H. « Les vibrations de l’être »

Raphaël Tayachi

Extrait de: "Le goujat écrivaillon" (9782955701928)

Il n'y a de poésie que rimée ; encore en sus devrions-nous ajouter rythmée, si nous n'avions à craindre quelque terrible lecture, si nous ne redoutions que lors on la confonde avec les airs dont les chansons sont faites et qu'en l'occasion la musique supporte – non que l'inverse ni l'osmose ne sachent se produire. Mais, donc, parons l'urgence d'une désastreuse mésinterprétation d'une touche de simplicité, acceptons l'assertive unicité en sa probable nécessité, descendons d'un chiffre le nombre des variables, tout condescendant qu'exagérément on nous taxe par suite : il n'y a de poésie que rimée. Non que le poétique s'efface, non que de toute éternité on lui refuse l'être, ce qui relèverait premièrement plus d'un détestable orgueil que d'une jouissive voire orgasmique audace et souffrirait ensuite d'un patent manque de véracité, en superfétatoire addition d'un clair défaut d'incidence au réel. Non. Le poétique existe, et si tant était que nous puissions être en droit de l'être nous n'y sommes aucunement réticent ; il a pleinement et évidemment droit et factualité d'existence. Et il y a, en sus, beaucoup plus de poétique que de poésie, pour peu qu'on cesse de les amalgamer et d'encenser l'âme de l'un au glorieux nom des prestigieuses gammes de l'autre, autre du reste tout aussi notable, quand bien même, toutefois, on devrait au moins littéralement l'en séparer pour ce qu'on l'en reconnaîtrait en la matière moins noble. Mais, tout bien considéré, tous deux conservent intacte la théorique prétention aux qualités, l'accessibilité à celles-ci, voire pourquoi pas l'idée d'une pléthore d'elles. Mais l'un n'est pas l'autre. Non, certainement pas. Ou bien, allons, fous sans raison, foutons-nous en, partons vagabonder en quelques assertions légères sans juste regard sur leur profond signifié : au même titre que la précédente largesse, à laquelle abusivement on s'adonne en s'extasiant tout haut et tout faux, devant un texte aux poétiques relents, soit au poétique semblant, qu'il est belle poésie, ou face à un assemblage de mots sans véritables queue ni tête mais à l'évocateur fumet qu'il est, là encore, savoureuse poésie, ou confronté à un léché discours qu'il est, toujours, véritablement et en l'essence poésie, tout ça pour un tir à la ligne, pour une visuelle structure, pour les picturaux non-dits dont pourtant la poésie ne saurait avoir l'exclusif apanage ni la seule maîtrise, tout ça pour un manque de savoir qui dit celui du vivre puisqu'on ne devrait pas s'autoriser à étaler ses lacunes, cognitives ou logiques, pas plus que ses méprises en la publique place que les ignares vénèrent sans en relever le niveau lorsqu'ils s'agitent, lorsqu'ils s'y agitent telles des hyènes à la curée sans conserver longtemps le pompon bataillé, tout aux deux contraires pour leur majorité, ni sans savoir ensuite qu'elle révèle sans adoucissants fards leur piètre et triste niveau à ces autres, cachés, qui n'aiment pas tant crier qu'ils dussent en fin de l'intérêt rompre l'heureux retrait dont ils firent maxime et poursuivent remarquablement, sinon honorablement vertu. Tout ça pour une justification, pour un textuel agencement, pour un minimalisme du dire auquel on résume, alors, l'esprit de concision des vers, qui l'ont pour consigne et contrainte. Tout ça pour une vague saveur, une diffuse couleur, voire une coloration, quand du pied, pour le prendre et voler, s'envoler vers les cieux et non voler les vers, preux, c'est à la lettre qu'on compte. Non, il n'y a de poésie que rimée, et le poétique semblant n'est pas, résolument pas du même acabit. Ou bien l'artisanat est un art comme un autre et, partant, l'artisan par raison un artiste toujours, suivant le déductif fil, d'où suit naturellement et comme s'emballe le crépusculaire avènement que le boulanger, tout en restant tout aussi mal chaussé que son forgeron de confrère, mâle tenant au général instar sa baguette en aussi haute estime qu'il se figure aux autres, par-là, en faire autant de la dragée, est un virtuose tel l'autre, de la baguette de pain comme d'illustres magiciens de celle d'orchestre, régalant, lui, papilles et ventres, cette digestion-ci remplaçant ici celle courant là-bas des oreilles aux esprits. D'où découle, encore, toutes choses étant égales et tous les artistes entre eux, non négociable question d'égalité trempée sans sourciller dans l'égalitarisme, sombrée dans lui comme d'aucun fut un jour suicidé, que ledit boulanger, indifféremment de son indéniable avantage d'essentialité en regard de notre quotidien pain (ne sombrons pas dans un brutal et simpliste renversement), mérite autant d'honneurs, de gloire que celle pendant des siècles et des siècles réservée aux fastueuses partitions. Oui, alors, allez, le simple est au niveau de l'élégant, l'alimentaire au rang du divertissement, tout génie qu'il abrite, et le relativisme réduit une nouvelle fois la hiérarchie des mondes en un inconsistant néant tandis que jamais il ne fut dit que la relativité devait abroger toute constante comme s'il s'était agi d'un privilège ! Non, bien entendu que non, bien entendu que la relativité des vues n'est pas un abrutissement mais, au contraire, pour peu que des brutes on fasse de fins gourmets et qu'on cultive assez des divers jardins et potagers, une mise en exergue des valeurs par leur mise en lumière, qu'on sait source de beaucoup ! Mais, tant pis, allez, après dingues soyons carrément déraisonnables, achevons la démonstration, poursuivons notre pis-aller tout cousu de fil blanc par le coloré-jumeau-seing de l'idiot, la permission, donc, impudemment et imprudemment donnée aux idioties dès le commencement, et prétendons, allons impunément jusqu'à prétendre qu'il n'y a de communication qu'en le discours, le verbe, qu'il n'en est en l'espèce qui vaille que la parole, elle-même et seule (...).

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