Génération Miley

Oriane

Difficile de savoir à quoi s'en tenir quand on a 21 ans : adulte ? ado ? libres ? sans limites ?

Loin de moi l'idée de m'identifier à Miley Cyrus (le twerk très peu pour moi) pourtant on ne peut pas nier qu'elle symbolise un problème générationnel. 

On a beau obtenir notre majorité à 18 ans, l'âge adulte n'a de cesse de reculer. Certes, on ne peut faire une généralité pourtant avec l'allongement de la durée des études, très peu de "jeunes" (à défaut de pouvoir nous catégoriser comme "adultes" ou "adolescents") sont matures. Ils nous faut plus de temps pour nous trouver, choisir les études qui nous conviennent, savoir ce que l'on veut faire, être diplômés, trouver un job et se lancer véritablement dans la vie adulte. A mon sens l'étirement de cette période de transition, beaucoup plus courte pour la génération de nos grands-parents, est une chance. Nous sommes libres (ou presque) de faire nos propres choix, libres de nous construire. Une liberté à double tranchant car si tout est possible, on peut aussi être coincés, pour une durée indéterminée, dans ces limbes d'exploration. La question qui m'est le plus souvent posée par les "adultes" (entendez ici ceux qui ont un travail, une famille, une maison, un foyer bref une vie régie par des codes imposés par notre société) est : "qu'est-ce que tu veux faire dans la vie ?" (question souvent réductrice et qui signifie simplement "quel métier veux-tu exercer ?"). A cela j'ai expérimenté deux réponses et donc deux réactions chez mes interlocuteurs. Lorsque je dis journaliste, j'entends souvent la même chose : "c'est bien à ton âge de savoir ce que tu veux faire mais avec la crise tu ne trouveras jamais de travail" (pourquoi tant de pessimisme et surtout quand votre génération n'est pas concernée par ces problèmes alors au moins donnez-nous un peu d'espoir !). Autre option : lorsque j'explique que je ne sais pas vraiment quoi faire mais que je sais ce que j'aime (le voyage, la culture, l'écriture, etc.) et que j'ai divers projets alors là on me sort "ohlala mais à 21 ans tu n'as pas peur de ne pas savoir ce que tu veux faire ? Toute ta vie se joue maintenant !". Je ne sais pas si la vingtaine est la meilleure période de la vie mais en tout cas, pour moi, cette période représente justement ce moment où tout est possible et où les contraintes sont moindres parce qu'on a encore le temps d'explorer et on peut s'offrir le luxe de ne pas "savoir". Savoir exactement ce qu'on veut faire, savoir qui on veut être, savoir où on veut être. Et se laisser le temps de souffler, se laisser porter par le vent. C'est aussi certainement ce qui nous évitera ensuite à 50 ans de nous rendre compte qu'on voulait être peintre plutôt que banquier (ou l'inverse). Il faut se départir de cette vision négative qu'on acolle bien trop souvent au verbe "errer".

Cette chronique m'a en fait été inspirée par plusieurs événements qui se sont produits cette semaine. Tout d'abord, j'ai répondu à cette grande enquête Génération quoi ? lancée par France 2. 142 questions et 142 réponses pour tenter de définir notre génération. Mais justement je crois que notre force est de ne pas être définissables ou du moins avec des contours plus flous que ceux qu'on avait pu dessiner pour la génération Mai 68, par exemple. Et puis le piège de ces questionnaires est qu'ils sont soit trop cloisonnés soit trop larges. Exemple de question : "Y a-t-il trop de dogues ?". Clairement pour moi ça ne veut rien dire. Mais il faut croire que définir, classer, décortiquer tout ce qui nous entoure, nous rassure. L'inconnu nous fait peur, dommage car il peut nous réserver de belles surprises. Oui nous sommes un peu déboussolés, un peu errants, passant de l'univers polissé des Disney au twerking sulfureux mais nous sommes avant tout la génération imprévisible, la génération de tous les possibles. Notre seul problème : le regard que les adultes portent sur nous. Un problème qui n'est pas nouveau et qui se répète à peu près tous les vingt ans. Attendez encore une quarantaine d'années et nous serons nous aussi déphasés face aux comportements de nos petits enfants. 

C'est aussi cette liberté presque infinie qui nous est préjudiciable car ne pouvant établir réellement de profil-type du "jeune", il nous est difficile de nous identifier. Je m'explique et j'en profite pour faire des raccourcis grossiers. Ici je ne parlerai que des femmes, difficile pour moi de me projeter du côté masculin. Dans les années 2000 on a pu observer le développement d'une femme sexuellement affranchie avec Sex & the City, Le Journal de Bridget Jones et j'en passe. Aujourd'hui certes les blogs, les conseils beauté, mode, lifestyle etc. etc. se multiplient sur la toile mais ils sont tellement nombreux qu'il est difficile de se trouver un alter ego fantasmé comme avait pu l'incarner Carrie Bradshaw. Nous n'avons plus vraiment de ligne directrice à suivre d'où les dérives cyrusiennes. Quels sont les livres qui nous caractérisent ? Fifty Shades of Grey ?? La tendance sado-maso très peu pour moi. Oui j'ai lu les livres mais je ne m'identifie absolument pas à l'héroïne. Ok Ana Steele fait renaître l'humanité cachée de Christian Grey mais bon en attendant qui se fait frapper et cherche à assouvir tous les fantasmes de Monsieur ?! Bonjour le retour en arrière. J'arrête là ceci est un autre débat.

Bref, tout ça pour dire que le paradoxe de notre génération est sans doute cette très grande liberté qui a tendance à nous perdre un peu. Nous sommes en mesure de nous construire nous même mais on aimerait bien avoir une grande soeur qui nous guide un peu (et si possible qui évite le pessimisme résigné du "de toute façon ta génération est la génération sacrifiée*"). Bridget Jones cinquantenaire, veuve et désabusée très peu pour nous. 


* adjectif apparemment le plus souvent choisi pour nous qualifier dans l'enquête Génération Quoi ?

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