Fragrance

Cindy Roussel

  Ainsi le piège se referme sur moi, je suis coincée entre ces 4 murs, la fuite est inimaginable, que penserait-il ? Que dirait-il de moi ? Celle qui parle aussi peu qu’elle n’agit. Je ne peux que faire semblant, feindre l’assurance alors qu’à l’intérieur de moi c’est un ouragan qui se déchaine, et cogne contre toutes les parois tendres et moles. Il ne doit pas voir que j’ai peur, peur de lui, de ce qu’il est, un danger, un jugement, la lame si près de ma gorge, qui pénètre dans la chair chaude et moelleuse. Parfois j’aimerais mieux mourir que de ressentir cela, cette impuissance,  cet assouvissement à l’autre, à celui qui me fait face, mais aussi cette sensation d’être éjectée hors de mon corps, que tout ce qui sort de ma bouche, mes mots, mes gestes ne sont pas miens, je ne sais qui est cette autre personne, elle prend le contrôle, puis disparait lorsque la barrage est rompu, je reviens alors à moi et me retrouve comme une enfant auquel l’on demanderait l’impossible. Dans cette pièce nous sommes 3, mais je suis la seule à le savoir.

Je me suis assise près de lui, on sait l’un et l’autre pourquoi nous sommes là, pourquoi l’on se parle, pourquoi l’on se guète, l’on se test et se fixe, il y a ce petit jeu des regards, des mots ambigus, des phrases placées ici et là pour d’autres, alors qu’elles nous sont adressées, on se croirait au théâtre, où tout est caché derrière le grand rideaux rouge vermillon, où les personnage portent des masques étranges et mystérieux, il fait chaud, terriblement chaud, car malgré ce qui ne voudrait pas être révélé, pas tout de suite du moins, il faut que tout soit clair et lumineux dans la salle, que grâce à de grand et puissant éclairage, l’on sache où regarder quand les sièges s’assombriront, et que lorsque le rideaux se lèvera et que les 3 coups auront retenti dans la pièce silencieuse, l’on puisse voir et scruter ce qui était  caché jusque là, enfin se mettre à nu, montrer un peu de peau, un peu d’âme même, tout en portant le masque.


    On se tait, on se cherche, on se touche même, on s’effleure, s’étonnant de l’effet sur le corps de l’inconnu, le souffle haletant, pressant, ce sont nos lèvres qui se frôlent dans un premier temps, et enfin entre en contact,  c’est un peu comme de la musique, un baiser est une partition, quelques notes plus ou moins appuyées. Là encore je suis derrière le miroir, j’observe cette autre moi faire que mes lèvres s’agitent, mon cœur s’emballe, se gorgeant lentement de désir, jusqu’à plus soif. Il y a alors des vibrations qui ébranlent la surface du psyché,ce sera bientôt à moi d’entrer en scène, c’est comme essayer de tenir entre ses mains le manche de pilotage d’un A380, il vibre entre vos doigts, et continu son pique inexorable vers le sol.  Elle embrasse sa joue puis son cou, lentement, sa langue effleure le velours de  sa peau, leurs yeux sont clos, ils sont à l’unisson, désir la même chose, ils en sont sur. Il l’effeuille avec douceur, l’embrasse tendrement, allongée, il glisse sa main entre ses cuisses, qui ne demandent qu’à s’ouvrir, pour cueillir un peu de volupté et de velléité, jusqu’à ce creux si doux et désirable. Il baise la poitrine en petit baiser saccadés, le bout de son nez trace une ligne jusqu’à son nombril, qui danse de bas en haut, au rythme de sa respiration exaltée. Il n’ira pas plus loin sur ce tempo, lent et lancinant, il veut entendre ses douces lamentations, ses supplications. Elle en veut plus, il le sait.Il lui montre des bandeaux de soie vert, leur regard se rencontrent alors pour la première fois, ses yeux luisent, il prend cela comme une approbation.Il lui bande les yeux , l’embrasse langoureusement puis l’attache aux barreaux du lit avec d’autres bandes du même tissu vert chatoyant, le soleil faisant refléter comme des émeraudes le vert de la soie sur ses poignets. 

Lorsque la soumission est totale, le miroir se fissure alors, se craquelle. Je ne vois plus aussi bien, tout devient confus, je ne sais même plus pourquoi je suis là, ni ce qui m’a poussé dans cette situation, dans ces moments, je n’ai qu’un désir, fuir, le plus vite possible, car je vais revenir à moi, dans ce corps qui est mien, mais ma voix se niche à l’intérieur, disparait avec l’autre moi, le miroir se brise en une fine pluie de verre et je suis happée à l’extérieur du psyché, alors bel et bien ancrée dans ma chair, sans échappatoire, ni porte de sortie, je ne peux que subir et entrer en scène.    


     Il m’attrape par le cou, pour  montrer qu’il a bien le contrôle, et pénètre en moi, et fend la nymphe en son centre, tout en me tenant toujours par le cou, puis, posant enfin ses mains, pour tenir sa frénétique et ahurissante avancé en moi, tel un cheval fou! Je ne vois toujours rien, la soie s’est imbibé de sueur et me colle au niveau du front. J’enlace avec mes cuisses vibrantes d’excitation, le bas de son buste pour le tenir le plus proche possible de moi, ne pouvant utiliser mes mains, pour lui faire comprendre de ne surtout pas arrêter,  je sens sa sueur se mélanger à la mienne, j’entends son souffle, de plus en plus court, comme un bruit sourd, comme ci j’étais dans l’autre pièce, l’exaltation monte en crescendo, la pente se fait de plus en plus raide, le corps se vrille, je sens que le dernier acte de la pièce va se jouer, il ralentit imperceptiblement, c’est un véritable opéra de cri, d’hoquètement et de gémissement qui retentie dans l’espace clos!     Dans un dernier cri, vient la jouissance, la tension des membres, et la délivrance, la totale libération, la corde en tension finit par se relâcher, un dernier et long soupir de plaisir qui marque la fin de la scène, de l‘acte. 

On reprend progressivement notre souffle, chaud et saccadé, lui comme à chaque fois, reste à l’intérieur, dans la chaleur de l’orgasme, duveteux, sirupeux, dans le miel de la délectation.
Il ôte mes attaches, et laisse mes yeux le fixer, voir son regard satisfait, et mon corps luisant se délester contre le sien. Vient le moment de tendresse, ce n’est pas de l’amour juste de l’affection, c’est pour dire merci, c’est comme une salutation, nos corps moites se collent, nos cœurs encore à l’effort, cognent à l’unisson dans nos poitrines humides, puis l’on est poussés posément tout deux dans les bras de Morphée. 
    Ce fut ainsi la première fois avec lui, l’inconnu, mélange de peur, de terreur même, avec le désir et le plaisir. 


     Je voulais le combler, pas seulement par la sexualité mais d’une autre façon aussi, je voulais le remplir de lumière, que plus jamais, il ne puisse être dans les ténèbres, je voulais le voir sourire, prendre la vie comme un cadeau tel, qu’on ne peut la refuser, je voulais le faire rire, qu’avec moi il se sente apaisé, en sécurité, qu’il me fasse confiance, que lorsque sa main trouverait refuge dans la mienne, que le reste du monde ne soit plus aussi immense et inquiétant, je voulais faire tout ceci sans l’aimer et sans qu’il m’aime, je voulais le chérir sans lui dire « Je t’aime», je voulais le rendre heureux sans jamais jalouser ceux ou celles qui voudraient faire de même, je voulais tout simplement marcher à ses côtes sans jamais m’attacher à lui, ni lui faire croire que ceci, cette sorte d’épopée du bonheur, cette ode à la joie et au plaisir, serait pour la vie.


On avait tant de facilités à parler, tantôt de chose légère, sur les plaisirs charnels, tantôt de  nos âmes, de la vie et de choses terriennes puis spirituel, c’était si facile avec toi, t’exacerber toutes mes facettes.Tu aimais lire ce que j’écrivais secrètement lorsque j‘étais seule et que je laissais mon esprit s‘évader vers des plaines qui t‘étaient totalement inconnues. Mais j’avais toujours le désir occulte que tu puisses lire, et que ce que j’écrivais t’atteindrait, mais il y  avait aussi cette angoisse irraisonnée, que tu puisses voir une part de mon âme, un bout de ce qui se cache sous le masque. Je me dévoilais déjà tant à toi, toujours un peu plus à ton contact, comme à personne auparavant, et je creusais toujours plus en moi pour en sortir le meilleur et t’apporter le meilleur, mais j’avais peur de voir se glisser le pire dans ces vagues de bienfait, et que cela noircisse tout, que l‘encre noir envahisse le blanc, pour ne lui laisser ne serait-ce qu‘un mince sillon.
J’étais à chaque fois près de toi dans ce tourbillon d’angoisse et de joie, de bonheur et d’appréhension, toujours dans ce tiraillement vers l’affut et le total lâcher prise. Dans ce balancement incessant, je ne trouvais, malgré tout, pas la nausée, au contraire, ce fut chaque fois comme les montagnes russes, sans une seconde de répit. 


Certes je te montrais beaucoup, mais je n’ai pu me résoudre à te montrer cette autre moi, ce moi clandestin, muré dans mon esprit depuis le jour où la réalité me fut trop insupportable pour que je puisse la supporter seule, j’ai d’ailleurs voulu mourir, cela aussi je te l’ai caché de toutes mes forces, l’enfouissant sous la terre du passé, du révolu! J’aurais voulu te dire qu’au fond de moi, se trouvait une blessure qui ne guérissait pas, et ne guérirait peut-être jamais, et que le seul moyen que j’avais d’en supporter la douleur était de laisser la place, le contrôle à cette autre moi, je l’ai appelé Shayne, elle est bien plus qu’un petite voix, je la sens à mes côtés, en moi, près de moi, je me vois dans des endroits paisible avec elle, où l’imagine tout près me tenant la main où me serrant contre elle.Je ne t’ai jamais dis que parfois, c’était elle que tu avais en face de toi, et moi je disparaissais, je me recroquevillais dans un creux douillet et réconfortant de mon esprit , pour la laisser agir et faire des choix à ma place. Ne m’en veux pas, mais sans elle, ne serait-ce que notre rencontre n’aurait pu être possible, sans elle, sans cette échappatoire, je ne serais plus de ce monde, j’aurais cessé la lutte acharnée pour la vie, j’aurais cessé de nager contre le courant.


    Je croyais que ce serait moi, moi et mon envie d’effusion de vie qui me lasserait de ta façon de « m’aimer », trop prévisible, et figée mais c’est toi toi  et ton contrôle, qui t’es lassé de mes élans, que je prenais de toujours plus loin, t’éloignant toujours plus de la réalité, t’emmenant dans cette bulle d’existence à part du monde, et de l’humanité, te faisant tourbillonner dans tout les sens, pour que tu lâches prise et t’élèves toujours plus haut, mais ce fut sans doute trop d’altitude pour toi, il t’a fallut lâcher ma main qui n’a d’ailleurs pas essayais de te retenir, car cela aurait été comme fermer mes doigts sur le papillon que tu étais, et l’empêcher d’à nouveau se poser, autre part, et je me le suis refuser, dès le début. Tu as à nouveau ancrer tes pieds dans la terre, et t’es tourné vers ton seul unique et véritable Amour, celui que tu avais laissé pour de l’affection, ou plus comme tu disais.


Ainsi nos chemin se sont séparés, en 2 lignes distinctes, vers deux avenirs différents, qui plus jamais ne ce sont croisés ou entrelacés, ces 2 avenirs sont devenus des routes, et des parts entières d’existences qui ne ce sont plus jamais  fait éco que par le sucré souvenir du temps passé entre 2 âmes qui ne cherchaient à un moment de leur vie, qu’un peu d’affection..

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