H2G - Hand of God game

Gérard Dargenson

Le jeu de la main de dieu - Chap 6

INSTALLATION

Son reportage bouclé le contrat qu'Annie avait avec la revue professionnelle hôtelière prenait fin, elle trouva un poste provisoire en Arles, dans l'administration du festival annuel de photo. Plus tard, elle parvint à se faire embaucher à la direction départementale des affaires financières et sociales de la communauté de communes du Pays d'Aix, plus communément appelée par son petit nom, la DDAFS. C'était un poste de management, qui ne correspondait pas tout à fait à sa formation initiale mais c'était une situation plus sûre et cela nous permettait d'être ensemble car finalement, elle avait décidé de vivre avec moi malgré notre différence d'âge.

Nous avions déniché dans une petite rue non loin du Cours Mirabeau une demeure en piteux état avec plein de pièces, des hauts plafonds, des carrelages en tomettes provençales, des murs peints en rouge et orange et une courette fermée en guise de patio avec des arbres et des fleurs. C'était l'été, il faisait beau, j'avais quitté ma tanière de célibataire et on avait fait affaire. L'hiver venu, l'humidité s'est installée, on avait un peu déchanté mais notre maison gardait son charme quand même, après quelques travaux elle est même devenue habitable.

Nous avions eu notre premier enfant. Du temps où elle se partageait entre son studio d'Arles et ma tanière d'Aix où elle venait dès qu'elle pouvait, elle avait débarqué un soir chez moi très énervée, son ex-ami Oreste avait eu l'idée funeste de la relancer. Elle était belle de colère outragée. Je n'avais pas trop posé de question, nous avions pris un café sur mon lit. Enfin, elle avait commencé à s'expliquer :

— L'ambiance était tendue. Heureusement, j'étais en compagnie hier au soir. Il a fini par s'en aller.

La créature en courroux pétrissait nerveusement ses mains. J'avais fini par lui dire :

— Bon, il est parti, c'est fini maintenant, pas la peine de faire cette tête !

Regard noir, le numéro 666 que ces dames sortent dans les grandes occasions. Je l'avais prise dans mes bras, elle portait une robe qui pouvait se déboutonner de haut en bas, un vrai bonheur, ce que j'ai entrepris de faire sans me presser. Sa nudité apparaissait au fur et à mesure, juste ornée d'abord un soutien-gorge en dentelle blanche puis d'un string assorti. C'était un après-midi de printemps pluvieux ; le jour éclairait à peine la chambre à travers les volets entrebâillés. Annie des merveilles était nue sur mon grand lit. Son grand cou parfumé sentait bon comme sa une poitrine avec deux petits seins et son ventre plat. Deux longues jambes portaient en triomphe un corps en fuseau de chair. Je me suis penché vers elle et je l'ai embrassée sur son ventre, sur ses cuisses, entre ses cuisses, dans l'ordre, dans le désordre puis dans le chaos. Elle était désirante, sa peau avait une saveur capiteuse et fondante. Ensuite je l'ai placée à quatre pattes et pénétrée en caressant son dos et en serrant ses épaules comme pour les broyer. Elle gémissait de plaisir.

— Tu es sûre que tu es frigide ?

— Avec toi non. Mon ami était gentil avec moi mais…

— Mais tu n'es pas satisfaite ?

— Non, ce n'était pas assez tendre. Pourtant nous tenions beaucoup l'un à l'autre. Je croyais pouvoir m'accommoder de la situation.

— Mais comment faisais-tu avec lui pour faire l'amour sans désir ?

— C'était de plus en plus dur. Parfois, j'en avais mal. Tu sais, il y a quelque chose qui a changé en moi en quelques jours .

— Quoi donc ?

— Je ne suis plus aussi réticente à l'idée d'avoir un enfant.

— Un désir d'homme, c'est un désir d'enfant.

— Tu m'as dit cela, je ne voulais pas le croire. Autant te prévenir, j'accepte très difficilement qu'on me commande. Tu ne me trouves pas trop collante ?

— Colle, colle ! L'important, c'est de coller agréablement.

Annie était peu bavarde. Il fallait s'habituer à être à ses côtés avec des longs moments de silence, mais c'étaient des moments finalement agréables, pendant lesquels chacun s'affairait à ses occupations, tout en étant très proche de l'autre.

C'était une curieuse fille, qui donnait parfois l'impression d'être là seulement pour la décoration, tant elle était réservée, sagement assise et immobilisée dans une pose hiératique. Elle était toujours impeccable, très bon chic bon genre, et parlait d'une voix douce et posée. Nous avions dormi, agrippés l'un à l'autre comme deux noyés. Les premières fois où nous avions fait l'amour, je n'étais guère conquérant. Ce n'était pas la première fois que ce genre de mésaventure m'arrivait, avec certaines femmes du moins. Sur ce plan, on peut catégoriser deux sortes d'hommes : d'une part les cosaques qui baisent d'abord puis enlèvent leurs bottes. Ils pratiquent ainsi tout le temps et pour toujours. D'autres parts les galants, qui bénéficient d'une sensibilité un peu envahissante source d'émotivité au début. Mais ensuite, cette fichue sensibilité devient le chef d'orchestre très inspiré de la symphonie sensuelle.

En attendant, c'est une autre sorte de symphonie qui m'attendait, celle d'un drôle de jeu qui allait me conduire directement en face de curieux policiers.

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