Florian ou le savoir jouir.(2)

dark

 

  Pour Florian, l’activité amoureuse n’était pas une obsession, mais un plaisir toujours renouvelé, toujours changeant, toujours recommencé, comme la vie.

   Faire l’amour le reposait, lui procurait un joyeux tonus. Entre Gulliver et lui régnait un accord parfait.

 

    Ainsi, quelques jours auparavant, me baladant dans le Square du Vert-Galant, à la pointe de la Cité —le cœur de Paris― je m’étais trouvé nez à nez avec une excitante créature. C’était le début de l’après-midi, une journée tiède et lumineuse. Le jardin, entouré des eaux de la Seine, était à cette heure, quasi désert, mis à part les deux ou trois clochards, affalés sur une pelouse, qui sirotaient leur picrate.

   Je n’étais pas en train de chasser, Gulliver, lové contre les mailles de mon slip, se tenait tranquille. Je me laissait bercer par le spectacle des vielles pierres qui se reflétaient dans les eaux grises et jaunes de la Seine.

   Elle était assise à même le sol, à la pointe de l’ile, contre le parapet du quai, le regard sur le fleuve. Ses jambes un peu écartées, laissaient voir, sous la robe retroussée au-dessus des genoux, la petite culotte blanche ourlée d’un liseré bleu ciel.

    Elle avait relevé la tête et lancé un «Hello »amical. J’avais bredouillé un quelconque « Bonjour », fasciné par les jambes mates et dorées qui, lorsque le regard les remontait, laissaient entrevoir au milieu d’elles une ombrette de duvet cuivré que la petite culotte ne parvenait pas à cacher tout à fait. Mes yeux fixés sur l’entrejambe qui s’offrait, je vivais une minute de paradisiaque voyeurisme. J’étais incapable de proférer un son. Gulliver, enthousiasmé, s’était tendu. Elle l’avait remarqué, bosse subite qui pointait sous le pantalon clair. Le temps s’était suspendu. Seuls, les oiseaux semblaient vivre normalement. Les lèvres sèches, immobile, je semblais pétrifié, semblable aux vieilles pierres alentour, qui avait vu tant de batailles, de révolutions, de têtes coupées, de régimes renversés…Elle avait passé sa langue sur sa lèvre, lentement, et regardait d’en bas, un homme jeune, silencieux et debout qui la fixait de ses yeux bleus.

    ― Dieux de Dieux ! Me dis-je !

    Elle fit un mouvement, bougea les jambes.

    ― « Oh, non ! Suppliais-je, intérieurement, ne bougez pas, pas encore, je veux voir, restez… »

    Mais ce n’était pas un mouvement de fermeture. Elle avait ouvert encore plus largement les cuisses et continuait à me regarder en souriant. Il ne lui déplaisait pas, manifestement, cet homme au regard brulant, aux cheveux en bataille. Elle avait écarté la jambe droite, calant sous ses fesses le talon de la même jambe. Tirée par l’écartement, la culotte de coton ballait, laissant voir davantage encore. Dans la broussaille dorée, je cherchais à percevoir, plus loin, l’ouverture secrète, mais la fourrure était trop dense.

    Toujours debout et muet, elle ne me quittait pas du regard. Son sourire était tombé, un air de gravité avait rempli ses yeux. Elle mouilla encore sa lèvre et sa main longea sa cuisse, lentement, se dirigeant vers sa culotte.

    ― Dieux de Dieux ! Répétais-je, fasciné.

    Elle avait introduit le médium au-delà de la frontière bleue du liseré et me regardait toujours, la bouche à demi ouverte où brillait un peu de salive.

    Sans doute était-elle américaine. Les baskets de couleur, la chemise de sport à carreaux, les traits du visage n’étaient pas ceux d’une française. Je lui aurais donné dix-huit ans, peut être dix-neuf. Son regard vert m’interrogeait silencieusement, tandis que le doigt faisait régulièrement des petits ronds lents et réguliers. On entendait le clapotis de l’eau qui chantait contre les pierres du quai, et, plus loin la rumeur de la ville. Ils étaient seuls, en plein cœur de Paris, au bout de ce jardin qui regardait vers le pont des Arts, là-bas, et plus loin, vers le Louvre.

    Elle m’avait fait un signe de la main.

    ― Venez, avait-elle dit !

    Je m’étais approché tout contre elle.

    ― C’est joli, ça ! avait-elle lancé avec un fort accent new-yorkais.

     Elle avait posé sa main sur Gulliver tout en continuant à se caresser.

    ―Très très bon, Mmmmm ? Avait-elle demandé !

    Puis toujours de la main gauche, elle avait glissé la fermeture de mon pantalon, dégageant un Gulliver érubescent et chaud. Elle avait penché la tête, la bouche ouverte et, d’un coup, je me suis senti enveloppé par une langue tiède qui s’était mise à aller et venir dans un mouvement régulier. Les lèvres fermement serrées autour du jubilant Gulliver,  la langue tendue en une glissière naturelle qui frottait l’extrémité trigonocéphale sur toute sa longueur, m’avait procuré des sensations folles. J’avais saisi la tête de la jeune fille avec mes deux mains. Ses cheveux étaient doux. L’Américaine était experte dans l’art difficile de la fellation. Je sentis bientôt le flot de la jouissance qui montait, surgissant du fond de moi en un bouillonnement irrépressible.

    ― Mmmmm !...murmurais-je, fermant les yeux, sentant l’explosion proche.

    ― Wait ! lança-t-elle, m’abandonnant brusquement.

    Me maintenant à distance, elle se mit à accélérer sa caresse personnelle afin d’atteindre, elle aussi, le plaisir final dont je lui montrais l’imminence.

    Frustré par cet abandon soudain, je tendis mon Gulliver droit dans sur sa bouche pulpeuse et mouillée, obligeant celle-ci à l’accueillir à nouveau.

    ― Wait ! s’écria-t-elle, éloignant encore le Gulliver électrisé.

    Se concentrant avec une sorte de fureur, la main vibrante emportée dans un tressaillement accéléré, elle parvint au seuil tant désiré. Elle commença de pousser une sorte de soufflement, puis, renversant la tête, elle se mit à jouir, et c’était si fort qu’elle en oubliait ma présence, près d’elle, qui n’en pouvait plus de me retenir.

    Elle reprit son souffle, m’adressa un sourire lumineux.

    ―T’was wonderful, dit-elle.

    Moi, les mains appuyées sur les tempes de l’américaine, j’amenais le visage de celle-ci contre le Gulliver tendu. Elle se mit à lécher la tête avec des petits coups de langue rapides, puis, saisissant des deux mains mes fesses, se laissa oralement pénétrer. Gulliver, plongé dans la bouche tendre, la tête dilatée, exprima une jubilatoire tornade en sept pulsations répétées à un intervalle de 8/10ᵉ de seconde.

    Pendant que je me reprenais, elle se leva, m’embrassa sur le front et disparue dans la nuit.

 

  Extrait du livre: Florian ou le savoir jouir par Antoine S.

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