Fracas quotidien #1
Nicolas Miot
Les discussions simples, ces moments d'échanges spontanés qui surviennent entre personnes, parfois inconnues, au détour d'une rue. Nous étions trois, les uns connaissant les autres de par leurs propos, leur parcours ou les relations professionnelles qu'entretiennent chacun. Pas trois amis, pas trois connaissances. Finalement, simplement trois personnes qui discutent au croisement de trois rues, de sujets banals, du quotidien.
Entre les tarifs de l'immobilier à Bruxelles, la situation tendue que subissent les parisiens et les tracas habituels des listes de cadeaux de Noël, nos échanges quotidiens furent interrompus par la voix d'une quinquagénaire qui, accompagnée d'une fillette d'une petite dizaine d'année, nous interpellait :
Vous n'auriez pas 2€50 ? Je n'ai pas assez de monnaie pour le bus de la petite.
Please, please, répète la fillette avec un air satisfait de montrer son anglais.
Chacun s'exécute, chignant sacs et poches en quête d'un fond de monnaie. Avec un peu de peine, et un fois les poches vidées, le compte tombe : 2€ en petite monnaie qu'on s'empresse de délivrer à ces dames, l'air un peu désolé.
Il en manque un peu, tant pis …
C'est tout ce qu'on a sur nous, une âme charitable devrait pouvoir vous avoir ce qu'il manque.
Termine l'un d'entre nous alors que notre interlocutrice s'éloigne, la petite au bout du bras.
Coupés dans notre échange, chacun se salut et l'on reprend nos routes. Pour ma part, je me dirige vers mon tabac habituel, redorer mon stock de cancerettes et échanger quelques mots sur l'actualité, sur des sujets banals, sur le quotidien.
J'arrive à l'entrée de mon petit vendeur de mort personnel et aperçois deux silhouettes familières échangeant avec la vendeuse. La petite me reconnait et me salut de la main tenant un ballon dans la seconde. Je m'approche un peu et le ballon vient se coller à moi.
Oups, sorry !
It's okay, no matter.
Je lui réponds amusé en lui souriant puis m'avance au niveau de la buraliste qui me fait signe d'approcher. La seconde silhouette, un peu gênée, rang ce qui ressemble à un stock de cancerettes et fait tomber un briquet dans la précipitation.
Mamie, t'avais promis à maman que tu avais arrêté de fumer !
La plus âgée ne répond pas.
Alors que je passe commande, elle m'interrompt :
Vous me mettrez un fétiche 2
Tu m'avais dit que tu ne jouais plus mamie !
Pas de réponse, la Quinca' gratte son ticket sur le comptoir alors que je paye mes paquets. A voir sa mine, la chance n'était pas avec elle.
Bon mamie, on y va ?
Remettez-moi un Sagittaire.
Nouveau grattage, nouvel échec, elle s'éloigné laissant la petite regarder un magazine, l'air de rien.
Au bout de deux minutes, la buraliste fini par sortir de son commerce en pestant devant l'entrée :
Madame, vous n'auriez pas oublié quelque chose ?
Alors que la quinca' demandait à nouveau 2€ pour son bus, sur le perron du tabac.
Je n'ai pas réagi à la scène, me positionnant en spectateur malgré un bouillonnement intérieur. Mais mon sentiment de colère ne venait pas s'une impression d'avoir était spolié de quelques euros, ni d'avoir été déçu par l'être humain qui était devant se tabac. Non, cette petite boule au ventre m'est resté quelques temps à cause de la petite, de ses remarques à son ainée, de son innocence déjà mise à mal.
Après tout, si même l'innocence familiale ne peut faire changer un comportement, qui le peut ?