller, s'avance ravi vers leur trésor de guerre, la main prête à déboucler son ceinturon. La femme s'énerve aussitôt : – Para ! Hijo de puta ! Sucio bastardo !

Elle se concentre, réfléchit au dialecte supposé que parlent les deux hommes, elle tente : – Stop ! Warten !

Mais RatDare ne fait pas attention à elle, se plante devant, dégrafe son ceinturon, commence à faire glisser son pantalon, s'interrompt le temps de lui foutre une baffe pour qu'elle se concentre un peu, puis rabat sa queue et ses testicules sur le côté. RatDare relève la cuisse, lui montre quelque chose dans son creux, touche du doigt une tâche indistincte, grosse comme une ancienne pièce de monnaie, puis pose le même index sur le tatouage qui figure au milieu du front de la guerrière. Elle comprend alors que le jeune pillard est originaire comme elle d'une tribu. – What ? Where is my tribu, lui demande-t-il ?

Elle se concentre. Le tatouage est petit, en forme de croix. Il a la taille de ceux que l'on fait à la naissance d'un bébé afin de marquer son appartenance. Mais il manque toutes les autres couches. Les motifs que l'on rajoute à l'enfance, puis ceux ensuite, les plus important, qui sont tatoués au passage à l'âge adulte, et qui constituent l'identification pleine et totale de l'individu à sa tribu. En plus le tatouage a été effacé par une lame chauffée à blanc. Sûrement le travail du clan des pillards, lorsqu'ils récupérèrent le nouveau-né. – No sé. – Quoi “Nossé” ? Nossé is my tribu ? Mein tribu ? Où nossé être, where ? Wo ist es BITCH ?! – No sé ! Moi pas savoir ! Signe petit, signe effacé !

De déception RatDare lui remet une grande claque. Il remonte son pantalon, s'éloigne, il s'y attendait. Même si le langage de celle-là indiquait qu'elle venait de loin, depuis qu'il est en âge de se souvenir, la Horde avait toujours avancé dans une unique direction, sans jamais retourner sur ses pas, alors… RatDare pouvait aussi bien parcourir le monde en sens inverse durant les quinze prochaines années sans jamais croiser quelqu'un sachant quoi que ce soit à propos de sa tribu. Il fallait en revenir au plan initial. Convaincre WUt de fuir la horde en sa compagnie, et s'il refusait, alors s'échapper seul. – ¡Oye tú !

Le cœur du garçon bondit, il retourne se planter face à la femme. – Tocarme… – Was ? – Toi toucher-moi, allez ! Mes seins… Allez…

RatDAre écarte les pans de sa veste en peau, plonge ses mains à l'intérieur. Elle possède une vraie poitrine, chose rare à une époque où une femme peine à survivre au-delà de l'adolescence, elle lui dit, – Moi sucer toi, si ? Moi bien sucer toi ! Et plus. Moi à toi si tu me liberas !

RatDare se jette en arrière comme si la poitrine de la fille le brûlait. Elle le prend pour un pillard stupide. Si RatDare la libérait, quel qu'en soit le prétexte, JAger le retrouverait mort en rentrant de sa garde. Et sûrement qu'elle attendrait JAger pour le tuer aussi par pure vengeance. Sa dangerosité ne faisait aucun doute. – Toi tu me liberas, ou moi dire à ton ami : toi violer moi !

RatDare sait, JAger comprendrait en une seconde que la fille lui mentait de la même façon qu'il comprit de quelle manière il avait tué le vautour. Mais RatDare perd son sang froid, pose son pied contre le ventre de la femme et pousse sur sa jambe de toutes ses forces. Elle gémit de douleur, le visage déformé par la rage il lui crie : – Fallait savoir where is mein tribu Nossé ! Fallait savoir, bitch ! Toi croire que moi être un pillard idioten ! Mais RatDare pas pillard ! Moi de la tribu Nossé ! Et JAger pas pillard ! Nous éclaireurs ! Toi fières, mais toi supplier à RatDare la mort, si toi savoir quoi horde faire à ton corps !

La femme reste silencieuse durant deux heures. Quand JAger rentre au moulin, RatDare en rage prend ses affaires et disparaît dans la nuit sans prononcer un mot.


***


Flag armée de son bout de bois saute aux quatre coins du toit en poussant des cris aiguë, Red le Dog tente de lui enseigner les rudiments du combat au couteau, Flag n'écoute pas, elle est rapide, mais son pouvoir de concentration n'excède pas cinq minutes. Flag ressemble vraiment à une gamine quand elle fait la con. Red découragé baisse sa garde, Flag se rue en hurlant, virevolte, le poignarde dans le dos. – Red is dead ! – Modda Bucker, Flag ! Stop it ! – Nope, dire « moza phoker », Red ! Phoker like “phok” !

Flag lui saute dessus, de face, s'agrippe bassin contre bassin en croisant les jambes dans son dos. – Viol ? – Non Flag, pas viol. Travaille. If you want become a great guerrière ! Mais elle ne bouge pas, le maintient prisonnier, son torse entravé entre ses cuisses et ses mollets, ce qu'il lui dit elle s'en fout.

Red le Dog est prisonnier, affalé au sol mains liées dans le dos, il fait sombre, il porte un drôle d'accoutrement en peaux de bêtes. Flag prend son visage, relève sa tête embrasse son front, elle lui chuchote à l'oreille " moi tuer les hommes, Red, moi tuer les femmes, moi tuer l'enfant. Dis-moi Red, et je les tue tous cette nuit dans la maison. Parle Red. Only one word and i kill them all ! "

Red inquiet la soutient par le bras et l'observe. – Ça va Flag ? It's okay ? Toi crier et tomber ?

Flag tourne la tête, inspecte les alentours, rien que le toit sur lequel ils traînent depuis deux jours. Flag ne possède pas suffisamment de mots pour expliquer à Red la sensation étrange, le froid qui s'est abattu soudainement sur ses épaules, la pesanteur de la mort, la solitude, sa brève vision de Red prisonnier. Elle s'écarte de Red, le contemple de haut en bas. Pas de tenue en peaux de bête, sa veste militaire habituelle est ouverte sur son torse nu, son treillis, son béret bleu stupide posé en travers du crâne… – Red okay, ça va.

Red va lui chercher une poche d'eau posée dans l'ombre du haut-vent, Flag s'en veut terriblement. A son expression, elle comprend qu'il se demande si elle est malade, et Flag ne veut pas qu'il pense qu'elle l'est, qu'elle est faible, qu'elle le ralentirait. – Bois. Entraînement couteau fini aujourd'hui.

Flag utilise alors le plus puissant de ses nombreux talents, qui est de réfléchir à toute vitesse. – Listening Red : toi être grand guerrier. – Yeah ! – Strictly ! But… Pour être grand guerrier, Red doit ressembler à grand guerrier. Identic ! – Okay alors, how to do that shit ? – Change de fripes ! Change de fripes like a warrior des tribus !

[…]

Flag l'emmène au premier étage de la maison où sont entreposés les trésors de second ordre. Elle s'accroupit, farfouille dans les piles de vêtements. Certains puent, ceux-là pris à des morts. Elle décide d'en rester aux accessoires. Flag trouve une belle cravate brillante et rouge, qu'elle noue autour du cou de Red. Elle décore le revers de sa veste de médailles faites de capsules de bouteilles. Plusieurs montres cassées qu'elle fixe à l'un de ses poignets, elle en attache jusqu'au coude, le long de son avant-bras. Red laisse Flag le décorer comme un sapin de noël. Il fouille aussi dans le trésor de guerre, passe son bras entre ceux de Flag, affairée il cherche du rose, puisque Flag lui a assuré qu'il s'agissait de la couleur des plus grands guerriers de sa tribu. Ils travaillent tous deux en silence, concentrés. Flag trouve une bombe de peinture, tire Red par la ceinture pour qu'il se lève. Entre les abdominaux du garçon elle dessine une flèche jaune, dont la pointe s'arrête sous le nombril, en direction de sa queue.

La plupart des décorations de Flag n'ont en réalité aucun but ni rapport avec les coutumes de sa tribu, mais la flèche, oui. Elle se souvient. Pour les guerriers mâles, désigner leurs queues était important, cela faisait partie des peintures d'avant-combat. Les femmes le faisaient aussi, même si elles n'avaient pas de queues ; en un sens elles en possédaient une – mais ces choses seraient trop compliquées à expliquer à Red. Flag rassoit Red en poussant sur ses épaules. Dans un élan purement esthétique, elle décide de lui peindre une partie du front de la belle couleur peinture-soleil, mais Red balance un revers contre sa main, la bombe aérosol vole à l'autre bout de la pièce. Red lui a fait mal, pour la première fois. Bien sûr, Flag ne peut savoir ce que signifie peindre le visage de quelqu'un dans le monde de Red, ni les souvenirs que ce geste lui rappelle. Flag n'a pas assisté à la Grande Bataille de l'Imprimerie. Même si Red possédait les mots pour la lui raconter, il ne le ferait pas. Red se lève, s'énerve, gigote des mains, fait teinter les breloques accrochées à ses vêtements, il lui demande : – Ça être fripe de grand guerrier ?

Flag ne s'est jamais rabaissée à pleurer depuis qu'elle est sortie du ventre de sa mère, mais elle en a bizarrement envie quand Red lui hurle au visage : – CA ÊTRE FRIPE DE GRAND GUERRIER TU DIS ?! Alors guerrier pas grands, guerriers tout petits dans ta tribu !

Red sort de la pièce, Flag l'entend pester " bullshit ! bullshit bullshit ! « tandis qu'il s'éloigne. Flag n'a jamais pleuré depuis qu'elle est sortie d'un ventre, elle n'a pas pleuré la mort de sa tribu, ni la séparation des siens, ou encore chez les Frères, quoi que le vieux patriarche lui fasse subir, pourtant en cet instant, sans qu'elle sache pourquoi, pour une chose aussi stupide que le changement d'humeur brutal de Red à son égard… Le regard de Flag se pose sur une chapka rafistolée d'épingles à nourrices, elle se précipite dessus. La vision de ces épingles détruit aussitôt l'une des rares opportunités qu'elle avait de pleurer un jour, elle les dégrafe. Flag sait, voit un signe dans ces épingles, elle se lève, et se lance à la poursuite de Red le Dog, dans la maison.

C'est la fin d'après-midi il est retourné sur le toit. Cela fait trois jours qu'ils y vivent et y dorment, pratiquement. Red répugne à descendre dans la maison, encore plus dans le bunker, le temps passe. Après leur premier viol mutuel, après que Flag ait crié nue sa victoire, bras levés face au monde, Red s'était approché d'elle, et avait fait une chose étrange avec ses mains. Il avait entouré ses mollets fins comme des bâtons, et ses cuisses, puis ses hanches. Flag s'était sentie ravie de ce contact sur son corps, mais les mots qui vinrent lui firent l'effet d'un coup violent qu'il lui aurait balancé sans raison. – Hum.. Flag pas forte, faible, maigre, too much faible. – Phok you ! – Wait, Flag, noboule. Look that…

Ce jour là, Red aussi nu qu'elle recule, répète les mêmes gestes autour de son propre corps. Il entoure ses mollets de ses mains pour en prendre la mesure, ses cuisses, ses bras. Red est de taille moyenne, un physique fin, des muscles longs, des côtes saillantes…

— Regarde. Chair de Red faible aussi. Alors, Red is faible, okay ? Red and Flag, the same.

La jeune fille glapit :

— Red faible ! Red bitch ! No Flag !

Il veut lui caresser le visage, elle le repousse avec hargne, il lui chuchote : – Red et Flag faibles. That's it, and that's right, but… Red apprendre force à Flag. Force plus grande que chair faible. Force de la guerre. Plus grande que tout.

Puis Red prend le fusil qu'il a donné à Flag le premier jour de leur rencontre chez les Frères. Il désigne le haut-vent, fait semblant de tirer au fusil sur cet ennemi de bois et de toiles, et prétend l'avoir eut : – Lui ennemi ! Ennemi-fort, plus fort que Red-faible, mais look that, Flag ! Bullet in da phokin' head !

Puis Red saisit son arbalète, fait semblant de tirer encore, et tombe un nouvel ennemi imaginaire. Red s'approche maintenant du haut-vent armé de son gros couteau cranté qui traîne jamais très loin, même pendant le viol. Red fait des mouvements dans le vide, l'ennemi tombe, vaincu, une fois de plus. – Si Flag connaitre fusil, arc, couteau, alors force ennemi, on s'en fout ! Ennemis tomber, tous ! Ennemis shut up, ennemis mourir ! Fusil ! Arc ! Couteau ! Flag plus forte avec fusil, arc, couteau. Anybody and anytime, you understand ? Red apprendre à Flag : fusils, arcs, couteaux !

Après la colère de Red dans l'une des pièces aux trésors, Flag le retrouve sur le toit. Mais à sa vision, Red enrage plus. Il détruit le haut-vent d'un coup de pied, arrache les breloques dont elle a décoré sa veste, même le bout de plastique rose, le manche de rasoir qu'il piétine. – Red… I'm sorry… – GET OUT FLAG ! GET OUT DE MY LIFE !

Red se précipite sur les sachets plastique d'eau, lui en fourre deux dans les bras, va prendre le fusil qu'il lui a donné, le lui passe brutalement en bandoulière…

— Red no please, no please Red, pas ça… – Get out bitch !

Red la tire par le bras en direction de la trappe du toit, Flag le supplie : – Pardon pour peinture ! Fusils arcs couteaux ! – Trois days ! Trois days ! – Red, fusils arc couteaux ! – Toi rien apprendre, only viols and bullshits ! – Fusils arcs couteaux ! Please Red ! Fusils arcs couteaux !

Red lui lâche le bras, se sent obligé de lui répondre – Non toi rien apprendre, toi tu… A kind ! Faible enfant ! Faible Flag, jamais changer, toi être danger pour moi ! – No no no ! Fusil arc couteau, fusilarccouteaufusilarccouteauFUSILARCCOUTEAU !

Flag répète ces mots en les hurlant à l'infini, elle reprend espoir, Red a cessé de la traîner vers la trappe. Flag l'avait compris dès le deuxième jour en sa compagnie, il est facile de faire perdre le fil de ses pensées à Red, il suffit de lui parler, de lui remplir la tête de mots. Ou à la limite, de viols. Flag répète en se jetant à ses pieds fusilarccouteau, elle essaye de dégrafer son ceinturon pour un suce-viol, mais d'un coup de pied, Red la fait rouler sur le toit.

— Toi pas comprendre, Flag ! – Si ! Fusil arc couteau ! – Non, not understand ! Red partir ! Maison, bunker, trop de murs ici, prison ! Red partir de prison. Red marcher fier sous le soleil, like a tribu ! Red pas esclave, pas faible, pas murs ! Mais toi… Trop faible pour partir. Faible comme Bakass ! Faible comme esclave des Frères ! Oui, Flag faible et inutile, comme Bakass ou esclave.

Flag a envie de lui arracher les yeux quand il prétend savoir ce qu'elle est, mais elle ravale sa rage, se redresse, va d'un pas las prendre le bout de bois dont ils se servent pour l'entraînement au couteau. Flag dresse le bois lame levée, exécute les mouvements que Red lui a montré dans l'après-midi, les gestes pour planter. Puis elle tient le bout de bois lame en bas, et exécute les mouvements liés à cette garde, ceux pour trancher. Ensuite Flag prend le second bout de bois dans l'autre main, l'un en position lame haute, l'autre en lame basse. Chacun de ses bras travaille indépendamment dans l'harmonie de sa garde, Flag virevolte, tranche et plante une armée invisible. Red est surpris qu'elle se souvienne de tout ça. Et il ne lui a pas montré le combat à deux couteaux, tout simplement parce qu'il ne combat jamais de la sorte, personne ne le lui a appris. Il n'avait même jamais pensé à utiliser un couteau dans chaque main. Soudain Flag charge Red sans prévenir et lui met un petit coup de pied dans la cuisse. Par réflexe Red descend sa garde, là où elle l'a frappé, mais Flag prend appuie sur sa jambe, s'élève rapide, et dans le même mouvement pousse le menton de Red d'un coup de poing symbolique, puis lui déchire la gorge de sa fausse lame, en ramenant sa main. Son assaut a duré une seconde. Red est surpris. Il ne lui a pas appris non plus cette feinte de corps. Flag l'a vu enfant, quand elle espionnait l'entraînement des guerriers adultes de sa tribu, puis les imitait le soir venu, en compagnie des autres enfants.

— Red, fusil arc couteau, i promess you !

Red ne sait plus quoi penser.

— Please Red, please…

Red fait les cent pas, va lui répondre, hésite, rend finalement son verdict : – Okay, mais no fun, hein ! Only fusil arc couteau ! Flag se jette à genoux aussitôt, entoure son torse de ses bras :

— Oh yeah Red ! Fusil arc couteau ! – No fun Flag, i not repeat ! – No fun ! No game ! Just life and death, Red. And just and you and me !

Red la décolle de son torse avec difficulté, ne peut s'empêcher d'en rire. – Flag, Flag, Flag… – RedRedRed ! – Flag, i'm not an idioten. – I know.

Red déblaie les ruines du haut-vent à coups de pieds, retrouve son sac à dos, en sort des feuilles et du tabac. Red s'installe, assis contre le rebord du toit. Flag ramasse un des bouts de bois, répète lentement les mouvements qu'il lui a enseigné. Red passe la langue sur sa clope à rouler, termine, l'allume et lui ordonne à travers un nuage de fumée : – Pas travailler maintenant. Nuit bientôt. Tomorrow couteau. No fun pour Flag.

Flag le rejoint, s'allonge, pose sa tête sur son ventre. Il lui caresse la nuque ou du moins, son geste en donne l'impression. Flag n'aime pas ça. Les gestes de tendresse dans sa tribu sont ceux que les forts réservent aux faibles, et aux enfants. Mais Flag le laisse faire. Elle pose la main sur son ceinturon, il râle, elle lui dit : – No fun, mais viol ? Un peu ? Sometimes, when the night comes ? – Fatigué. – Only me. Only suce-viol.

Red souffle d'agacement, Flag sait qu'il n'est pas dupe à propos de son envie subite de sexe, mais il ne la repousse pas. Flag a compris. Pour prendre le contrôle du garçon elle doit lui farcir la tête de mots, et le corps de viols. Elle le prend du bord des lèvres, sa queue en bouche elle sourit de le sentir grossir et aussitôt et durcir. Flag en aurait presque envie elle aussi, s'il ne s'acharnait pas à l'humilier en lui caressant la nuque. Et puis Flag comprend, il ne s'agit pas de tendresse. En réalité les doigts de Red dessinent par-dessus son tatouage tribal. Alors qu'elle enfonce sa queue au fond de la gorge, il lui relève les cheveux, pour mieux le voir. Puis Red s'arrache à sa bouche, et lui montre quelque chose dans le creux de sa cuisse. Tout en le branlant machinalement, Flag plisse les yeux. Le motif est petit, ridicule, en forme de croix, il a été comme effacé par une autre brûlure posé dessus, il s'agit de la marque d'une tribu. – Tu vois, moi être comme Flag ! Moi pas naître esclave. Tu sais quelle est mein tribu ?

Fag secoue la tête, et le reprend en bouche, elle en a assez vu. – Toi rien savoir ? Sur mein tribu ?

Flag sait tout, mais préfère ne rien lui dire, elle continue de le sucer. Red balance la tête en arrière, les yeux perdus dans les gros nuages qui prennent une couleur de plus en plus rouge en cette fin d'après-midi, il leur promet :

— Red marcher loin des murs, et ensuite, Red chef de tribu, la tribu « Red le Dog ». Tribu grandir, tribu forte et puissante. Un jour, Red croiser quelqu'un qui saura pour sa tribu de naissance. Alors, quelqu'un dira le vrai nom de Red le Dog. Son vrai nom de la tribu des Nossé.

Flag ne sait pas quel est le vrai nom de Red le Dog, mais à la vision de son tatouage, elle a compris une chose qu'elle préfère lui taire. Les tatouages tribaux sont toujours dessinés sur une partie visible du corps, comme le front, le cou, ou le dos d'une main, voire la nuque, mais dans ce cas les cheveux en bas du crâne sont rasés. Parce que la marque d'une tribu est une fierté pour celui qui la porte, et surtout, une protection. Un message, qui dit au monde que l'individu n'est pas un esclave, faible et seul au monde, et que toute violence à son encontre en appellera des conséquences. L'emplacement étrange du tatouage de Red, si près de son sexe, dans le creux de sa cuisse, signifie que le shaman avait choisit exprès un endroit caché par les vêtements. Le Shaman avait agi ainsi pour protéger le nourrisson, pour cacher son identité au monde, parce que sa tribu devait être pourchassée, et ne pouvait plus lui offrir de protection. Les Shamans agissaient de la sorte, Flag l'avait compris : Red était né dans une tribu déjà mourante.

Flag continue, crache sur la queue pour qu'elle glisse plus dans sa main. Elle aimerait pouvoir réconforter Red, mais elle ne le fait pas. Red est un grand guerrier, il mérite mieux que sa pitié. Et puis, il pourrait encore lui crier dessus, tout casser avec ses pieds, la chasser… Flag lui en veut un peu. Toute cette histoire de tribu et de nom perdu, c'est une faiblesse. Red devrait prendre garde à la masquer. Red la regarde le sucer, elle s'en aperçoit, lui sourit, sa queue coincée entre les dents. Flag se promet de ne plus oublier cette règle sacrée : ne jamais approcher une bombe de peinture du visage de Red. C'est ce qui avait tout déclenché… Flag chasse les pensées négatives et se concentre à le sucer. Elle se dit que c'est étrange, elle qui fut forcée à prendre des bites dans la bouche de nombreuses fois, toutes lui paraissaient infectes, mais pas celle-là. Elle a bon goût. Même ce qui en sort. Quand Red explose, Flag ne recrache rien, même s'il y en a beaucoup trop.

Elle rit, le geyser ne veut plus s'arrêter, elle rit et le moque : – Red jouir beaucoup quand viol de Flag ! Alors Red, plus jamais chasser Flag !



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